Le directeur technique national sous l’ère Metsu et Malick Sy Souris met le doigt sur la plaie béante du football sénégalais. Mama Sow s’érige en médecin pour diagnostiquer une discipline malade et lui prescrire une ordonnance. Mais le mal selon lui est profond. S’il y a une «absence de volonté politique de l’Etat», il estime «qu’au niveau fédéral, ils ne se sont pas battus, prêts à se démettre parce que cela n’allait pas dans le bon sens». Aujourd’hui, le constat est là : le football est en lambeaux et il faut reconstruire. Comment ? En revisitant «le profil du dirigeant», «restructurer la Dtn», s’attacher les services d’un entraîneur «qui ne sera pas un formateur, mais un compétiteur». Et que ce dernier ne soit recruté «ni par les administratifs, ni par les politiques».
Les Chantiers ? «Plan de développement, son financement, les hommes pour… »
Au lendemain des défaites, chaque fois c’est des procès d’intention, des accusations, des déballages. Les vrais problèmes, on les touche du doigt, mais après on semble oublier. Les chantiers, on l’a dit on l’a répété : c’est mettre en place un plan de développement. Mettre en place son financement, les hommes pour les exécuter et travailler dans ce sens. Une équipe nationale n’est que l’émanation d’un processus. Si nous nous mettons à rebâtir une équipe nationale en haut alors qu’en bas nous n’arrivons pas à avoir des centres, nous avons encore reprogrammé un échec. Et tôt ou tard nous y arriverons. Le problème c’est aujourd’hui rebâtir à partir de la base, nous le savons et le plan existe. Les stratégies existent, il reste maintenant une volonté politique pour relancer enfin ce football pour de bon.
Le séminaire de Blaise Diagne reste dans les esprits. Le football a tenu des États généraux en 1987. Tous les acteurs du football étaient réunis, Lamine Diack, les financiers, les différents profils que ce soit les arbitres, les entraîneurs, les médecins, les administratifs, tout le monde était à la Foire. Pendant trois ou quatre jours, les gens se sont réunis. J’étais le président de la commission technique. Après les États généraux, des commissions avaient été mises en place. Gérard Diamé avait dirigé la commission technique. Nous avions à l’époque Baye Moussé, Demba Thioye et d’anciens footballeurs. Nous avions travaillé sur la formation du footballeur et des entraîneurs.
Après ce travail qu’est ce qui s’est passé
Les documents étaient déposés et le ministre Abdoulaye Makhtar Diop en avait hérité. Quelques années après, j’ai été directeur technique et j’ai revisité tous ces documents. Nous avons fait une synthèse et réinterrogé tous les acteurs du football parce que la fédération nous avait donnés comme mission de faire un plan de développement technique du football. Nous avons fait le tour de 10 des 11 régions du Sénégal et, à la suite de cela, nous avons rédigé un document que nous avons envoyé à la Fifa qui a approuvé et qui a proposé de faire à partir de ce plan, un plan de développement à long terme. Et l’exigence de la Fifa était que ce plan puisse se faire avec l’aval de l’Etat. Je parle sous le contrôle du Ministre Youssou Ndiaye. C’est lui-même qui a présidé les assises. Les médecins avaient dressé leur plan, les arbitres avaient dressé leur plan, les entraîneurs avaient dressé leur plan pour le profil et la formation du footballeur, idem pour l’entraîneur. Tous les acteurs avaient dressé leurs plans. Ils sont à la fédération sénégalaise de football avec les montants de financement. La Fifa avait décidé de financer à hauteur de 250 millions par an le football du Sénégal, depuis lors je ne sais pas où en est l’affaire. Quand je suis parti, Amsata Fall est venu. Il a fait un séminaire avec tous les entraîneurs de football. Ils ont réactualisé tous les plans. Mais on les ignore, on est en train de parler, de faire un entraîneur, de l’emmener pour qu’il voie comment faire pour réactualiser ou partir avec les locaux. Oui, on a de très bons joueurs mais un bon joueur, c’est celui qui a été formé selon les normes internationales et universelles de formation du footballeur. C’est un pays qui a été formé selon les normes de la Fifa. Si cela existe ce qui reste à faire c’est d’appliquer et d’avancer. Nous connaissons la voie, nous connaissons le remède. Le financement du plan de développement que nous avions concocté à l’époque était de 1 250 millions pour quatre ans. J’avais prévu en 2005 que le Sénégal organise la coupe d’Afrique des nations de cadets et en 2007-2009 qu’on organise la coupe d’Afrique des nations de juniors. Si nous avions suivi le plan de développement jusqu’en 2006 avec des juniors et des cadets performants. Et avec des juniors performants, nous avions prévu, en les organisant, au moins de gagner une Can jeune. Et à partir de ce moment, nous serions connectés sur une coupe d’Afrique et aurions des jeunes qui commencent à faire l’apprentissage des compétitions internationales déjà à 17-18 ans. C’est ça préparer une équipe nationale.
Responsabilité de l’Etat ? «Une volonté politique absente»
Je ne réfute pas mes responsabilités. A un moment donné, je suis parti parce que je voyais où l’on allait et ce n’était pas dans le bon sens. Mais à mon sens, au niveau fédéral, ils ne se sont pas battus, prêts à se démettre parce que cela n’allait pas dans le bon sens. Aussi bien les fédéraux que l’Etat n’ont assumé ce qu’ils auraient dû assumer pour qu’on puisse faire un bon football. Il y a une volonté politique absente au niveau national. On a mis 4 milliards sur l’équipe nationale pendant combien de temps ? il y a tellement de problèmes en équipe nationale. On lapide un entraîneur, on tire sur les gens, mais c’est plus grave que ça. Les entraîneurs magiciens sont des Blancs, ils sont repartis et on n’a rien gagné. Et maintenant on tire sur l’entraîneur national. Il faut qu’on soit sérieux afin de rebâtir sur des bases claires.
Le Dirigeant ? «Un profil à revisiter»
Il faut qu’on mette les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Le profil du dirigeant doit être revisité. Le profil de l’administratif, revoyons-le. Le dirigeant d’abord doit être formé. Souvent, ils ont l’expérience, mais à quel niveau ? La Fifa, d’ailleurs, impose qu’il ait un certificat en management, c’est pourquoi elle voulait faire une maîtrise au Sénégal. Ils sont en train de dérouler le programme. Vous y trouvez les aspects de financement, les aspects juridiques. Un dirigeant doit être informé sur tous ces aspects.
La Dtn ? «Sa restructuration cadre avec celle administrative»
Son rôle est de restructurer l’ensemble du football. Sa restructuration cadre avec celle administrative. Administrativement, les dirigeants doivent assumer leur manque d’efficacité à certain niveau. Depuis 20 ou 30 ans, on parle de district, les découpages qui correspondent au département. Il faudrait que nous recommencions, pas à pas, que nous organisions tout avec le soutien de l’Etat et des gens qui sont élus et qui savent chercher les moyens pour soutenir les efforts de l’Etat.
L’entraîneur ? : «Pas un formateur, mais un compétiteur»
Le dernier qu’on a eu, c’est un entraîneur de haut niveau du point de vue de sa formation et de son diplôme. Il a les plus hauts diplômes d’entraîneur professionnel en France. C’est quelqu’un qui a une expérience de base, de terrain, qui a travaillé au haut niveau. Selon ce que nous voulons chercher, c’est à la direction technique nationale qu’est dévolue la formation. Il peut l’assumer si les moyens lui sont donnés. C’est d’avoir partout où il y a du ballon des éducateurs, parce que les gens savent jouer tous au ballon. Avoir des éducateurs de football jusque dans les communautés rurales. Avec du matériel, cet éducateur pourra former dès le bas âge. C’est cela la formation : respecter les différents niveaux d’âge de l’éveil à l’initiation, passer ensuite par la formation et la préformation. Il y a des étapes qu’on ne peut pas occulter. Chaque étape a un volume de jeu. Ce programme respecte le développement physiologique. La direction technique nationale peut le faire. C’est pourquoi on n’a pas besoin de formateur comme entraîneur ou sélectionneur national, mais d’un compétiteur. Quelqu’un qui peut nous faire gagner. Quelqu’un qui peut sélectionner les meilleurs Sénégalais du moment où qu’ils soient. Ça, ce n’est pas la couleur de la peau qui le détermine. Ce sont des critères que tout un chacun peut avoir, on peut le trouver.
Recruteur ? «Ni les administratifs ni les politiques»
Ce ne sont pas non plus des administratifs ou des politiques qui vont nous chercher un entraîneur national. Une direction technique nationale accompagnée de fédéraux après réflexion, n’a qu’à lancer un appel à candidature s’ils le veulent. Après, il y a un choix qui s’opère. Tous les pays fonctionnent comme ça. Le Sénégalais peut postuler au même titre que l’étranger. On n’est pas les plus médiocres, dans tous les stages de formation, allez y voir le classement des entraîneurs sénégalais. Par contre, je déplore une chose. Je ne sais pas si c’est un fait ou un syndrome de la colonisation, mais le Blanc on le respecte. Quand il est là, on ne dit plus rien. On le laisse faire. Il commande, on exécute. Le Sénégalais on le minimise. Il faut qu’on respecte l’entraîneur sénégalais de la même manière que l’étranger. Il faut qu’on sache que c’est le directeur technique national qui est le patron de l’entraîneur national. C’est la fédération qui est le patron de ce football et, techniquement, c’est le directeur technique qui est le patron de l’entraîneur national. Depuis la recherche jusqu’au recrutement, le directeur technique national doit être présent. Avec Metsu, dès qu’il est arrivé, Souris (El Hadji Malick Sy) lui a dit voilà ton patron. Et de ce point de vue, on lui a toujours témoigné du respect contrairement aux autres.
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