Dans un entretien accordé à L’Observateur, Madické Cissé, géographe-aménagiste et directeur de la Prévention et de la gestion des inondations, est revenu sur une initiative majeure lancée par l'État sénégalais dans le cadre de la lutte contre les inondations. Cette initiative s’appuie sur une étude cartographique menée par sa direction, qui a permis d’identifier 10 000 km² de zones non aedificandi, c’est-à-dire des zones où toute construction est interdite en raison de leur forte vulnérabilité face aux risques d’inondation.

Selon le spécialiste, cette étude a révélé l’existence de nombreux réseaux hydrographiques, y compris des réseaux dormants (des cours d’eau invisibles en temps normal, mais susceptibles de se réactiver lors de fortes pluies). Grâce à des techniques de modélisation avancées, ces zones ont été cartographiées, ce qui a permis au Président Bassirou Diomaye Faye de prendre un décret présidentiel déclarant d’utilité publique la préservation de ces voies d’eau naturelles.

Ce décret donne désormais au gouvernement les moyens légaux de procéder à des expropriations dans les zones concernées, afin de libérer les terrains construits de manière irrégulière sur les anciennes voies d’eau ou dans les cuvettes naturelles. L’objectif est clair : faciliter l’écoulement naturel des eaux de pluie et réduire les risques d’inondation dans les zones les plus vulnérables.

Les localités concernées par ce décret couvrent une large partie du territoire national : Dakar, Touba, Diourbel, Kaolack, Kaffrine, Tambacounda, Kolda et Kédougou. Toutes ces zones présentent, selon M. Cissé, un niveau de vulnérabilité similaire, comme en témoignent les nombreuses inondations qui y ont été récemment observées.

Interrogé sur le nombre de personnes impactées par le plan d’expropriation, Cissé a expliqué que des simulations existent, basées sur différents scénarios de précipitations, permettant d’évaluer à la fois les personnes et les biens susceptibles d’être touchés. Toutefois, il a précisé qu’une estimation précise ne pourra être fournie qu’à l’issue des travaux de recensement et d’évaluation qui seront menés par des commissions spécialisées.

Le processus d’expropriation est d’ores et déjà lancé. Après ce premier décret, un décret de cessibilité sera pris, suivi d’un décret d’immatriculation pour les terrains du domaine national sans construction. Le projet est prévu pour s’étendre sur trois ans, conformément à la durée définie par le décret présidentiel.

Concernant le coût global du projet, l'interlocuteur du quotidien du Groupe futurs médias a indiqué qu’il n’est pas encore totalement défini, mais qu’il sera financé progressivement via les autorisations d’engagement et les crédits de paiement inscrits dans le plan quinquennal de gestion des inondations du gouvernement. Le coût précis sera communiqué après la phase d’évaluation.

Enfin, il a insisté sur le fait que ce plan représente une mesure structurelle sans précédent dans la lutte contre les inondations. Selon lui, libérer les voies d’eau et interdire les constructions sur les cuvettes naturelles est la seule manière efficace de réduire durablement les dégâts causés par les fortes pluies. Il estime que, si ce projet est mené à terme dans de bonnes conditions, il permettra un soulagement significatif des populations exposées chaque année aux inondations.