Usage de termes non appropriés, illustration d’articles de presse
dévalorisant l’image du soldat, reportages donnant une position de
l’armée, voilà entre autres reproches que les militaires font aux
journalistes en poste à Ziguinchor.
Les professionnels de
la presse, en retour, ont déploré le manque de communication de
l’armée, au cours d’un atelier organisé récemment sur le thème : "La
collecte, le traitement et la diffusion de l’information relative aux
droits humains dans un contexte de conflit armé ».
Lors de cette
rencontre organisé par Amnesty international Sénégal, en collaboration
avec la Fondation Konrad Adenauer et le Centre d’études des sciences et
techniques de l’information (CESTI) de l’université Cheikh Anta Diop
(UCAD) de Dakar, chaque camp a tenu à dire ce qu’il pense du travail de
l’autre. L’atelier de formation était destiné aux journalistes des
régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor.
Pour l’usage de certains
termes par les journalistes, voici un exemple. "Une attaque s’est
produite tel jour sur une position militaire", entend-on souvent dans la
relation des correspondants. Mais l’armée récuse l’usage du terme
’’attaque’’ et parle plutôt de "harcèlement" dans le cas d’espèce. Elle y
va avec ses considérations. Une attaque est perpétrée par un plus grand
nombre de personnes, contrairement au harcèlement dont les militaires
sont souvent victimes, et qui est le fait d’un nombré très réduit
d’individus, selon les explications de l’officier communication de la
zone 5.
Le même officier a déploré les images qui accompagnent
certains articles de presse sur le net et qui sont lus dans le monde
entier. "Ce sont des militaires avec des habits déchirés. Ce n’est pas
une bonne image que l’on donne à l’armée sénégalaise", regrette t-il. Et
le militaire d’ajouter : ‘‘ (...) on fait tout pour donner une bonne
image à nos militaires".
Plus grave selon les militaires, ce sont
les reportages donnant une position de l’armée en opération. Pour
l’officier communication : "donner les positions des militaires, c’est
guider le tir de l’ennemi qui serait à l’écoute. Vous l’aidez à régler
son tir", en cas de réaction.
Chez les journalistes, la
préoccupation fondamentale est tout autre : l’accès aux sources
d’information. Ils reprochent à l’armée son manque de communication.
Journaliste et directeur de la radio Zig FM, Ibrahima Gassama fait était
de "difficultés d’accès aux sources". Selon lui, il y a des "lenteurs
dans la communication de l’armée", là où les journalistes veulent
souvent une réaction "à chaud".
"Nous ne sommes pas de
va-t-en-guerre. Mais ne pas communiquer, c’est pousser le journaliste à
aller vers d’autres canaux d’informations", selon Ibrahima Gassama, qui a
plaidé pour une "collaboration avec la presse par l’organisation de
briefings".
El Hadji Guissé, chef de station de Sud Fm, constate
qu’en zone militaire N° 6 (Kolda), le commandant de Zone parle aux
journalistes, tandis qu’à Ziguinchor, les journalistes ne peuvent pas
lui parler. Il a déploré "un dysfonctionnement dans l’approche
communicationnelle" de l’armée. Mais Guissé se veut catégorique : "Quand
il y a mort d’homme, on n’a pas le droit de se taire".
Le
correspondant de Walf Tv, Papo Mané, rappelle qu’"’il y a eu une
collaboration très franche avec la presse", tout en défendant les
journalistes d’être des "incendiaires". "Nous n’avons pas intérêt à
enflammer cette région. 90% des journalistes qui travaillent dans la
région sont nés ici, ça nous fait mal de parler de braquages, de mort
d’homme", clame-t-il.
Selon lui, le bureau de la DIRPA (Division
des relations publiques des armées) de Ziguinchor "a intérêt à mettre à
l’aise tout le monde".
Manque de professionnalisme ou attitude
va-t-en-guerre des journalistes ? "On peut se tromper peut être, mais
c’est de bonne foi. Ce n’est pas pour nuire", soutient Abdoulaye Sambou
de la Radio futurs médias (RFM, privée).
"L’armée n’a pas refusé
de communiquer", répond de son côté l’officier communication, déplorant
des informations diffusées sans que les journalistes aient pris "la
précaution d’appeler" la bonne source. A propos des "lenteurs" dans la
transmission des informations, il évoque l’obligation préalable qu’ils
ont de rendre compte à leurs supérieurs.
"On est tenu de rendre
compte fidèlement pour que les gens puissent apprécier et prendre les
mesures qu’il faut. On communique au nom d’une institution. On engage
toute l’armée", a-t-il ajouté.
L’armée, qui détient la bonne
information, ne doit pas la taire, selon la presse, qui estime qu’elle
doit plutôt la partager avec les médias afin d’éviter des informations
sur la base de rumeurs ou de suppositions.
Considérée comme la
grande muette, l’armée sénégalaise a pourtant beaucoup évolué dans sa
stratégie de communication ces dernières années. Des "contingents" de
journalistes ont été sensibilisés à la vie militaire à l’ENOA (Thiès), à
l’ENSOA (Kaolack) et à Kédougou, entre autres. Mieux, elle a ouvert bon
nombre de ses services à la presse pour des séances d’explications. Une
armée qui se veut plus proche, plus ouverte.
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