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Urgence médicale dans les hôpitaux : Le service débordé la nuit

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Urgence médicale dans les hôpitaux : Le service débordé la nuit

 

Plusieurs patients ou leurs accompagnateurs sont dans le hall du Service d’accueil d’urgences (Sau). Ils attendent d’être admis dans les salles de soins ou de réanimation qui sont déjà pleines. Les infirmiers se démènent pour soulager la clientèle dont une partie ne manque pas de décrier la lenteur des services d’urgences.

Il est 21 heures. En ce mois de septembre, une forte pluie s’abat sur Dakar. L’hôpital Principal est balayé par des rafales de vent. Hommes, femmes, jeunes filles et garçons qui sont à la devanture du Service d’accueil d’urgences (Sau) se précipitent à l’intérieur du hall. Ici, tous les bancs sont occupés par les malades ou leurs accompagnateurs. Ceux qui n’ont pas de place sont debout. Ils parlent sous la barbe. On cherche des renseignements auprès des guichets du hall. Derrière, la vitre, une femme répertorie les données sur ordinateur. Quelques trois patients ou leurs accompagnateurs font le pied de grue devant l’autre guichet.

Pendant ce temps, les ambulances et les taxis continuent de se relayer à la porte pour déposer les malades avant de repartir. On dirait que tous les cas d’urgences convergent vers Principal. On n’est pas loin de l’assertion. « Nous sommes tout le temps débordés la nuit. D’autres hôpitaux nous envoient des malades alors que c’est eux qui ont la spécialité pour cette maladie. Ce flux est accentué par le fait que l’hôpital Principal a un Service d’accueil d’urgences. Nous pensons qu’il faut que les autres établissements publics de santé ouvrent ce genre de service », préconise l’infirmier d’Etat, Alexandre Marone.

Trois praticiens descendent d’un chariot un homme d’âge avancé. Ils traversent le hall et l’installent dans une des salles. Un autre malade est allongé sur le brancard. Les patients sont reçus selon les degrés de gravité et non de l’ordre d’arrivée. « Nous avons un infirmier qui est chargé de faire le tri dans le hall. Nous faisons entrer les malades, selon le degré de gravité », explique l’infirmier d’Etat. Ce que beaucoup de patients ne comprennent pas et ne tolèrent pas.

Vêtu d’une blouse blanche assortie d’un T-shirt vert, Alexandre Marone, qui sort du couloir de la salle de réanimation est interpellé directement ou indirectement par les parents des malades. « Cela fait longtemps que je suis là », lance un homme posté à la porte qui donne accès au couloir des salles de soins. « Venez voir cette femme. Elle vomit », lui supplie une autre dame de teint clair. On entend certains maugréer contre la lenteur des services d’urgence. C’est la moindre complainte. Les parents et les malades rabrouent le plus souvent les praticiens préposés à fournir les services. Si l’on s’en tient aux témoignages d’Alexandre Marone, « certains malades ou leurs parents protestent parfois de façon peu courtoise. Mais, nous comprenons leurs attitudes. Nous ne répondons pas sur le même ton », rapporte l’infirmier d’Etat.

Ce service fonctionne 24 heures sur 24. Mais, il est presque tout le temps débordé. Il reçoit annuellement 38.000 malades. Ce service compte 4 boxes de consultations, une unité de radiologie, deux lits pour la réanimation, une unité d’hospitalisation de courte durée de 8 lits. L’urgence médicale n’est pas un effet d’annonce dans ce service. Il est plus une réalité. « Nous faisons de la chirurgie. Nous avons une unité de radiologie, les données sont interprétées tout juste après la radiographie. Pour le scanner, le radiologue fait l’interprétation et nous envoie le résumé », fait savoir l’infirmier.

Dans un striker (lit de réanimation), un malade est en réanimation, sous l’assistance des praticiens. Le Service d’accueil des urgences (Sau) est coiffé par un médecin anesthésiste-réanimateur. Deux médecins urgentistes diplômés de la Camu en France.

Le service d’accueil et d’urgences est inauguré le 17 février 2005 par le ministre délégué à la coopération française, Xavier Darcos, et le ministre des Forces armées du Sénégal, Bécaye Diop.

Les malades dénoncent les lenteurs

L’insatisfaction est un sentiment ambiant chez les malades ou leurs parents venus solliciter les services d’urgence durant la nuit dans les hôpitaux. A Nabil Choucair, comme à l’hôpital Principal de Dakar, les clients dénoncent la lenteur des services d’urgence.

Le centre de santé Nabil Choucair sis à la Patte d’Oie, est animé cette nuit. C’est comme si nous étions en plein jour. Un groupe de malades et des accompagnateurs attendent dans l’amertume. Diarra Khouma, une mère arrive avec son enfant et se sacrifie à la règle d’attente comme plusieurs personnes trouvées sur place. Au fur et à mesure que les minutes s’égrenaient, l’attente devenait de plus en plus insupportable et lassante. La lassitude et la fatigue sont palpables sur les visages. Mais que faire ? Sinon se résigner comme cette dame qui a les yeux rivés vers le bas. Mais, d’autres ne se contentent pas de s’accommoder.

Habillé en pantalon et en T-shirt, Salamon est dans la file d’attente. Il vient des Parcelles Assainies. Il transpire. Le bonhomme ne se fait pas prier pour répondre à notre question. Il a saisi l’occasion pour se faire entendre. « Je suis arrivé ici depuis 20 heures. J’ai déjà acheté mon ticket. Mais, jusqu’à présent, j’attends. Les infirmiers ne font pas bien leur travail. On a l’impression que l’on prend les malades par connaissance », s’indigne Salamon qui souffrait de douleurs abdominales et de fatigue.

Ces critiques n’ont pas de fondements aux yeux des agents de santé. La capacité d’accueil et l’effectif sont les causes de la longue attente. « Nous sommes toujours débordés pendant la nuit ». Ces mots lâchés par une infirmière, qui y officie depuis une dizaine d’années illustrent que ce n’est pas de gaieté de cœur que les malades perdent du temps avant de se faire consulter ou soigner. Ici, comme ailleurs, toute la clientèle ne peut être satisfaite simultanément.

Au hall du service d’accueil d’urgences, une Sénégalaise d’origine libanaise ne cesse de protester contre les agents. Elle traverse le hall en gesticulant pour venir parler à un agent avant de retourner sur ses pas pour aller humer l’air dehors à la devanture du service d’urgence. Elle continue ses critiques. « On vient ici pour mourir, regarder ces gens qui se tordent de douleur, sans aucune prise en charge à cause du déficit du personnel. Cela me fait mal quand je vois les gens agoniser, sans qu’on s’occupe d’eux », regrette la dame. Pourtant, on rencontre parmi les malades d’autres qui apprécient le travail des agents de la santé chargé d’assurer les urgences...

Peut être, il faut que les agents de santé consacrent un peu de leur temps pour faire comprendre à la clientèle que l’on est reçu, selon l’ordre de gravité de la maladie et non celui d’arrivée.

Médecin-Lieutenant Colonel Mapathé Seck, chef du Service d’accueil des urgences de Principal : « Nous ne mettons pas en avant l’argent devant l’urgence médicale »

Il n y a pas mille formules pour régler l’urgence médicale à Dakar, sinon ouvrir des services d’accueil d’urgence dignes de ce nom dans les établissements de santé de la capitale. C’est la conviction du médecin lieutenant-colonel, Mapathé Seck, chef du Service d’accueil des urgences de l’hôpital Principal de Dakar. Mapathé Seck a démontré que l’argent n’influe pas sur le tri des malades devant bénéficier des prestations de ce service. Il a donné dans la foulée les raisons de l’impossibilité d’hospitaliser tous les malades.

Quel regard portez-vous sur le fonctionnement du Service d’accueil des urgences (Sau) de l’hôpital Principal de Dakar ?

Le Service d’accueil des urgences (Sau) de l’hôpital Principal de Dakar est une structure qui fonctionne 24h/24h. Il accueille toutes les urgences qu’elles soient pédiatriques ou celles des adultes (urgences médicales, chirurgicales...). Mêmes les femmes qui viennent pour les accouchements passent dans nos services avant d’aller à la maternité. Le Sau est un service polyvalent. Il dispose d’une équipe d’une cinquantaine de personnes (des médecins, des infirmiers, des aides infirmiers, des garçons) qui se relaient toutes les heures pour prendre en charge tous ces malades.

Cette prise en charge est difficile du fait qu’il y a une saturation permanente du servie. Certains cas d’urgences sont référés par les autres hôpitaux, ce qui fait que le Sau est souvent le dernier recourt pour les malades. Donc, nous ne pouvons plus les référer à notre tour vers les autres hôpitaux. C’est ce qui explique cette saturation permanente. Ce qui entraîne des désagréments, chez certains malades. Parce qu’ils attendent longtemps avant d’être prise en charge. Ces désagréments ne sont pas liés au déficit du personnel, mais au manque de places. Il faut que les malades et les gens le comprennent bien.

Est-ce que tous les malades qui sont admis en urgence paient les frais d’hospitalisation avant d’être soignés ou reçus par vos agents ?

Je ne vais pas donner de prix. Mais, sachez que tous les malades qui arrivent sont pris en charge qu’ils paient ou pas parce que, c’est un service d’urgence. Et devant l’urgence, c’est la vie du malade qui prime. Donc les malades ne sont pas obligés de payer. Si c’est une urgence avérée, le malade est pris en charge tout de suite. Maintenant, est-ce qu’il faut payer ou non, ça c’est autre chose. Il y a un service qui s’occupe de cette question. Nous mettons en avant l’urgence, même les malades qui sont sans domiciles fixes et qui sont ramassés dans la rue par les sapeurs-pompiers. Pour vous dire que nous ne mettons pas en avant l’argent. Parce que tout simplement nous sommes un service d’urgence et l’hôpital Principal est un établissement de santé public comme les autres structures, donc nous sommes obligés de prendre en charge tous les malades.

Vos agents sont souvent débordés par le nombre de cas d’urgences. Est-ce que vous avez envisagé de renforcer le personnel soignant ?

C’est vrai qu’il y a un déficit du personnel. Mais, ce n’est pas cela la cause de l’engorgement parce que même si le personnel était multiplié par deux, tant que le service reste encombré, il y aura toujours des problèmes. Il faut que les malades pris en charge puissent sortir et que les autres prennent leurs places. Ce n’est pas le cas, car le flux entrant est beaucoup plus important que le flux sortant. Les cas d’urgences arrivent, nous les mettons dans de bonnes conditions. Ces services d’hospitalisation sont souvent saturés, ce qui fait que les malades arrivent, on les prend en charge, mais on ne peut pas les hospitaliser. Donc ce débordement n’est pas lié au déficit du personnel, mais plutôt au manque de lits, car nos services sont souvent pleins et ceux qui arrivent attendent plus longtemps avant d’être reçus. Pour régler ce problème, il faut que les autres hôpitaux construisent des Sau, pour qu’on puisse au niveau de Dakar améliorer la prise en charge des urgences.

Est-ce que les autres établissements de santé ont réellement des services d’urgences ?

Ils en ont, mais de faibles capacités. Ce ne sont pas vraiment des services d’urgences. Juste quelques petits centres d’accueil, avec quelques lits d’observation. Cela ne suffit pas. Et beaucoup de malades sont référés à l’hôpital Principal. Ce qui fait que le malade fait souvent le tour des hôpitaux et au finish, c’est nous qui l’accueillons.

Quel est le message que vous lancez à l’endroit des malades que nous avons trouvés dans une situation de détresse. Certains disent même qu’ils viennent ici pour mourir ...

Le message c’est que les gens comprennent que ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on les laisse attendre pendant longtemps. S’ils attendent, c’est parce qu’il n y a pas de possibilité de les prendre en charge. Nous avons fait l’effort de mettre des affiches pour expliquer un peu pourquoi cette attente est longue. Elle est longue parce que le service est plein.

Nous ne pouvons pas faire sortir des personnes gravement malades. Ces derniers sont dans le Sau pour attendre leurs bilans. C’est pourquoi, nous disons à ces personnes qui disent qu’elles viennent pour mourir, parce que si c’était le sentiment qu’elles avaient, elles ne seraient pas venues. Elles viennent chercher une aide. Malheureusement, il y a beaucoup de demandes. Mais, il faut noter que la majorité des personnes qui arrivent dans nos services sont satisfaites de la qualité du travail même si parfois l’attente est longue. On a l’impression que les médecins tardent à les prendre en charge. Mais, ce n’est pas de leur volonté. Le service est toujours saturé et c’est le seul service d’accueil des urgences qui existe à Dakar. Donc, c’est normal que l’attente soit longue. Ce n’est pas un problème spécifique au Sau de l’hôpital Principal, dans tous les services d’urgences du monde, les gens attendent. Il faut que les gens comprennent que notre but, c’est de permettre à ce que cette attente soit la moins longue possible et que s’il y a possibilité de les prendre en charge, on le fait tout de suite.



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