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YOUBA SAMBOU SUR L’ARRÊT DES POURSUITES CONTRE LUI « Je fais partie des victimes du Joola»

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YOUBA SAMBOU SUR L’ARRÊT DES POURSUITES CONTRE LUI « Je fais partie des victimes du Joola»

Né à Mlomp dans le département de Bignona en 1944, il enseigne les Mathématiques et la Physique de 1960 à 1970, avant d’être nommé Proviseur à Bignona en octobre 1991. Responsable politique du Pds à Bignona, il est nommé ministre des Forces armées dans le gouvernement de Moustapha Niasse et reconduit dans ses fonctions le 12 mai 2001. En poste au moment du naufrage du bateau «Le Joola» qui fit plus de 1 863 morts en 2002, Youba Sambou est contraint de démissionner le 1er octobre 2002. Il s’explique sur sa responsabilité supposée dans le naufrage du «Joola», sur la libération des sept autres personnes encore poursuivies, sur les leçons à tirer de ce drame... Entretien.

Comment avez-vous accueilli l’arrêt des poursuites contre vous  par la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Paris, dans le dossier du bateau «Le Joola» ?

Je me sens en quelque sorte libéré parce que lorsqu’on est sous le joug d’un (il cherche ses mots) mandat d’arrêt international, cela vous bloque et annihile tous les projets que vous pourrez entreprendre à l’extérieur, en dehors de votre territoire national. Moralement, cela est traumatisant, mais aujourd’hui, je me sens libre, je retrouve la plénitude de mes moyens de déplacement. Je ne peux que remercier le chef de l’Etat et le gouvernement du Sénégal qui, très tôt, a pris ce dossier à bras le corps en introduisant un recours en nullité d’abord. Parce que le juge d’Evry, bien qu’il y ait des accords judiciaires entre le Sénégal et la France, s’est cru au-dessus de tout cela, alors qu’il se devait d’interroger d’abord le Quai d’Orsay. Il semble qu’il l’ait fait, mais que la réponse du Quai d’Orsay ait été négative. Aussi, même le parquet de Paris ne l’avait pas suivi dans ses réquisitions au point que finalement le juge s’est cru pouvoir agir en dehors du parquet de Paris et en dehors du ministère des Affaires étrangères.

Comment votre famille et vos proches ont vécu ces moments d’angoisse ?

Vraiment, cela a été des moments d’angoisse terribles. Depuis ce mandat d’arrêt international en 2008, personnellement, je n’ai pas fait de déplacement à l’étranger, en direction de la France, disons hors du Sénégal. Ceci a beaucoup pesé dans mes relations extérieures. Mais aujourd’hui, je suis libéré de ce mandat d’arrêt international, je vais pouvoir reprendre mes activités, mes relations extérieures sans inquiétude aucune. Le gouvernement va tout faire pour que les autres personnes poursuivies aussi dans ce dossier soient libres de tout mouvement.

Mame Madior Boye et ses avocats se sont prononcés après l’annulation du mandat d’arrêt, on ne vous a entendu parler nulle part, qu’est-ce qui explique ce mutisme ?

Ce n’est pas un mutisme. Mame Madior Boye a été le Premier ministre, donc mon supérieur hiérarchique pendant ces événements. En la matière, nous n’aurons pas à nous disputer la scène médiatique, je préfère la laisser conduire les affaires dans la mesure où, quand elle intervient, elle prend en charge l’ensemble de mes préoccupations.

Peut-on, alors, parler de victoire compte tenu des circonstances particulièrement dramatiques ?

Ce n’est pas une victoire. Dans ce naufrage du bateau «Le Joola» qui a été une catastrophe terrible pour le Sénégal, le gouvernement et je peux dire pour moi-même. Je fais partie des victimes du bateau ; mon unique petite sœur n’a pas survécu à cette tragédie, mon neveu, c’est-à-dire son garçon qui venait de réussir au Baccalauréat et qui venait en vacances chez moi, est resté dans le bateau «Le Joola». S’il y a quelqu’un qui a bien ressenti ce naufrage dans sa chair, je fais partie de ceux-là qui ont perdu des parents proches, des amis, des cousins, des sœurs auxquels je suis très lié. Etant aussi Casamançais, j’ai souffert, dans ma chair, de ce naufrage. Maintenant, je ne voudrais pas que ce soit comme dans les arènes à Rome où, chaque fois, il faut jeter quelqu’un au fauve. Je pense qu’au Sénégal, le chef de l’Etat et son le gouvernement avaient situé en son temps les responsabilités et avaient proposé des solutions. Je ne dis pas qu’on peut réparer la mort, mais l’Etat du Sénégal a essayé autant que possible d’atténuer les souffrances des Sénégalais. Au point de voter une loi instituant les pupilles de la Nation. Il faut souhaiter que l’Etat aussi, dans sa souveraineté, puisse accompagner ces pupilles pour faciliter leur insertion dans la société.

 

Ce drame a-t-il brutalement freiné votre ascension politique ?

Je pense que oui dans la mesure où j’étais, par la force des choses, obligé de rendre ma démission pour permettre une enquête objective. De là, j’ai quitté l’attelage gouvernemental. Bignona aussi en a beaucoup souffert, puisque de 2002 jusqu’en 2007, le département de Bignona n’a pas eu de ministre dans les différents gouvernements qui se sont succédé. Nous n’avons eu un ministre qu’après la Présidentielle de 2007, en la personne de Mamadou Lamine Keïta. Je pense que c’est un drame qui est derrière nous et qui marquera pendant très longtemps les esprits. L’essentiel maintenant, c’est de travailler pour que les populations de la Casamance, par ce mode de transport maritime, puissent toujours relier de façon permanente le nord du Sénégal et que ces populations puissent se sentir Sénégalaises. Que nous tous, en tant que Sénégalais, nous puissions vivre dans la même communauté en toute intelligence, de manière heureuse et promouvoir un développement harmonieux.

De l’avis de certains parents de victimes, la diplomatie a pris le dessus sur la justice dans ce dossier, partagez-vous cette remarque ?

Non, je ne pense pas. Si, la diplomatie avait pris le dessus sur la justice, des mandats d’arrêts internationaux n’auraient pas été lancés contre des autorités sénégalaises. Mais ceux qui sont chargés de lire le droit ont rendu le droit ; ce n’est pas la diplomatie qui a eu à tordre la main, ce serait vraiment faire un affront au système judiciaire français.

Avec le recul, pensez-vous que les autorités étatiques et les Sénégalais ont fait leur introspection ?

Je pense que oui. L’Etat comme les Sénégalais, en général, ont tiré les leçons de ce drame. La preuve, le bateau que le Sénégal a affrété pour assurer la liaison Dakar-Ziguinchor, le «Willis», fonctionnait selon des normes hyper draconiennes : la limitation du nombre de passagers, celle du fret. Ce sont les mêmes conditions draconiennes qui sont appliquées au niveau du bateau Aline Sitoé Diatta au point que ces mêmes populations  commencent à dire que 500 personnes, c’est peu. Ce qui montre que les autorités ont bien retenu les leçons de ce drame, puisqu’il n’y a pas eu encore de dépassement d’effectifs.

La commission d’enquête pilotée par Seydou Madani Tall a porté beaucoup de griefs à votre encontre en soulignant que l’état du navire était insatisfaisant et qu’il n’était plus classifié par le bureau Veritas depuis septembre 2000, qu’en dites vous ?

C’est une réalité, le bateau ne remplissait pas un certain nombre de dispositions techniques. Je précise d’abord que le MS «Le Joola» est une société autonome ; ce n’est pas une société dépendant de l’Administration du ministère des Forces armées. C’est comme les agences créées ; elles ont une administration autonome. Mais, en tant que société dépendant de l’Etat, celui-ci a bel et bien un droit de regard qu’on ne peut lui contester sur le fonctionnement de ces sociétés. L’Etat, en son temps, avait le souci d’assurer la liaison entre Dakar et Ziguinchor, l’avion étant relativement trop cher, la route avec l’insécurité et les braquages. Le bateau était donc le moyen le plus approprié et toutes les dispositions pour le rendre fonctionnel étaient prises et les services techniques ont conclu à sa navigabilité. Se faisant, nous n’avons pas ordonné la reprise, mais quand les autorités maritimes ont estimé que le bateau pouvait reprendre les flots, en tant que ministre de tutelle administrative, je ne peux que suivre l’avis des administrateurs attitrés.

Le rapport est donc exact ?

Oui, il est exact, car le bateau est resté longtemps sans les certifications Veritas qui autorisent au plan international la navigation des bateaux. Il faut signaler que cela datait bien avant l’alternance, depuis 1999. Ce sont des problèmes, qu’en leur temps, nous n’avons pas réglés. Donc, je pense que ce dossier douloureux mérite que les Sénégalais en tirent toutes les leçons et que les navires que le Sénégal mettra en circulation, à l’avenir, reçoivent toutes les certifications techniques et la validité des assurances en cas de dommage pour les prises en charge.

Sept autres personnes restent encore poursuivies, elles sont considérées comme l’agneau du sacrifice, bénéficieront-elles de toute l’attention et de l’appui du chef de l’Etat pour se tirer d’affaire ?

Je peux répondre par l’affirmative. Dans la mesure où les avocats que le chef de l’Etat et le gouvernement ont commis pour la défense des autorités sénégalaises impliquées, ce collectif est bien en place et poursuit son travail sans tambour ni trompette. Je ne sais pas aujourd’hui où ils en sont dans les démarches, mais il y a toujours la même attention que le Sénégal accorde à tous ses fils, sans exception, partout où ils ont des problèmes. En la matière, le Sénégal a fait voter une loi pour que, tout Sénégalais qui a un problème au pays ou à l’étranger, l’Etat peut ester en justice et se porter partie civile.

En votre qualité de responsable politique, quel est l’état du Pds, à Bignona, à la veille des renouvellements de bases ?

Le Pds, au niveau de Bignona, se retrouve un peu comme au niveau national, pris dans une tourmente de concurrence, d’ambitions affichées des uns et des autres et chacun se déclarant le responsable attitré. C’est dû au fait que, depuis pratiquement 1995-1996, il n’y a pas eu de renouvellements. Certains responsables de l’époque sont rappelés à Dieu, d’autres ont quitté le Pds pour revenir par la suite. Cela a fait qu’au niveau du parti, les directions sont redevenues fragiles. Il faut saluer maintenant l’impulsion qu’en a donnée le frère Secrétaire général, Me Abdoulaye Wade, pour justement aller vers une restructuration des bases par un renouvellement à partir des secteurs, sections, fédérations pour ensuite arriver à une structuration nationale. Mais au niveau de Bignona, le Pds est bien là, toujours présent même s’il souffre un peu d’apathie administrative.

Il y a, semble-t-il, deux blocs qui s’opposent, celui dirigé par le ministre Mamadou Lamine Keïta et le vôtre chapeauté par Landing Sané. Qu’en est-il exactement ?

Effectivement, telles que les choses se présentent, pour ne pas faire dans la langue de bois, il se trouve qu’aujourd’hui, il y a un groupe qui se dresse autour du ministre, mais il y a aussi un front de l’ancien Pds, qui se dit l’héritier de tout le passé du Pds à Bignona. Personnellement, je me trouve autour de ce collectif avec d’autres responsables comme Souleymane Diédhiou, Bouba Diatta, Mamadou Mao Diatta et tant d’autres qui se réclament de ce Pds, sans que ça ne soit une tendance fermée, mais qui respecte l’existant du Pds.

Vous êtes désignés comme superviseur de Dakar pour les renouvellements de bases, où en êtes-vous ?

Le frère Secrétaire général national m’a fait l’honneur en me nommant superviseur des renouvellements de bases dans le département de Dakar, c’est une lourde responsabilité que je mesure à sa juste valeur. Je l’en remercie et je lui témoigne toute ma reconnaissance. Au niveau de Dakar, nous avons déjà tenu une Assemblée générale, le 27 janvier 2010, à laquelle tous les responsables de Dakar ont participé, hommes, femmes, anciens, jeunes. Elle s’est déroulée dans la sérénité  et le calme. Nous avons livré un message d’unité, de cohésion et de travail dans la transparence. Les travaux de montage des secteurs dans un premier temps, plus tard, dans la seconde phase, des sections et dans une troisième phase, de la fédération se dérouleront conformément au calendrier, au chronogramme édicté par la direction nationale.



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