NETTALI.NET- Le journaliste tunisien Faouzi Mahjoub, auteur d’un coffret sur les cinquante ans du Football africain est en séjour à Dakar. Il a accepté d’accorder une interview à Nettali. Ainsi des sujets liés au football africain et sénégalais ont été abordés. M Mahjoub est un spécialiste reconnu du football international et plus particulièrement africain. Il est l’auteur des ouvrages : Le Football africain (1978), 30 ans de Coupe d’Afrique des nations (1988) et La Confédération africaine de football (1987 et 1997).
Le football sénégalais traverse des difficultés depuis les exploits de 2002. Selon vous qu’est ce qui est à l’origine de ce déclin ?
Au Sénégal, on a commis une erreur psychologique. Les gens ont vécu sur la gloire de 2002. C’est une équipe qui a atteint son apogée en 2002. Il fallait préparer la relève, insuffler de l’oxygène et recommencer le travail. Rien n’est acquis dans le football, vous pouvez être champion aujourd’hui et vaincu le lendemain. En football, il n’y a jamais de pouvoir établi, il faut toujours se remettre en question. Au Sénégal, on n’a pas voulu se remettre en question, on a voulu dormir sur les lauriers de 2002 alors que la majorité des joueurs d’alors était plus que trentenaire. En 2005, ils ont perdu un match contre le Togo au lieu d’en tirer les leçons, on a juste poussé à la sortie le ministre des Sports (Youssoupha Ndiaye Ndlr) qui avait commencé un excellent travail de réforme. On a aussi poussé le président de la fédération (Said Fakhri Ndlr) à la sortie. Inéluctablement, ils allaient droit dans le mur. Le résultat est là : ils ont été éliminés de la coupe du monde et de la Can 2010. On ne peut pas tricher en football. Pour ce match contre la Gambie, j’ai trouvé anormal que l’on aligne des joueurs qui n’ont aucune compétition (Fadiga). C’est à la limite du fétichisme. Quand il n’y a pas de stabilité cela se paie cash.
Comment faire pour reconstruire une équipe capable de faire rêver comme celle de 2002 ?
Il faut d’abord qu’il y ait une fédération. En 2006, quand le président a démissionné, il aurait fallu que ceux qui étaient sur sa liste démissionnent. Ils se sont accrochés pour garder des privilèges et ils ont causé le déclin du football sénégalais. Ils ont créé beaucoup de problèmes, car étant élu on ne pouvait pas les déchoir conformément aux statuts de la Fifa. C’était une situation qui allait à l’échec.
Et maintenant que faire ?
Il faut miser sur les clubs. Il y aura toujours de l’exode, mais il faut relever le niveau des championnats.
Quel entraineur faut-il au Sénégal dans ce contexte d’incertitudes ?
L’équipe de 2002 n’est pas née par hasard. C’est l’allemand Peter Schnittger qui a semé et le français Bruno Metsu a récolté les fruits. Peter a fait un travail de terrain et il a réussi à donner une âme à l’équipe du Sénégal. Ceux qui sont venus après Schnittger, n’ont rien semé. Kasperkzack n’avait pas le temps. Comment voulez vous que quelqu’un qui ne réside pas dans le pays puisse faire un travail de terrain à la base. Lamine Ndiaye n’a pas osé prendre des risques. Il a essayé de bricoler en faisant plaisir à tout le monde.
Comment vous est venue l’idée de réaliser le coffret sur les cinquante ans du football africain ?
C’est un projet qui est parti du fait que la Fifa ait accepté de récupérer mes archives sur le football africain en 2006. A partir de cette récupération, il a été décidé de faire une série de Dvd sur cinquante ans du football africain. Elle va également utiliser ces archives là pour l’écriture d’un livre sur les cinquante ans du football africain. Nous avons réalisé le travail pendant dix-huit mois. J’allais une semaine par mois travailler au siège de la Fifa, sur ce projet. Avec l’aide de trois personnes, nous avions un libre accès à toutes les archives de la Fifa. Nous avons scanné 2000 photos et 7000 documents d’illustrations. Le coffret est sorti en mars 2008 et a été distribué à toutes les associations nationales membres de la Fifa.
De quoi est constitué le coffret ?
Il s’agit de cinq Dvd. Le premier est institutionnel, il présente les 53 associations nationales membrez de la Fifa. Il comporte aussi toutes les correspondances qu’elles ont eues avec la Fifa. Il y a également une présentation de la Confédération africaine de football, ses relations avec la Fifa depuis sa création en 1957. Le deuxième parle des compétitions à savoir l’Afrique et la coupe du monde. Il y a des images de tous les buts marqués par les africains à la coupe du monde, un grand dossier sur la Can et un aperçu sur les compétitions des clubs. Le troisième dvd est consacré aux joueurs qui ont marqué le football africain Il y a 140 portraits personnalisés de joueurs que moi-même j’ai vu jouer. De Larbi Ben Barak à Bakari Koné. Le quatrième s’intitule le football africain à travers les médias France football et Miroir du football. C’est une collection de tous les articles consacrés au football africain. Le cinquième Dvd comporte tous les résultats des compétitions. Les Dvd ne sont pas commercialisés pour des raisons juridiques et aussi pour éviter le piratage
Pourquoi avoir collaboré avec la Fifa et non avec la Confédération africaine de football (Caf) ?
C’est parce que c’est la Fifa qui a décidé d’offrir ça au football africain. La Caf n’a pas manifesté le même intérêt que la Fifa pour récupérer mes archives. J’ai entrepris des démarches avec la Caf. Elles n’ont pas abouti alors je me suis tourné vers la Fifa sachant pertinemment que tout ce qui est archive sera beaucoup mieux conservé par la Fifa que par la Caf. Il n’y a pas une culture de la mémoire au niveau des institutions africaines. C’est une conception différente de l’histoire. C’est anormal encore faut-il qu’ils en prennent conscience. La Caf n’a pas eu la correction de nous remercier pour ce travail qu’on a fait pour eux. Il n’y a pas de culture de la reconnaissance en Afrique. Tous les grands joueurs sont oubliés. Ceux qui dirigent n’ont pas intérêt à ce que les anciennes gloires s’impliquent dans le football car ils n’y connaissent rien. On est encore en retard sur ce plan là. L’Egypte c’est le seul pays en Afrique où les anciennes gloires sont respectées. Ils ont un statut et peuvent prétendre diriger un grand club et être très actif dans le football.
Quelles solutions préconisez-vous pour remettre le football africain sur les rails ?
Le football africain évolue. Quand il y a évolution il n’y a pas forcément progrès. La première des choses c’est d’abord faire l’état des lieux c’est-à-dire il faut solliciter tout ceux qui font le football pour voir quels sont les problèmes. On fait de la fuite en avant. Il n’y a jamais eu un feed-back. Les compétitions internationales ont lieu parce qu’il y a des sous. Mais au niveau national, les championnats sont moribonds. On doit essayer de trouver des solutions. Aujourd’hui ceux qui font vivre le football africain sont des joueurs expatriés qui reviennent et font faire des recettes. Les autres sont exclus.
Quelles sont les raisons qui ont poussé la Caf à transférer la cérémonie des oscars du football africain du Sénégal au Nigéria ?
La Caf avait prévu d’organiser les oscars le 23 janvier à Dakar. Ils ont par la suite dit que ça se fera en février au Nigéria. L’organisation de cette cérémonie ne répond qu’à des critères commerciaux. Il y a un sponsor spécialisé dans la téléphonie, Globa Com qui n’investit que quand on organise dans les zones où il peut s’implanter. Au Sénégal, ils n’ont pas beaucoup de chance, alors ils ont exigé que la cérémonie ait lieu au Nigéria.
Que pensez-vous des critères de choix du meilleur footballeur africain ?
J’ai toujours dit qu’on ne peut pas récompenser un joueur en l’absence de son public. Je ne pense pas qu’il faut donner beaucoup d’importance à ce genre de cérémonie. On ne sait pas si c’est la prestation du joueur à la Can ou celle au Mondial qu’on récompense. Je l’avoue, ces critères sont flous.
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