«Nothing New Under Gambia Sky», le dernier né de ses clips avait braqué les projecteurs sur la douloureuse situation gambienne. Publié au pile moment où le peuple Gambien s’apprêtait à lancer le dernier assaut contre son dictateur, Xuman concevait son produit comme sa contribution dans la lutte du peuple Gambien. Ses mots, puisés dans le mal être profond des gambiens, nourrissaient un flot ininterrompu de diatribes qui vilipendaient la dictature de «Yaya». Dans cet entretien avec seneweb, l’artiste rappeur revient sur la conception de ce morceau et raconte comment il a vécu la fraîche alternance gambienne. Tout en appelant à la réunification du peuple Gambien, Xuman dit ce qu’il attend du Président élu, Adama Barrow, et parle du sort qui devrait être réservé à Jammeh.
Xuman, vous avez récemment sorti un clip où vous vous insurgiez contre le régime de Jammeh. Comment vous est venue la décision de concevoir un tel produit ?
J’avais déjà fait le morceau, il y a deux ans. C’était dans le cadre des 20 années au pouvoir de Yaya Jammeh. J’avais rencontré des opposants gambiens de la diaspora, dans le cadre du journal rappé. Ils m’avaient sensibilisé sur les problèmes de la Gambie. Ils vivaient aux Usa. Ils m’avaient expliqué les problèmes auxquels ils étaient confrontés. Et cela m’avait vraiment touché. J’ai fait ce morceau qui date de deux ans maintenant. Mais il n’y avait pas de vidéo. Puis beaucoup de choses se sont passées après. J’avais même invité un artiste gambien sur le journal rappé. Je suivais de loin l’actualité gambienne. Au mois d’août, je suis parti aux Usa où j’ai parlé avec beaucoup de membres de la diaspora gambienne. Au cours d’une émission radio, beaucoup m’ont appelé pour me sensibiliser. Mais il y a eu un auditeur gambien qui m’avait dit une phrase qui m’a marqué. Il m’a dit : “On a l’impression que vous les sénégalais vous venez en Gambie que pour l’argent. Les sportifs, les lutteurs, les musiciens viennent en Gambie, prennent de l’argent et s’en vont sans se soucier des problèmes des gambiens”. Cette phrase m’a tellement marqué que je lui ai dit que moi je peux apporter ma contribution. Ma contribution, c’est de faire une vidéo pour cette chanson et de la poster dans l’espoir qu’elle sensibilise les gens. Mais la vérité c’est que la libération de la Gambie ne peut se faire que par les gambiens. Nous on est juste des pions. C’est suite à cette discussion que j’ai décidé de faire la vidéo. C’était ma modeste contribution pour cette diaspora Gambienne.
Aujourd’hui que Jammeh a été battu, qu’est-ce que cela vous fait ?
Je me dis qu’il n’y a que le régime d’Allah qui ne se termine pas. Yaya, à un certain moment, s’est cru au-dessus du peuple.Parce que dans une interview, il disait qu’il pourrait être président de la Gambie pour un milliard d’années. Il se surestimait! Je me rappelle de cette phrase de Wade qui, à la veille des élections de 2012, quand on lui a demandé s’il allait appeler le vainqueur pour le féliciter, s’il perdait l’élection. Il avait dit que c’était impossible qu’il perde l’élection. C’est comme si on lui disait que le ciel allait lui tomber sur ma tête. C’est ce à quoi me fait penser la déclaration de Jammeh. Voilà, Dieu a effectivement le pouvoir de faire tomber le ciel sur sa tête. Quand j’ai vu que le peuple a gagné, j’étais très inquiet. Car je n’étais pas sûr que Yaya allait accepter de si bon cœur sa défaite. J’avais très peut que l’armée descende dans la rue. Durant toute la soirée, je suivais les résultats. Mais finalement, quand j’ai entendu qu’il a accepté sa défaite, cela m’a soulagé à un certain niveau. Au moins cela a été raisonnable.
Mais, le fait d’avoir accepté sa défaite, le fait-il sortir par la grande porte, même après les cruautés qu’il a fait subir à son peuple ?
Franchement il y a deux choses : il y a le fait d’avoir accepté sa défaite et le fait de payer pour ses crimes. Ce sont deux choses qui n’ont rien à voir. Accepter, c’est être démocrate. Payer pour ses crimes, c’est la justice. Il y a des gens qui ont perdu leurs familles, d’autres qui ont perdu leurs parents, des familles qui ont été disloquées, des gens qui ont disparu parce que la Justice n’est pas établie. Donc le fait d’accepter sa défaite, c’est le jeu démocratique. Il est obligé de le faire. Mais le fait de payer pour les crimes qu’il a commis, ça c’est autre chose. Je ne parle pas de chasse aux sorcières, mais de rétablir la justice. Darboe est l’un des opposants les plus farouches de Jammeh. Il n’a même pas pu participer aux élections car il était emprisonné. Il y a des personnes qui étaient torturées et massacrées pour la bonne et simple raison qu’ils s’opposaient au régime de Jammeh.Pour certaines personnes qui ont été tuées, qui sont disparues, il a des comptes à rendre à la Gambie de toute façon. Il a des comptes à rendre. Maintenant, comment cela va se faire ? Par la manière douce ou par la manière forte ? Il a des comptes à rendre aux gambiens.
Qu’attendez-vous de Barrow, le nouveau Président ?
J’attends de lui qu’il soit un Président qui rassemble le pays. Je pense que le peuple gambien est assez mûr pour ne pas se faire diviser. Le président a compris que c’est le peuple qui est souverain, 22 ans de dictature ça ne s’enlève pas en un an ou en six mois. Au début, ce sera difficile, mais je pense qu’il doit être unificateur. Certaines réalisations de Jammeh peuvent être bien. Qu’il essaie de rassembler le pays parce que Jammeh avait réussi à diviser le pays. Il y avait une grande division même au niveau des ethnies. En somme, il doit tenir compte de certains acquis et améliorer ce qui doit l’être.
Beaucoup d’artistes ou même des sportifs vont en Gambie, chantent les louanges de Jammeh et reviennent les poches pleines. Pensez-vous qu’une telle situation doit continuer ?
Je ne sais pas si ça va changer. La Gambie et le Sénégal, c’est le même peuple. Je ne sais pas si cette alternance va empêcher certains artistes à y aller. Si on respectait la logique, on allait dire que moi j’allais être une star en Gambie. Parce que je fais partie des rares artistes à avoir clashé Jammeh. Mais la réalité est différente. Je pense qu’il y a des artistes qui vont continuer à y aller, des artistes qui sont aimés par le peuple même, et qui continueront à faire leurs activités, qui vont continuer à aller en Gambie faire des concerts. Maintenant, ce n’est pas pareil. Moi je suis un artiste rappeur, un musicien engagé. Dans ma posture d’artiste et de musicien engagé, ma démarche est différente de celle d’un artiste qui est un laudateur pour se faire de l’argent. Donc du coup, chacun a sa démarche, chacun a sa manière de voir les choses. Moi personnellement ça me gênerait beaucoup de chanter les louanges de quelqu’un et de recevoir de l’argent de cette personne. Parce que ça n’a jamais été ma démarche. Mais il y a des artistes qui ont toujours eu cette démarche. J’ai entendu une fois un griot me dire que le griot n’est jamais contre le régime. Que le griot est toujours avec le vainqueur. Je pense que cette phrase résume beaucoup de choses. Peut-être que les mêmes artistes qui ont chanté pour Jammeh vont chanter pour Barrow parce que c’est leur travail. Au Sénégal, on a vu la même chose. On a vu des artistes qui chantaient pour Wade chanter aujourd’hui pour Macky. Ce sont les mêmes qui ont chanté pour Diouf aussi.
Votre dernier mot ?
Je félicite le peuple Gambien. La vraie alternance de la Gambie c’est maintenant. J’espère que cette fois-ci la démocratie va triompher. Et j’espère qu’ils vont rester unis, panser les plaies de l’histoire. Il faut faire comme en Côte d’Ivoire ou au Rwanda. Faire des tribunaux de réconciliation nationale, des tournées de réconciliation nationale. J’ai entendu dire que Barrow allait trainer Jammeh en Justice, qu’ils avaient peur que Yaya fomente une rébellion. Tout ça, ce sont des choses qu’ils peuvent gérer. Moi à mon avis, il faudrait d’abord la réconciliation nationale.
Youssouf SANE
8 Commentaires
Anonyme
En Décembre, 2016 (20:57 PM)MAINTENANT IL FAUDRA QUE LE NOUVEAU PRESIDENT EVITE L,ERREUR DE FAIRE UNE CHASSE AUX SORCIERES,QUANT A JAMMEH TOT OU TARD IL SERA JUGÉ MAIS PAS MAINTENANT CAR CELA POURRAIT ENGENDRER DES PROBLEMES QUE PERSONNE NE SAURA GERER,IL FAUT BEAUCOUP FAIRE ATTENTION.
Anonyme
En Décembre, 2016 (21:12 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (22:09 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (22:37 PM)De Dakar
En Décembre, 2016 (22:52 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (06:31 AM)Badji
En Décembre, 2016 (09:53 AM)Anonyme
En Décembre, 2016 (19:52 PM)Participer à la Discussion