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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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[ Suite Interview ] BACAR DIA : " Ces Lobbies Qui Rongent Le Sport"

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[ Suite Interview ] BACAR DIA : " Ces Lobbies Qui Rongent Le Sport"

«Au ministère des Sports, on m’a tordu le bras»

Dans ce deuxième et dernier jet du face-à-face avec l’ancien ministre des Sports, Bacar Dia parle de ses misères dans ce département, victime qu’il a été de puissants lobbies. Qui lui ont quelque part empêché d’amorcer les ruptures nécessaires au développement du sport. Bacar parle également de ses relations avec Diagna Ndiaye, l’ancien président du Comité de normalisation, mais aussi de la gestion de l’Equipe nationale et de son train de vie hors du commun. A bâtons rompus avec Bacar Dia.

Le ministère des Sports a été le dernier département que vous avez piloté. En partant, vous avez parlé de lobbies. Vous maintenez toujours ces accusations ?

Je le crois. Mais je ne fais pas de dénonciations. Je donne des idées. Je le dis du fond de mon cœur, j’ai eu quelques misères au ministère des Sports. D’abord par rapport au gouvernement, je me suis senti un peu seul, alors qu’il y avait des ruptures à engager. On me disait souvent : «Bacar, il paraît que tu veux faire telle ou telle chose, mais les gens vont t’attaquer. Ce n’est pas prudent, il ne faut pas le faire.» On me tordait la main. Je l’ai toujours accepté. Il y a des lobbies très puissants, qui ne sont pas forcément dans le sport. Vous vous imaginez qu’à la veille ou deux semaines avant mon départ, un homme d’affaire est venu me dire : «J’ai un marché très lourd d’un milliard, c’est urgent, il faut me le signer.» Comment vous appelez ça ?

C’est un chantage…

Mais oui.

Dites-nous, qui est donc cet homme d’affaires ?    

Je ne vais jamais le dire. Mon rôle, ce n’est pas la dénonciation.

Autorisez-nous un petit portrait-robot.

La seule puissance pour moi est divine. Les gens qui se croient puissants parce qu’ils ont beaucoup d’argent se trompent. Il y a eu beaucoup d’hommes puissants qui finissent, comme je vais finir, dans les cimetières. Mais il y a eu ça. Le lobby, c’est quoi ? Très vite, j’ai senti des connexions. Ils m’écoutent, ils comprennent ce que je suis en train de dire. Certains m’appelaient pour me dire : «Je suis le tel du Président» ; «Bacar, c’est urgent, il faut le signer». Je suis resté ferme. J’ai dit : «Ça ne respecte pas les procédures, je ne le fais pas. Vous êtes pressé. Vous êtes l’ami de l’ami de l’ami de l’ami…, ça ne m’intéresse pas. Je ne respecterais que les procédures.» L’ancien ministre du Budget ne me laissera pas mentir, lui qui, à un certain moment, a subi les mêmes pressions et qui m’a dit : «Votre position est juste.» Quand un homme d’affaires vient te dire : «Ce que tu fais, je peux le dire au président de la République. Je pense qu’il s’agit de lobby.» Et souvent, le président n’est même pas informé. Parce qu’ils ne savent pas que j’ai été porte-parole du gouvernement pendant quatre ans et demi. Parce qu’on les voit souvent avec le président, parce qu’ils sont souvent proche de lui, ils veulent te faire faire des choses très graves en son nom. Le concerné se reconnaîtra. Il faut arrêter cela parce que ça dessert le Président.

Ces accusations sont si graves que vous ne pouvez pas vous refugier derrière la réserve. Donnez-nous au moins son nom.

Mon rôle, ce n’est pas la dénonciation. On l’éclaircira. Je suis sûr qu’ils réagiront après la publication de ces lignes. La prochaine fois, je vous dirais. Il ne s’agit pas de le dénoncer, mais de faire cesser cette pratique. La proximité ou la présence autour ne justifie pas qu’on vienne vers un ministre pour lui demander de faire une telle chose. Moi, j’avais refusé.

La deuxième chose qui me réconforte dans ma croyance c’est que lorsqu’il y a quelque chose, les gens te disent : «Je ne veux rien. Je ne cherche rien. Je n’ai besoin de rien.» Mais, ils se retrouvent toujours dans des postes de responsabilités. Vous ne voulez rien ? Alors pourquoi se présenter ? C’était ça ma préoccupation.

Le dernier élément. Je pensais que le train de vie de l’Equipe nationale ne reflète pas le niveau de vie du pays. Et je comprends. Il fallait se taire et faire comme les autres, mais moi, je suis un anticonformiste. J’ai dit que je vais changer ça. J’ai donné le ton dans des interviews. Imaginez, même si tu viens au regroupement en dernière classe, le remboursement se fait sur la base du tarif de la classe business. En son temps, j’avais dit au directeur de la Haute compétition qu’il faut rembourser sur la base de la présentation du billet. Je ne pouvais pas concevoir qu’on puisse rembourser à quelqu’un un billet business alors qu’il est venu en train. On me dit, «si tu le fais, tu déstabilises l’ambiance psychologique». J’ai répondu que «cette ambiance n’a pas produit des victoires, il faut la déstabiliser. Au contraire, il faut créer un choc».

Je vous donne un autre exemple. On dit match nul, même en amical, il faut payer à chacun un million et le double à l’entraîneur. Pour une victoire, c’est deux millions. Quand je suis arrivé, j’ai regardé l’arrêté qui régit les compétitions internationales. Ce n’est pas conforme. J’ai alors dit que je m’en tiens à l’arrêté. Tant qu’il n’est pas changé, c’est lui qui est en vigueur.

Au Chan, il y a eu des conférences de presse. On a dit que «Bacar refuse de payer les primes». Oui, j’ai refusé, parce que les Sénégalais étaient fatigués de payer sans rien recevoir en retour. J’ai demandé aux gens de se battre autour du drapeau national. «Si vous acceptez, c’est comme ça, si vous refusez, tant pis.» Au Chan, les joueurs ont voulu jouer un coup. Ils avaient menacé de ne pas jouer pour réclamer des primes. J’ai dit niet. Il fallait créer une onde de choc dans la conscience collective des joueurs. Parce que dans certains pays, les joueurs viennent et prennent l’Equipe nationale en charge. Ils ont voulu déconner. J’ai appelé le chef de l’État pour l’en aviser. Et lui dire que je vais les ramener parce qu’ils me posent des conditions impossibles. Il m’a dit : «Tu as mon feu vert, ramène-les dès le premier avion si tu veux.» Lui au moins, il m’a soutenu. On a joué jusqu’en demi-finale.

Dernière chose, il y a eu l’affaire Lamine Ndiaye. On peut écrire sur le Sport au Sénégal. J’étais en réunion avec des membres du Cnf (Lamotte, Baïdy Agne), des techniciens du ministère. Je leur ai dit : «Voilà ! le contrat de Lamine Ndiaye était fini. Voilà ce que je propose, parce que les techniciens me l’ont dit. J’ai demandé qu’on fasse des consultations parce que c’est le ministère qui recrute. Il faut examiner tous les dossiers et ensuite, il faut renforcer le staff de Lamine Ndiaye. A l’époque, Amara Traoré était en bonne position. Ils étaient présents et d’accord. Ils avaient un représentant, Amsatou Fall. Le lendemain, je vois de grands articles dans la presse. On a alors tout insinué : «Bacar veut mettre Amara.» Mais, je m’assume toujours. Ça ne marche pas, le contrat est fini, il faut changer. On a reçu beaucoup de monde sans oublier les adjoints de Lamine Ndiaye. On a donné une liste de sept entraîneurs au Cnf pour qu’il choisisse l’un d’eux afin de renforcer le staff de l’Equipe nationale. Car pour moi, le football n’est pas seulement une affaire de jeu. Les conséquences, c’est toujours des gens qui vont dans la rue pour brûler des pneus et faire des casses. Le lendemain, je vois dans la presse que le Cnf n’était pas d’accord. Par la suite, ils sont venus me dire qu’ils n’étaient pas d’accord avec ma proposition. Et qu’ils préfèrent que Lamine Ndiaye continue. La conséquence, tout le monde l’a vue.

Il y avait des ruptures à faire. Amara fait aujourd’hui encore ses preuves.

En plein stade, pendant que tout brûlait, les jeunes se battaient – et je rends hommage à Cheikh Tidiane Sy. Il était le seul ministre à mes côtés. Tout le monde était rentré - Je lui ai dit M. le ministre, vous ne rentrez pas ? Il me rétorqua : «Non, Bacar, je reste avec toi. On va gérer la situation.» Après le match, tous mes collègues étaient partis. A ce moment, mon téléphone sonne et un dirigeant du Cnf au bout du fil me dit : «M. le ministre, il faut payer les primes.» J’ai dit quelles primes ? Vous n’avez pas honte ? Vous là, on vous a sortis en catimini dans des véhicules banalisés, il y a des handicapés dans le stade qui ne sont pas sortis. Les gosses brûlent des pneus et vous me dites que match nul c’est un million. Vous croyez que ça c’est un match nul ? Je ne paie rien du tout. Et voilà des ruptures qu’il faut faire. Ce n’est pas facile parce que tu touches à des intérêts. Il y a des enjeux, il y en a qui vivent du sport. Qui se servent du sport. Mais qui te disent toujours : «Je n’en veux pas.» «On m’a demandé de venir.» Souvent c’est pour des carnets d’adresses, il faut le dire. On ne peut pas accepter d’occuper des fonctions si on n’a pas d’intérêts. On veut servir, certes, la communauté, mais il y a toujours des dividendes. Qui est fou ? Après ils viennent dire : «Moi, je ne veux pas de ce poste, ça ne m’intéresse pas.» Moi, je dirige le Fédé de Kung fu. Mais c’est parce que j’aime cette discipline. Mais, je ne vais pas dire que ça ne m’intéresse pas. C’est le ministre qui m’a forcé. Après, on finit avec cette élimination du Sénégal. On tire les bilans et, on nous dit quoi ? Que tout est globalement positif. On a revu les textes. On a nettoyé les textes. On a remodelé tout. C’est quoi ça ? Mais il faut aussi dire qu’on a été éliminé. On n’a pas eu le courage d’apporter les ruptures. Et le résultat, il est là. Maintenant, mon jeune frère Lamine Keïta saura faire le nécessaire. C’est un battant.

Le caractère tendu des relations avec Diagna Diagne a-t-il joué dans votre limogeage du département des Sports ?

Non, Diagna, c’est mon parent. Il n’y a aucune relation tendue. Il le sait.

Est-ce que vous n’êtes pas en train de faire dans la langue de bois ?

Mais non, on se parlait et on a fait beaucoup de choses ensemble. J’ai beaucoup d’estime pour lui. Diagna est un homme très sympathique. Et je le lui ai dit plusieurs fois. Je l’ai connu par l’entremise d’Abdoulaye Baldé. Qui m’a demandé de le soutenir pour qu’il devienne le président du Cnoss. C’est comme cela que ça s’est passé. J’ai dit à Baldé que je ne le connais pas, mais il m’a convaincu. Il m’a dit qu’il a un carnet d’adresses. Et j’ai battu campagne pour lui. On ne dit pas toujours tout.

Mais vous n’étiez jamais d’accord.

Si, on était d’accord sur beaucoup de questions. On était ensemble à Zurich. J’ai dit à Blatter, voilà le président du Cnf. Il peut apporter beaucoup de choses au monde du football et au sport sénégalais. C’est ma conviction…

Tout n’a, cependant, pas été rose ?

Tout ne peut pas être rose naturellement. Quand tout est rose, c’est de la fumisterie. La contradiction, c’est le moteur du mouvement. Le débat, c’est important. Cela prouve qu’on s’entend bien.  

Notamment dans l’affaire des recettes du match Sénégal/Gambie.

Vous parlez de recettes. J’étais ministre, je ne pouvais pas rentrer dans certains débats. Il était le président du Cnf, quelle que soit sa puissance, par ailleurs, je ne vois que cela. C’est un démembrement du ministère des Sports. C’est tout. C’est comme le président de la Fédé de Judo. Je n’ai pas de complexe, moi. Il n’est que cela devant moi. Donc, les recettes, c’est aujourd’hui que j’en parle pour la première fois. J’ai toujours eu du mal à parler de cela. Qu’est-ce qui s’est passé ? Avant les matchs, il y a une commission tripartite qui est mise en place avec des représentants de toutes les composantes entrant dans l’organisation d’un match international. Mais, Diagna n’est jamais venu à une réunion de cette commission. Où l’on mettait quand même sur pied une commission d’organisation, de finances etc. Diagna se faisait toujours représenter. Cette commission réglait tout. La balle a commencé à rouler. Alors, comme il n’y a pas de budget football, on prélevait de l’argent à la Haute compétition pour préfinancer les activités de la commission. Après les matchs, on faisait un bilan qu’on établit. J’ai demandé qu’on aille jusqu’au bout de la logique. Qu’un Pv soit établi et qu’on rende compte à l’autorité. Comment quelqu’un qui n’est pas membre de cette commission peut avoir accès à l’argent et décider de ne pas convoquer à nouveau la commission pour un bilan. Jusqu’à l’heure où je vous parle, le bilan financier de Sénégal – Gambie n’est pas fait. C’est une faute de gestion. On nous dit que «l’argent est versé au Trésor». Dans quel compte ? Il n’y a pas de compte pour ça au Trésor. Maintenant, si on se substitue à la commission tripartite, au Sage du ministère et au ministre…

Là, vous parlez de Diagna ?

C’est vous qui le dites !



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