Depuis cette injonction maternelle, il épargne sou par sou, se nourrit peu et enchaîne les petits boulots dans la capitale sénégalaise Dakar pour réunir les 400 000 FCFA (plus de 600 euros) nécessaires pour financer son voyage vers l'archipel espagnol des Canaries.
"Ici, la vie est trop dure. Les usines ferment les unes après les autres, la crise s'amplifie, il n'y a plus de travail...", explique Ibrahim, originaire de Matam, région déshéritée du nord-est sénégalais.
Pays pauvre d'Afrique de l'Ouest tout en étant très aidé par la communauté internationale, le Sénégal est un grand pourvoyeur de clandestins et un important point de départ et de transit pour les autres ressortissants ouest-africains qui tentent de rejoindre l'"Eldorado" européen.
Après avoir fui son village à cause de la misère, Ibrahim s'est installé à Dakar, pour faire le "bana-bana" (vendeur de rue en langue wolof). "Depuis, je mange peu, dépense très peu et mes vêtements, je les lave la nuit et les porte le lendemain", explique-t-il en montrant son tee-shirt gris et son pantalon délavé.
Après avoir été cordonnier, puis vendeur de pacotilles, il vend aujourd'hui des tableaux pour touristes aux alentours de Sandaga, le plus important marché de Dakar. "Avant, des centaines de jeunes s'agglutinaient ici pour vendre, mais la place se vide progressivement, imaginez où ils sont tous partis", dit-il en faisant référence aux nombreux départs de jeunes Sénégalais. Depuis le début de l'année, plus de 23.000 Africains sont arrivés au Canaries, un chiffre record.
"J'en connaissais qui ne voulaient pas prendre de risques en mer, mais les conditions ici sont tellement hostiles ici qu'ils n'ont pas pu résister", poursuit-il. "C'est vrai aussi qu'on peut monter un commerce avec 400.000 FCFA, mais tous les membres de ta famille voudront que tu les prennes en charge. Un jour, on te demande de payer des ordonnances, un autre jour c'est le sac de riz... C'est infernal!", souligne-t-il.
"J'ai séjourné au Burkina Faso, au Mali où on faisait état de +facilités+ d'obtention de visas, mais j'ai perdu de l'argent et du temps car, entre-temps, de nombreux jeunes ont pris la pirogue", regrette Ibrahim. "La mer est mon ultime recours, rien ne m'arrêtera", jure-t-il avant de chuchoter: "j'ai des contacts avec des passeurs, mon départ est une question de semaines".
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