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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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Une journée de visite à un détenu à la Mac de Rebeuss : Tristesse des parents et arsenal de séduction des petites amies…

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Une journée de visite à un détenu à la Mac de Rebeuss : Tristesse des parents et arsenal de séduction des petites amies…

Tristesse des parents et arsenal de séduction des petites amies Qu’on l’appelle maison d’arrêt et/ou de correction, cachot, cellule, geôle, pénitencier, cabane, dépôt, bagne, trou, violon, boîte, chaîne, cage ou que l’on dise que tel est emprisonné ou encore en détention, en réclusion ou en prévention, cela revient platement à dire que l’on subit une peine d’incarcération infligée aux individus qui ne respectent pas les normes de la société et que l’on appelle prisonniers. C’est à une d’elles que l’équipe de Ferloo.com a rendu visite, au cours de la semaine. Mais que de tristesse et de misère englouties dans un silence très bavard, à côté d’un défilé des petites amies qui sortent tout leur arsenal de séduction à cette occasion. Reportage !

Il est 10 heures. Dakar revêt tranquillement ses parures de… feu. La muraille de la « citadelle du silence » réverbère fortement les rayons du soleil. Le silence matinal se noie dans le bruit d’un jour nouveau : vrombissements de moteurs par-ci, coups de klaxon par-là. Les voix des apprentis-chauffeurs et autres « coxeurs » (rabatteurs) se confondent avec celles de vendeurs à la sauvette vantant les mérites de leurs produits, souvent étiquetés « made in China », pour ne pas dire contrefaits. Seuls ceux que le chanteur Souleymane Faye appelle « Abdou Guèye » (nom générique dont on affuble souvent les lève-tard et chômeurs) sont encore blottis dans leurs couvertures chaudes, ignorant le temps (météorologique) qu’il fait. Dakar a repris vie. Les « goorgoorlu » - ici, personnes en activité - disputent les chaussées aux véhicules. Leurs pots de tomate transformés en bols d’oboles, des talibés, couverts de leurs haillons aux couleurs kaléidoscopiques, tendent la main aux passants. Donnant corps à la volonté des maîtres coraniques se souciant peu de leurs obligations pédagogiques, des âmes sensibles à la « misère » des talibés donnent qui, un sachet contenant quelques morceaux de sucre, qui d’autre, des bougies ou de la cola pour la libération du fils, du frère ou de l’époux embastillé.

Nous ne sommes pas vendredi pour pouvoir justifier la présence d’autant de demandeurs d’aumône comme on le note dans la société musulmane à l’occasion de ce jour « béni » et de visite aux détenus. Nous sommes bien un mardi. Cependant, rien d’anormal. Ce deuxième jour de la semaine, comme le vendredi est aussi « un jour de visite aux détenus ou aux prévenus comme noté dans les autorisations de visite dûment signées « qualité, signature et sceau de l’autorité qui délivre le permis », en l’occurrence, le parquet du procureur de la République. Pour voir un parent en prison, il faut avoir le sésame. S’il est un prévenu, il faut se rendre auprès des gardes pénitentiaires sis à l’entrée du tribunal du Bloc des Madeleines de Dakar. S’il est déjà jugé et condamné, il faut aller auprès du parquet, à l’intérieur du bâtiment ou dans le bureau où l’on délivre les certificats de casiers judiciaires et attendre mardi ou vendredi pour se rendre à « Rebeuss Islands ». Nichée entre les rues Armand Angrand et la voie de contournement de l’Oci qui mène au foyer socio-éducatif du défunt stade Assane Diouf, la prison de Rebeuss est l’hôte, ces deux jours de la semaine, d’un ballet incessant de parents et proches des personnes en conflit avec les lois nationales. Mais même « accompagné » d’une pièce d’identité « du bénéficiaire » ou visiteur, le seul permis ne suffit pas, il faut aussi respecter scrupuleusement les heures de visite qui sont totalement différentes de ce qui est écrit sur le bout de papier rose pour les prévenus et blanc pour les détenus. En vérité, selon l’article 113 du décret n° 66-1081 du 31-12-1966, les horaires de visite sont les mardi et vendredi de 9 à 11 h 45, le matin ; et de 15 à 17 h 45, les après-midi. « Naxee mbaay » (tromperie). Si vous arrivez une seconde après 11 heures le matin ou une seconde après 16 heures, le soir, vous n’entrerez pas. La porte vous sera catégoriquement fermée par les matons en sentinelles. Pourquoi cela ? Allez voir du côté de la direction de l’administration pénitentiaire, car pour les gardes en faction, « les ordres sont des ordres ; ils sont à exécuter sans murmures ni questionnements ».

Entre tristesse des parents et défilés de mode des petites amies…

Après avoir rempli les conditions citées plus haut, les visiteurs se présentent aux gardes pénitentiaires en faction. Ils montrent patte blanche et s’engouffrent dans ce royaume au silence comparable à celui d’un cimetière. A leur gauche, quelques bureaux à l’air libre sous les arbres. Des tentes en zinc rouillé. Ce sont les agents affectés aux courriers et autres mandats destinés aux prisonniers qui y officient. Derrière eux, un dépotoir de bols contenant les aliments des détenus venus de chez eux. Cette vaste place recevant ses ustensiles de cuisine donnent l’image du célèbre dépotoir d’ordures ménagères appelé Mbeubeuss. Plus loin, des garde-fous présentant une allée qui mène à l’entrée de la prison. Deux grandes portes en fer sur lesquelles sont dessinées des clés reliées par une chaîne. Suffisant pour montrer que nous sommes dans un lieu de restriction de la liberté. De l’autre côté, une grande bâtisse blanche. C’est là qu’attendent les visiteurs. Un à un, ils déposent leurs permis de visiter et attendent que leurs noms soient appelés par le renfort d’un haut-parleur grinçant. En queue leu-leu, les discussions vont bon train. Chacun disserte sur le cas de son parent détenu. Un homme à la tête poivre sel, une moustache bien taillée, donne une présomption de responsable à son discours teinté de religion. A l’en croire : « La prison, c’est comme un hôpital. Certains s’y rendent pour de simples maux de tête (migraine ou paludisme), d’autres pour les maladies infectieuses (mst, tuberculose ou même pour le sida). Certains en sortent guéris, d’autres meurent. Il y en a aussi qui en sortent incurables, d’où ce que les juristes appellent la récidive ». Après lui, une femme, la soixantaine, grosse comme un baobab, se déplace avec difficulté et parle, les yeux larmoyants. « C’est dur de voir son fils emprisonné. On devient la risée publique, la honte de notre quartier. Mais que voulez-vous, un fils est un fils. Qu’il soit le plus tordu n’enlève en rien qu’il est votre fils. Vous devez toujours l’aider à s’assagir. D’Est en Ouest, du Nord au Sud, j’ai parcouru tout le pays à la recherche du miraculeux marabout qui m’aiderait à faire abandonner le banditisme, le vol, la drogue et l’alcool à mon fils, mais impossible. Je suis fatiguée de le suivre à travers les prisons du pays. Mais que voulez-vous, car il oublie qu’à son âge c’est lui qui doit m’entretenir ? ». Dans un coin du bâtiment, les esprits sont surchauffés. La raison est simple : les gens ont des difficultés à entendre leurs noms prononcés à partir de la porte centrale de la prison par deux agents (un homme et une femme). Le micro grince et parfois vibre longtemps avant de découper de façon difficilement audible les noms des visiteurs. « Pourquoi ne mettent-ils pas une bonne sonorisation pour nous éviter tous ces efforts d’écoute ( ?), s’interroge, dépitée, une jeune femme. « Pour nous supplicier », répond une autre personne. Et d’ajouter : « D’ailleurs, comment peut-on entendre quelque chose avec le bruit de ces jeunes filles habillées comme des péripatéticiennes. Vous les voyez avec leurs « montré-caché », leurs accoutrements qui laissent deviner leurs corps exposés à tous les yeux. Ce sont toutes des petites amies des petits agresseurs. Regarde cette tête coiffée à l’Afro, cette bouche laissant paraître des dents en or et débitant des insanités. Ce ne sont ni leurs frères, leurs pères ou oncles qu’elles sont venues voir, mais les auteurs des petits larcins pour les entretenir. Vous voyez qu’elles ne sont pas affectées par l’arrestation de ces derniers. Elles discutent mode et parlent de Dakar by night, leur monde. Et mieux, elles se connaissent toutes. Je vois maintenant que ce que disait récemment un journal est vrai. Ce journal parlait d’une fille qui a été tuée par un agresseur à sa sortie de prison parce qu’elle n’était pas venue lui rendre visite en prison. Elles sont toutes jeunes et insouciantes. L’essentiel pour elle est de dire à leurs copains : « Je suis venue te voir ». Le reste ne les intéresse pas ». Un de ces spécialistes du « dangal » (habits courts laissant paraître les f…) de riposter : « Si quelqu’un vole pour nos beaux yeux, c’est son problème… Pour les reste, « moy loolu, quoi » » Et F. N., la plus sexy dans son accoutrement, d’enfoncer le clou : « Que voulez-vous ? Fi Adduna leu (Ici, c’est la vie). D’ailleurs, « ku merr, bokkul » (Pas de place pour la colère). Du côté de la prison, dans le sceau de l’anonymat, un responsable dit : « Si cela vous offusque, c’est parce que c’est votre première visite peut-être. Mais nous qui en sommes habitués, cela ne nous émeut plus. D’ailleurs, c’est même une façon pour les visiteurs de « tranquilliser » le détenu, pour certains. Pour d’autres, après avoir vu le détenu en bonne forme, eux aussi prennent courage et s’habillent bien pour le visiter. Bref, entre nous et les prisonniers, c’est comme entre les médecins et les morts. Cela ne nous émeut plus ».

Les jours de visite, une aubaine pour les vendeurs de cartons

« On ne reconnaît l’utilité des f… que quand vient l’heure de s’asseoir », dit l’adage. Cela est tellement vrai que l’emballage et les autres cartons vides que vous vous empressez de jeter à la poubelle sont une source de revenus financiers pour de nombreux pères de famille postés en face de la prison de Rebeuss. Vieil homme frappé d’une calvitie très poussée qui donne à sa tête l’image d’une calebasse vernie, M. N., tel un croque-mort qui guette l’arrivée d’un voyageur pour l’au-delà, attend avec impatience un client qui chercherait à étiqueter son bol de repas destiné à un parent détenu. Avec un gros couteau, il découpe les cartons en petits morceaux et son fils ou neveu fait le scribe. Calligraphe, ce dernier inscrit les noms et la chambre du prisonnier destinataire du colis ou du bol, moyennant une somme qui va de 100 à 500 F Cfa. Le carton sur lequel est inscrit le nom et la chambre du détenu aussi s’arrache à 100 F Cfa au minimum. Combien cela vous rapporte-t-il, par jour ? « Khaliss bougoul coow », répond M.N qui refuse poliment de répondre. Son associé sera plus prolixe. « Cela dépend des jours. Il y en a de bons et de mauvais, mais l’un dans l’autre, je rentre avec au moins 2.000 à 10.000 F Cfa) ». Du côté de notre source anonyme de la Mac : « C’est leur business. Mais ce qui nous intéresse nous, c’est l’identification des destinataires des bols. Avec 1200 à 1300 pensionnaires à Rebeuss, il nous faut savoir à qui appartient telle ou telle chose. D’autant plus que parfois, il n’y a pas que des aliments dans les bols. Il arrive qu’on y mette de la drogue. Alors, le contrôle des bols identifiés nous permet de sévir en cas d’infraction ». Quelques temps après, la voix du speaker prononce avec beaucoup de difficulté les noms des visiteurs qui sortent pour s’aligner à la porte d’entrée. Deux filles en tenue s’affairent à faire le dernier contrôle et récupèrent les téléphones portables et autres outils des nouvelles technologies de l’information et de la communication comme les Ipod, les Mp3 ou 4 ». La cloche sonne, la première vague de visiteurs a épuisé son temps de visite et sort pour laisser la place à une nouvelle arrivée de visiteurs. Dans des blocs en ciment dont la partie supérieure est en grillage de fer rouillé et sur lequel est repassée une nouvelle couche de peinture blanche, prisonniers et leurs hôtes échangent. Rares sont ceux qui arrivent à s’entendre, car tous gazouillent et piaillent, pardon, parlent au même moment. Certains prisonniers sont tristes comme leurs proches venus leur rendre visite, d’autres plus gais à l’image de la bande des filles sexy qui y est très connue à cause de la fréquence de sa descente sur les lieux, synonyme des nombreux séjours carcéraux de leurs copains. Devant ce spectacle, il n’est pas saugrenu de se demander à quoi sert la prison.

La prison, pourquoi ?

Selon le dictionnaire universel Wikipédia : « Les buts des prisons varient selon les époques et surtout les sociétés. La plupart du temps, il s’agit de protéger la société des éléments dangereux ; de décourager les gens de commettre à nouveau des actes interdits par la loi ; de rééduquer le détenu de manière à le réinsérer ; de soulager les victimes ; de faire taire les opposants politiques. Ce but est principalement visé dans les dictatures, mais les démocraties sont parfois, elles aussi, accusées d’agir de même avec des militants politiques et d’empêcher des prévenus de prendre la fuite ou de compromettre leur futur procès, on parle alors de détention provisoire ». Toujours selon cette source documentaire : « Autrefois, la prison servait également à enfermer les malades mentaux de manière à les isoler de la société. Depuis, la majorité des pays disposent d’hôpitaux psychiatriques. Mais les prisons contiennent une population relativement importante de personnes ayant des troubles mentaux ». On attribue principalement sept principes à la prison : correction : amendement, remplacement social ; classification : répartition dans des établissements pénitentiaires selon différents critères (âge, sexe, gravité de l’acte, etc.) ; modulation : où le déroulement de la peine passe par différentes étapes (privation de liberté, assignation à résidence suivi de libération conditionnelle avant la liberté) ; travail : comme obligation et comme droit (tout condamné a le droit de travailler plus que l’obligation de travailler) ; éducation : le traitement d’un condamné a pour but sa resocialisation. Erving Goffman prétendra que, au contraire, ces institutions totales loin de resocialiser les individus, pouvaient provoquer chez lui une déculturation entraînant son incapacité à se réadapter à la société ambiante ; contrôle : nécessite un personnel spécialisé et institutions annexes : il faut une assistance apportée au détenu lors de sa sortie de prison, au moment de la réelle resocialisation.

Le rôle des prisons dans l’Histoire

« Le rôle de la prison a plus ou moins changé à travers l’Histoire. D’un simple outil de rétention en l’attente d’une peine, il est devenu une peine en soi. Dans certains pays (principalement les démocraties), elle est un outil ayant pour objectif de protéger la société de ses éléments dangereux et de les réinsérer mais elle peut également être utilisée comme outil de pression politique dans des contextes plus difficiles. Dans les faits, la réinsertion est rarement pleinement atteinte. Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et punir indique que l’utilisation comme peine sanctionnant la délinquance est un phénomène récent qui s’est réellement institué au cours du XIXe siècle. Alors qu’avant la prison ne servait qu’à retenir les prisonniers dans l’attente d’une véritable peine, supplice, exécution ou bannissement. Les prisonniers étaient retenus dans un même espace avec leurs affaires personnelles et devaient payer leur nourriture. La désorganisation était telle que les suspects d’une même affaire pouvaient facilement s’entendre sur une version des faits avant leur procès. L’exercice de la justice de l’époque était une chose publique. En montrant les suppliciés à la foule et en tenant des exécutions publiques, le roi faisait la démonstration de sa toute puissance. Michel Foucault cite le grand renfermement ou encore la nef des fous comme exemples particuliers de privation de liberté antérieurs à l’époque moderne. Contrairement à la prison qui établit une peine à la mesure de la faute, il s’agissait de phénomènes d’exclusion où les populations déviantes (délinquants, fous, malades, orphelins, vagabonds, prostituées...) étaient enfermées pêle-mêle en dehors du regard des honnêtes gens sans autre ambition que de les faire disparaître… »



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