MBAYE NDOYE (PRÉSIDENT DE LA FSF) "L'équipe nationale a failli être expulsée de son hôtel à Tours"

Les relations entre le ministère et la Fédération ne sont pas des meilleures qu’est-ce qui l’explique ?

Je me suis fait une raison. Je suis président de Fédération issu du mouvement associatif. Je pense qu’on ne m’apprendra pas le fonctionnement des relations entre ministère et Fédération. J’ai un vécu dans le football. J’ai pratiqué plusieurs ministres. Il y a eu des choses qui ont existé et qui n’existent plus. J’ai vu cinq ministres passés. Je ne dis pas que les relations n’étaient pas heurtées, mais on était en bonne entente avec ceux qui étaient là. J’ai déjà dit à Daouda Faye qui est un frère qu’il n’y aura pas de problème entre lui et moi, mais il y aura toujours des problèmes entre la Fédération et le ministère. Car c’est suivant le fonctionnement des deux entités. Le football n’attend pas. Le problème du port a existé, mais il y a eu plus grave à Tours. Là-bas, le ministère n’a mis pas le plus petit sou. Pourtant, les frais d’hébergement et d’hôtel pour les joueurs sont une souveraineté nationale. C’est du domaine du ministère. Les primes également le sont. La Fédé ration s’occupe du remboursement des frais de transport. L’équipe nationale a failli être expulsé de son hôtel. On s’est endetté pour faire face aux manquements du ministère. Si on ne paie pas, le Sénégal est expulsé de l’hôtel. On a eu recours à un privé qui a sorti un chèque pour le mettre à la disposition de l’hôtel pour que l’équipe puisse quitter librement. Et, ça je le dis sous le contrôle d’un agent du ministère qui était là-bas. Et, jusqu’à présent on ne s’est pas fait rembourser. On dit que la fédé est pauvre mais par rapport à qui ? Si tu paies à la place des autres, tu seras pauvre. Car, tu fais le choix de prendre l’argent destiné à la formation ou à une autre rubrique pour régler ces problèmes que d’autres devraient régler. Pour ce match, la Fédération a tout pris en charge. Nous sommes des républicains, on ne peut pas accepter que l’équipe nationale se fasse expulser d’un hôtel. On s’est endetté et le marketing n’a pas marché. Les sponsors n’ont pas tous répondu sur ce match. Mais il y a espoir la valeur des « Lions » à la bourse va monter sous peu. Il y a des sponsors qui veulent nous accompagner. Il y a même une société Sud-africaine qui veut faire un pari sportif sur le championnat national. En 2007, si la marche des « Lions » se poursuit, il y aura des rentrées d’argent. Le développement du football passe par l’implication de tous. Mais le plus important c’est la volonté politique. L’État doit aider la football. Et, les dirigeants du pays doivent nous consulter pour trouver des solutions aux problèmes.

Kasperczak a fini de prendre ses marques, mais auparavant, il y a eu beaucoup de bruits autour de sa venue, qu’en est-il exactement ?

Je suis constant dans ma démarche. Un entraîneur qui parle français, qui a du vécu et capable d’amener le Sénégal au moins en finale de la Can a été mon obsession. Mon ambition l’a peut être poussé à accepter. Lorsque je l’ai invité en Corée, il n’avait pas encore signer de contrat et il est venu, il a vu certains joueurs et a fait l’état des lieux. Il a vu l’environnement de l’équipe et comment les gens se comportent. Il a vu le standing de l’équipe nationale. Il a mesuré le potentiel de l’équipe contre la Corée qui préparait son mondial. Et, la réaction d’une équipe diminuée à l’extérieur, dans un stade de 60 000 places et à guichets fermés lui a plue. Tout ceci l’a amené a se décider malgré la pression de la Pologne après sa mauvaise coupe du monde et sa volonté de l’enrôler. Alors on devait faire vite. C’est pourquoi on s’est rencontré à Paris pour parapher le document. Maintenant, les clauses sont les mêmes. On veut gagner une coupe d’Afrique, nous travaillons pour ça. Il y a des gens qui s’insurgent contre la prime de victoire. Mais, il ne faut pas oublier qu’un entraîneur qui n’a rien gagné est parti avec 140 millions. C’est normal qu’il y ait cette prime. C’est le challenge qui est important. Si tu ne gagnes rien tu es limogé. Si tu gagnes, il faut quelque chose. C’est un risque calculé. Il est loyal et je pense que c’est un grand entraîneur. Quand il est à Dakar, il ne reste pas deux jours sans me téléphoner. Au jour le jour, il me tient au courant de ce qu’il fait. Il n’a pas encore gagné la Can. Comme nous, il a fait une finale, une de demi finale peut être que notre mariage va donner au Sénégal sa première coupe d’Afrique.

Il a affiché une volonté de ruptures notamment avec des regroupements à l’hôtel Méridien président. Cautionnez-vous cela ?

C’est un choix des entraîneurs. J’ai fait un courrier en ce sens. Kasperczak m’a dit qu’il a discuté avec les joueurs et c’est par rapport aux changements en profondeur qu’il veut apporter. Les joueurs lui ont dit qu’ils sont trop envahis à Ngor Diarama, donc il m’a demandé si on pouvait aller au Méridein président. Je lui ai dit que la faisabilité appartient au ministère, mais on va faire des démarches pour que les coûts ne varient pas. Et, le Méridien est dans ces dispositions. Parce qu’aussi la présence de l’équipe nationale quelque part garantit une visibilité. C’est une plus value et la fédération est prête à donner des panneaux pour compenser le reliquat. Il y a ainsi un changement de méthodes, d’habitude et d’entraîneur pour des ruptures dans la gestion de l’équipe qu’on veut performante. Dans son esprit d’organisation, il veut aller dans un sens nouveau. Il y aura des ruptures. C’est ce qu’il est en train de provoquer. Maintenant, j’ai écrit une lettre à Ngor Diarama pour les remercier, parce qu’il faut être loyal et leur expliquer le pourquoi de ces changements. Depuis six ans, il nous accompagne. même lors des compétitions hors de Dakar ils nous ont accompagnés (Mali, Tunisie, Egypte…). Nous avions fini de créer des relations et le vide va se créer un peu. C’est pourquoi, nous avons prévu de prendre un pot officiellement avec tout le personnel de l’hôtel pour les remercier.

Où est ce que vous en êtes avec les nouveaux textes ?

Les gens épiloguent sur ces nouveaux textes, mais le texte en lui-même est très bon. Une instance internationale comme la Fifa nous a demandé de faire les textes. Elle les auditent, fait des amendements et nous renvoie la dernière mouture dépouillée de tout ce qui n’est pas conforme aux règlements et statuts en vigueur. Il ne peut qu’être très bon. Avant que le texte ne soit accepté par la Fifa, il y a eu quatre modifications. Par exemple les nouveaux textes ne prévoient pas de Ccrq la saison prochaine, c’est une commission juridique qui sera mise en place. Et, elle ne dépendra pas de la fédération. Il y a des dispositions qui ne seront plus. Mais lorsqu’on a soumis à la fifa le texte, elle a jugé qu’ils étaient conformes et qu’on pouvait l’adopter en assemblée générale. Aujourd’hui, tous les clubs, toutes les ligues sont au diapason des réponses de la fifa et des modifications apportées.

Le moment n’est-il pas venu de réformer le football Sénégal ?

Même la Fifa a constaté qu’il y a un fossé entre le football de club et celui de l’élite. C’est pourquoi à Munich, le président qui avait soulevé le cas à Marrakech l’a soulevé à nouveau. Pire, il s’est rendu compte qu’il y a des joueurs qui vont en Europe après deux saisons, ils sont au chômage. Leurs cartes de séjour sont terminées, ils n’ont pas de clubs et ils ne peuvent pas retourner au pays. Leur situation est misérable et déplorable. Il a sorti de sa botte le projet « Gagner avec l’Afrique pour l’Afrique en 2010 ». Ce qui le conforte dans cette idée, c’est qu’on dit la coupe du monde en Afrique et non la coupe du monde en Afrique du sud. Ce mondial est donc un bon prétexte pour aider le football africain à se développer. Pour lui, la coupe du monde en Afrique sera plus bénéfique que celui déjà organiser en Allemagne en 2006. Les retombées seront plus importantes en 2010. Et les bénéfices seront réinvestis en Afrique. Il s’agira de rendre les championnats du continent plus professionnels et le Sénégal a été choisi comme pays pilote. Ainsi, le championnat connaîtra beaucoup de changements. Les dirigeants de la Fifa sont prêts à financer les clubs de D1 avec des équipements en qualité et en quantité suffisante. Il ne s’agira pas de donner de l’argent au club, mais plutôt de permettre aux clubs de s’épanouir. Il peut y avoir une assistance dans le transport avec peut être la dotation en bus aux clubs de D1. Car, le concessionnaire des bus utilisés en 2002 et 2006 lors des coupes du monde est un sponsor de la Fifa. Ces bus peuvent être rétrocédés aux clubs. Ce qui réglerait déjà le problème du transport. Chaque année, il y aura des efforts à fournir et au bout de quelques années, le football se développera à base.

Qu’est-ce qui explique la confiance que témoigne la Fifa au football Sénégal ?

La Fifa a fait des audits, elle est au courant de tout, elle a suivi les affaires de l’après mondial 2002 et elle a tiré des conclusions. Personnellement, j’ai envoyé le rapport à la Fifa qui a des commissions spécialisées pour l’étudier. Ceux qui dirigent le football sénégalais ont une carrière bien remplie. La Fifa a ses renseignements et ne fait pas dans le sentiment. Le dernier exemple en date est le renvoi du dirigeant qui était mêlé dans une affaire de vente de billets dans le marché noir en Allemagne. Si la confiance n’est pas de mise, la Fifa te tourne le dos. La qualité du football sénégalais, la qualité et la vision des dirigeants et beaucoup d’autre chose militent en faveur de cette confiance témoignée par l’instance. Quand des questions se posent, nous disons généralement ce que nous en pensons. Dans les instances, les gens sont conscients que le Sénégal est cohérent dans sa démarche pour la gestion du football. Je crois aussi que Blatter nous a rendu l’ascenseur, le Sénégal a été le premier pays africain a soutenir sa candidature avant même qu’il ne la dépose. On a d’excellentes relations avec la Fifa. le Sénégal est le seul pays qui n’a pas acheté ses ordinateurs sur les fonds de la Fifa. c’est Jérome Champagne qui nous les a offerts. D’ailleurs prochainement, il nous enverra un ordinateur pour les licences qui ne seront plus faites à la main, mais avec la machine.

La petite catégorie est un des maux qui gangrènent le football sénégalais. Qu’est-ce qui explique les débâcles répétées ?

Le problème de la petite catégorie est un problème de moyens. Les petites catégories sont éligibles sur le fond de relance. Le Premier ministre avait intégré dans son discours de politique générale le problème des petites catégories. Lorsqu’il s’est agi de prendre en charge les cadets, le ministère nous a dit qu’il lui était impossible de les intégrer. On ne peut pas prendre les juniors et laisser en rade les cadets. La Fédération a été obligée de prendre dans ses caisses pour les engager. Jusqu’à maintenant c’est la Fédération qui prend les cadets en charge. Quitte à s’endetter pour la petite catégorie, nous sommes obligés car on s’occupe de football. C’est ce qui explique les problèmes d’intendance auxquels on est souvent confronté. On grève notre budget pour ça. Si les petites catégories étaient bien prises en charge, on n’aurait pas ces problèmes. Cette année, on a essayé de faire des compétitions régionales et un tournoi national pour faire des sélections nationales. Mais, le mieux serait d’organiser un championnat national. Ce qui permettra à la direction technique d’avoir un œil sur tous les cadets et juniors du pays.

Qu’est-ce qui est à l’origine de l’échec de la candidature du Sénégal pour l’organisation de la Can 2010 ?

En son temps, on avait écrit au ministère pour dire que seul le Sénégal est le seul parmi les pays prétendants qui n’avait pas fait de campagne durant la Can2006. Et, j’avais rappelé qu’on devait se pencher sur cette candidature, car on avait accusé du retard sur beaucoup de choses. On a l’expérience de ces candidatures. Avant, il n’y avait que deux candidatures, il était facile de décider. Mais maintenant c’est différents, il y a plusieurs candidatures il faut trancher à deux reprises. Les fédérations ont compris les enjeux. Il y a non seulement des retombées, mais aussi il y a de l’investissement dans le football par les États. Il y a des terrains qui sont construits et rétrocédés aux fédérations après. Si tu participes à une compétition mondiale ou continentale, tu n’as pas d’infrastructures nouvelles, mais quand tu l’organises tu en a quatre ou cinq de plus. C’est pourquoi tout le monde se bat pour organiser.

Quel est le sentiment qui vous anime en cette fin de saison ?

Une satisfaction mesurée en ce sens qu’on a terminé la saison sans difficulté. Sur le plan du fonctionnement, la Fédération est allée jusqu’au bout dans l’organisation des compétitions. La dernière finale s’est jouée hier avec le football féminin. Il y a eu, cependant, des matchs non joués dans le football féminin. Mais, il faut dire que ce football est au stade de promotion. Et, il y a un grand écart entre les différentes formations. Les scores fleuves enregistrés montrent qu’il y a un travail de nivellement des valeurs à faire à tous les niveaux. Ainsi nous devons tendre vers une compétition sélective pour promouvoir ce football.