Jules François Bocandé est formel. La Coupe d’Afrique des nations se gagne à partir de Dakar et au Ghana. Selon l’ancien international sénégalais et meilleur buteur du Championnat de France de football D1 en 1985 avec le Fc Metz aujourd’hui chargé de mission dans la tanière, tout dépend de la préparation. Ceci d’autant plus que quelques championnats européens ont connu la trêve hivernale qui a freiné le rythme de certains joueurs. Mais fidèle à son franc-parler Bocandé a déploré la mise à écart des anciens internationaux dans les instances de décisions du football national. Entretien…
Jules François Bocandé, vous êtes un membre du staff technique des Lions. Quelle analyse faite vous de la liste des 23 que Henry Kasperczak vient de publier ?
La liste n’est pas une surprise. Je pense que tout sénégalais pouvait sortir une liste de 17, 18 voire 19 joueurs. Le seul plus, c’est Ibrahima Sonko. Parce qu’il n’avait pas joué les éliminatoires et les matches amicaux. Il y a également Malick Bâ qui était éloigné de l’équipe nationale pour cause de blessure et n’a pas joué les matches amicaux. Sinon, il n’y a pas eu de surprises.
Maintenant, que la liste est sortie, il y a ceux qui sont contents et ceux qui ne le sont pas. Cela fait partie de la vie. Ce qui est important, c’est la préparation. Pour ce, il faut être très sérieux. Nous avons vu qu’en France beaucoup de joueurs ne sont pas compétition parce qu’ils sont en vacances à cause de la trêve contrairement Angleterre où les joueurs ont continué les compétitions. Il faut que les gens laissent l’équipe travailler et se préparer normalement.
La Coupe d’Afrique doit se gagner à partir de chez nous. Si nous voulons gagner, il faut commencer ici la préparation. Ce n’est pas au Ghana. Il faudrait que l’on se prépare sérieusement. C’est très important. Il faut que les joueurs le sachent avant d’aller défendre les couleurs du Sénégal.
Récemment l’ancien international Franco-ivorien Basile Boli a déploré la non-implication des anciens internationaux dans la gestion du football sénégalais ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est mon combat depuis que je suis rentré au pays. Au début quand je suis rentré, mes copains et tout le monde me disait que j’étais fou. Car, on ne me laisserait jamais travailler normalement. J’ai accepté de rentrer parce que je crois à mon pays et que je pouvais apporter quelque chose à notre football. Il se trouve cependant que les anciens footballeurs sont écartés, on ne les considère pas. C’est extraordinaire. C’est une très bonne chose de voir dans le staff du football sénégalais d’anciens joueurs comme Lamine Ndiaye, Jules Bocandé, Mandiaty. On voit aussi Cheikh Seck de l’autre côté comme vice-président à la Fédération, c’est déjà quelque chose de bien. Mais il faudrait plus. Parce que si on compare aujourd’hui au football français, ce sont les anciens internationaux qui tiennent l’organisation aujourd’hui au niveau de la Fédération française. Rien ne se décide sans eux.
Etes-vous d’avis, comme l’ont laissé entendre Michel Platini et Frank Beckenbauer, que le football doit revenir aux footballeurs ?
Cela fait des années que je le dis. Je l’ai dit avant Platini, avant Beckenbauer. Quand j’ai mis les pieds ici en 1994, je l’ai dit et répété. Mais en le disant, j’ai mis des gens contre moi. Vous étiez là, on m’a fusillé. Parce qu’il y a des gens qui vivent du football et qui ne veulent pas le quitter. Cela, il faut le reconnaître et le voir. Ils sont là et ont pris le football en otage et tout ancien footballeur qui s’y approche doit être fort, de peur d’être écrasé.
Mais qu’est ce que les anciens internationaux sénégalais ont fait pour mériter d’être dans les instances de décision ? D’ailleurs Cheikh Seck déplore le manque de formation. Votre reconversion est souvent mal gérée. Qu’en dites-vous ?
Le problème qui se pose n’est pas d’être entraîneur ou non. Aujourd’hui parmi les anciens footballeurs, il n’y a pas que des entraîneurs. Je suis désolé ! On nous pompe l’air avec cette histoire de formation d’entraîneur. Il n’existe pas que les entraîneurs dans le football. Aujourd’hui, les gens qui sont à la Fédération ont reçu quelle formation ? Pourquoi, on ne peut pas être dirigeant ? Parlons du vice-président de la Fédération sénégalaise de football. Cheikh Seck, a-t-il reçu une formation pour être vice-président ?
Vous voulez donc dire qu’il a été coopté ?
Tout à fait. Ce sont les anciens footballeurs qui l’ont mis là-bas. Il a été coopté par le ministère des Sports sur le quota des anciens footballeurs. Un seul poste, ce n’est pas assez. Il faut que l’on nous donne encore plus pour que l’on puisse gérer le football de ce pays. Un ancien footballeur peut diriger et faire autre chose que le métier d’entraîneur. On nous parle toujours d’entraîneur, mais ce n’est pas cela qui est important. Gérer le football sénégalais n’est pas difficile. Mais les dirigeants actuels rencontrent beaucoup de problèmes. Le championnat sénégalais traîne. On ne comprend pas ce qui se passe. Aujourd’hui, il y a championnat, demain il n’y en a pas. Donc pourquoi ne pas intégrer les anciens. Il faut leur demander. C’est cela la question.
Mais à votre avis où se situe le blocage ?
C’est un lobby. Moi je leur dis carrément que cela m’est égal. Je le dis parce que le football c’est ma vie. Les gens qui sont rentrés dans le football et ceux qui l’ont pris en otage n’ont rien à y faire. Je suis désolé. Moi, je n’ai rien contre la Fédération, mais il faut que les dirigeants comprennent qu’il faut intégrer les anciens internationaux dans les instances du football sénégalais. Cela est obligatoire. On ne peut pas faire autrement. Qu’on arrête de nous parler d’entraîneur. Ce n’est pas cela qui nous intéresse. Nous voulons diriger et servir le football. Comme dans tous les pays, ce sont les anciens footballeurs. Michel Platini a-t-il fait quelle formation pour être président de l’Uefa ? Il ne faut pas déconner. Platini a également été sélectionneur de la France sans diplôme. Il avait à ses côtés Gérard Houiller qui a été par la suite nommé entraîneur sans jamais jouer au football. Il faut que les gens comprennent cela et cessent de parler de formation et de formateurs. Les anciens footballeurs n’ont pas que cela à faire. Ils dirigent et ils sont maintenant dans les clubs. Parce qu’on s’est dit que chacun doit retourner dans son club et y travailler.
Si c’est un problème de lobby, comme vous le dites, qu’est-ce qui vous empêche de créer un lobby ?
Vous l’avez dit, il faut se battre. Pour parler plus sérieusement, nous allons travailler dans le sens de récupérer notre place dans le football sénégalais. Parce que chaque fois, les gens détournaient la conversation pour dire qu’ils n’ont pas de formation, de diplôme. N’est pas entraîneur qui veut… Et d’ailleurs, ils vont après chercher un entraîneur étranger. Vous savez bien que quand tu es Sénégalais et qu’on vous donne l’équipe nationale, on vous casse les bonbons. J’ai été à la tête de l’équipe nationale avec Boubacar Sarr Locotte, mais on nous a pas laissé travailler, on nous a créé beaucoup de problèmes. Finalement on a lâché la partie. C’est là le problème. Aujourd’hui, ils n’ont qu’à nous intégrer dans les instances du football. C’est notre droit. C’est notre football, nous l’avons créé et l’amené au top niveau. Ce ne sont pas les gens qui tirent actuellement profit du football qui l’ont amené au top. Je fais partie des premiers à amener ce football au top niveau. Cela n’a pas empêché aux gens qui en ont envie de me donner des coups à la tête. Ils ne se gêneront pas. Je me demande si je devrais prendre les coups que je prenne aujourd’hui. J’ai donné tout à ce football. J’ai fait des conneries en Europe pour venir jouer avec l’équipe nationale du Sénégal. Tu viens dans ce pays, les gens te créent des problèmes. Je pouvais rester en Europe car j’avais tout. Mais, je me dis qu’il faut rentrer. Je pouvais faire mieux que les Paul Le Guen et autres qui sont dans les clubs français. Mais je me suis dit que les jeunes de mon pays ont besoin de moi. J’en parle mais dans quelques jours ils vont me faire la gueule. Cela m’est égal. Parce qu’aujourd’hui, c’est notre droit, nous avons notre place dans le football de notre pays.
Le Sénégal démarre cette saison le championnat non-amateur…
(Il coupe). Vous voyez des joueurs qui ont fait quinze années de professionnalisme, on ne leur a même pas contacté pour qu’ils donnent leur avis. C’est extraordinaire. Est-ce que vous trouvez aujourd’hui normal que l’on crée un championnat national sans contacter Jules Bocandé afin qu’il donne son avis ? C’est de la fumisterie, de la méchanceté, de la jalousie. Parce que ce que je connais dans le football professionnel, les gens qui sont en train de créer le football non-amateur ne connaissent pas la moitié ou le quart. Parce que cela a été ma vie, mon job. Je tapais au ballon et on me payait. Je ne suis pas médecin, ni un banquier ou douanier. Je suis footballeur professionnel. Je n’ai pas été contacté et ce n’est pas sérieux. Si on veut créer un football non-amateur, il fallait appeler tout le monde autour d’une table.
Exergues :
“Notre football est aujourd’hui pris en otage par un lobby d’actuels dirigeants“
“Les anciens footballeurs sont écartés, on ne les considère pas. C’est extraordinaire“
“C’est de la fumisterie, de la méchanceté, de la jalousie de vouloir créer le championnat non-amateur sans consulter les anciens professionnels“
0 Commentaires
Participer à la Discussion