« Quoi ? Tu délires ? Tu sais bien que beaucoup de filles actuellement ont perdu leur virginité. Ce n’est même pas une question qui se pose mon pote. Tu le sais bien toi ».
Celui qui parle ainsi se nomme Tamsir, un jeune vendeur de portables qui dit ne plus croire à la virginité. La raison, il l’explique par le fait que les parents euxmêmes ont démissionné de leur rôle, laissant leur progéniture, surtout les filles s’habiller n’importe comment et mener leur vie comme bon leur semble.
« Maintenant les filles s’habillent pour la rue. Elles sortent de leur maison au vu et au su de leurs parents. De pareilles filles, si tu les maries c’est sûr que tu ne trouveras rien sur elles », renchérit le jeune homme. Balayant d’un revers de main ces allégations de Tamsir contre les filles et les parents, Sokhna, un agent de distribution des cartes crédit soutient avec un ton ferme : « celles qui veulent garder leur virginité continuent à la garder. Cessez de parler ainsi des filles ! ». Prenant ainsi fait et cause pour les filles, Sokhna préfère même imputer la perte de virginité aux garçons. Car selon elle, toute fille qui n’est plus vierge a été déflorée par un homme. Si entre l’homme et la femme, chacun taxe son prochain d’avoir contribué à la perte de « ce grand trésor des femmes », un fait s’impose : la virginité n’a plus la cote à l’heure actuelle.
Cette virginité qui, jadis, faisait honneur à la fille et à sa famille, a beaucoup perdu de sa valeur. Il n’existe plus l’époque où la fille qui constatait la perte de sa virginité pleurnichait sur son sort. Le monde a évolué et lesmentalités avec.Dans sa première publication, le magazine Dakar Life révélait dans un sondage réalisé à Dakar que 71% des filles trouvent que la perte de la virginité ne les empêche pas de semarier, contre 63% des hommes. Dans cet échantillon de 615 individus, la plupart de ces personnes interrogées mettent plus en avant l’amour, la fidélité dans le couple ou la tolérance et la compréhension aux dépens de la virginité. Certains arguant même qu’il est difficile à une femme de rester « intacte » c'est-àdire ne pas connaître de rapports sexuels avant le mariage. Entre autres raisons qui expliquent le ravalement de la virginité au second plan, la sociologue Bandel Kane interrogée par Dakar Life estime que la mondialisation et la crise économique ont négativement joué sur la virginité. Car selon elle, aujourd’hui les valeurs ont évolué avec toutes les cultures qui envahissent notre société par le biais de la télévision, le développement d’Internet dont les aspects négatifs sont l’affichage de la sexualité débridée voire des films classés.
Concernant le facteur économique, la sociologue estime que certains parents ne peuvent plus assurer le minimum vital à leurs enfants. « Ce qui fait, selon elle, que les enfants sont exposés. Les jeunes filles sont plus exposées que les garçons, parce qu’elles sont traquées par les hommes nantis et deviennent des proies faciles ».
Reconstituer l’hymen à tout prix
Dans un contexte pareil, il est de plus en plus fréquent de constater que des jeunes filles fassent recours à des méthodes de reconstitution de l’hymen au moment du mariage. Mais il sert simplement à faire croire à certains conjoints rigoureux qu’on est encore jeune fille. Mariée en secondes nonces, Adama une jeune femme de 35 ans témoigne : « Dans mon quartier, les filles qui veulent faire croire qu’elles sont vierges partent voir une dame. Elle est très expérimentée dans ce domaine. La dame en question te donne du sang de coq que tu asperges dans le drap blanc en couchant avec ton mari. Ça existe, mais c’est un secret des filles dans mon quartier ».
Si beaucoup pensent que la reconstitution de l’hymen est une chimère, chirurgicalement la technique existe. Dans certains pays occidentaux comme l’Allemagne, des médecins sont spécialisés dans ce domaine. Même si au Sénégal, cela ne se pratique pas encore dans les cliniques, ce n’est pas le cas de la Gambie où dit-on cette reconstitution de l’hymen est bel et bien pratiquée.
« LABANE » Une pratique en déclin
Le « labane », cérémonie symbolisant
les festivités rythmées à
coups de tam-tams après la nuit
nuptiale, ne fait plus recette. Il
n’est pas besoin d’aller loin pour
s’en rendre compte, il suffit juste
de faire le constat dans son quartier
résidentiel. Les tam-tams ne
résonnent plus le matin pour
annoncer aux populations que la
fille de telle ou telle personne était
vierge avant le mariage.
« Je ne dis pas que c’est une pratique
qui a complètement disparu,
mais c’est rare à l’heure actuelle.
On ne nous appelle que rarement
lematin pour animer des labane »,
constate El Hadj Mbassou Ngom,
grand griot rufisquois.
Nostalgique d’une époque révolue,
le vieux griot soutient que le
mariage s’étalait sur quatre jours
notamment du samedi au mardi
et chaque jour constituait une
étape du mariage. Aussi, durant
huit jours, les camarades de la
nouvelle mariée venaient dîner
chez elle. «Mais de tous ces jours,
celui de labane est le plus beau
pour la fille et pour sa famille. La
fille est respectée par son mari et
la famille en sort avec plein
d’estime », remarque Mbassou
Ngom.
Plus heureux que quiconque, le nouveau marié, après avoir passé une nuit nuptiale avec succès dépensait sans compter. A la fin de la première nuit passée avec sa femme, l’homme dépose sous l’oreiller la somme de 25.000 Fcfa (somme symbolique) ou une chaîne en or. « Mais tout dépendait de ses moyens et de ce qu’il prédestinait à la fille », précise le griot.
De telles festivités étaient faites
à l’honneur certes de la fille et de
sa famille, mais c’était aussi un
clin d’oeil aux autres filles pour les
encourager à préserver leur virginité.
« Et durant toute cette
semaine, aucune fille n’osait
accompagner son petit ami quand
ce dernier venait la rendre visite »,
raconte El Hadj Mbassou Ngom.
Aujourd’hui c’est avec regret
que le vieux Mbassou Ngom
constate la disparition de jour en
jour de ce pan important de notre
culture.
« Avant, ajoute Mbassou, il appartenait aux parents de choisir à leur fille un mari. Ce qui n’est plus le cas. Les filles prennent le mari qu’elles veulent et dictent leurs lois à leurs parents ». Mais derrière cette raison culturelle, le griot n’occulte pas le fait que la pauvreté et plusieurs facteurs conjoncturels ont pesé en défaveur de cette pratique.
OUTRE LES RAPPORTS SEXUELS: Ces autres facteurs qui font perdre la virginité
Définie comme l’état d’un
homme ou d’une femme qui n’a
pas encore connu de relations
sexuelles avant le mariage, la perte
de la virginité n’est pas uniquement
due à la défloration d’une
femme par l’homme. En plus des
rapports sexuels, d’autres facteurs
peuvent conduire à la perte de
l’hymen. Chez la femme, un accident
ou une chute peuvent en être
la cause. Il en est de même de la
malformation à la naissance ou de
maladie d’ordre gynécologique.
Certains sports comme le vélo également
peuvent être à l’origine de
cette perte de la virginité. De
même que certaines danses qui
nécessitent de grands écartements
de jambes. Dans nos sociétés traditionnelles
également, les mères de
famille déconseillent à leurs filles
de porter les vêtements d’un
homme ou utiliser la serviette de
celui-ci au sortir d’un bain.
Interdits qui les protège du risque
de se frotter avec les résidus de
sperme.
Ces hôtels et auberges
qui dévalorisent
L’hôtel ou l’auberge. Demander à une fille sa préférence pour y célébrer sa lune de miel, elles seront nombreuses celles qui vous répondront par l’hôtel ou l’auberge, préférant ces deux lieux de loisir modernes au fameux « labane » qui se pratiquait dans les concessions. Est-ce par pudeur ? Que non ! vous répondront sans sourciller beaucoup de personnes pour qui l’hôtel ou l’auberge restent des lieux où les couples complices masquent leur fausse virginité. Parce que le secret n’est plus possible dans les concessions, vaut mieux s’éloigner et présenter plus tard un pagne maculé d’un sang douteux. Histoire de faire semblant qu’on a passé un bon moment entre amoureux. Mais il ne faut guère occulter qu’avec ces pratiques devenues courantes à l’heure actuelle, c’est le mariage même qui est banalisé. Aujourd’hui, ce ne sont plus les parents qui déterminent le processus du mariage, de la lune de miel et de tout le cérémonial qui l’accompagnait, le soin est donné aux jeunes couples. Ces derniers, sans se rendre compte de la dévalorisation d’un pan important de leur culture maintenue jusque-là par nos parents et arrières-parents préfèrent des mariages simplifiés et des lunes de miel en dehors du regard des autres. Parmi les jeunes, ceux d’entre eux qui y tenteraient de revenir à l’ancienne pratique sont taxés de rétrogrades et « d’arriérés ».. Mais qui peut-on réellement leurrer avec ces nouvelles pratiques qu’on transfert dans les hôtels et auberges ? A chaque couple, sa conscience l’interpelle.
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