RAHMANE BARRY, Equipe nationale de football «L’expérience des anciens et la folie des jeunes feront notre force»

L’humilité : la marque des grands hommes est le maître mot de Rahmane Barry pour la coupe d’Afrique des Nations. Cette rencontre de l’élite africaine où le Sénégal pourra compter « sur l’expérience des anciens et la folie des jeunes » pour réussir une bonne participation. Toutefois, Rahmane Barry se désole de ne pas pouvoir jouer avec son idole « Fadiga, un grand joueur. Il a toujours été mon idole, il restera toujours le Fadiga que j’admire et moi le petit qui veut devenir Fadiga ». Le natif de Fass Delorme est aussi un admirateur de la lutte : « mon lutteur préféré reste Tapha Guèye ». Entretien

Après plusieurs jours de regroupement est ce que la machine est en branle ?

On a passé une bonne semaine avec les trois jours passés à Saly. Maintenant on a repris le chemin des entraînements. On prépare le match amical.

Vous avez été ménagé lors de votre dernière séance d’entraînement pour cause de blessure. Est-ce que votre état de santé a évolué ?

Oui, je me porte bien. J’avais un peu mal à la cheville, mais le staff médical m’a bien soigné. Maintenant ça va, j’ai repris les entraînements. Et je suis prêt pour le match.

Le nom de l’entraîneur de la RDC Claude Leroy ne vous dit rien ?

Si, il a déjà été entraîneur de l’équipe nationale à l’époque des Jules Bocandé.

Qu’avez-vous retenu de cette époque ?

Pas grand-chose, je connaissais juste quelques noms comme Jules Bocandé Oumar Guèye Sène et Cheikh Seck. Je n’étais pas trop dans le football.

Qu’est ce qu’on ressent quand on est convoqué en équipe nationale pour la première fois?

On est toujours content, quand on est sélectionné pour défendre les couleurs de son pays. Je pense qu’on ne parle plus de jeune parce que ça fait un moment que je suis en équipe nationale. Et là on dirait qu’on a tous le même âge et il y a la solidarité.

Vous parlez de solidarité, on peut dire que vous êtes bien intégré ?

Franchement, je suis bien intégré. Dans une équipe, on a toujours besoin des « anciens » pour leur expérience et les jeunes pour leur fougue et la folie.

Pensez-vous que la mayonnaise va prendre ?

Certainement, ça va prendre parce que comme je viens de le dire : pour faire une équipe il y a beaucoup d’éléments qu’il faut prendre en compte. Il faut l’expérience et la folie. Je pense qu’avec l’expérience des anciens qui ont fait deux à trois coupe d’Afrique et la folie des jeunes qui viennent d’arriver qui ont envie de prouver, la mayonnaise va certainement prendre.

Autrement dit cela augure des lendemains qui chantent ?

De toute façon, on se doit de nous racheter parce qu’on ne s’est pas qualifié en coupe du monde. Maintenant on a la Can, on va tout faire pour atteindre nos objectifs. Sans pourtant, le dire haut on a fixé entre nous les joueurs des objectifs et nous espérons les atteindre avec la Can.

Quels sont ces objectifs ?

Je préfère me taire pour ça, c’est pour nous et on le garde pour nous. Mais déjà, on a décidé de reste humble. Pour gagner il faut beaucoup d’humilité. On se fait petit et l’on fait nos matches les uns après les autres et l’on fera le décompte après.

Ablaye Sarr avait dit que l’équipe serait en Egypte dans la peau d’un favori êtes-vous d’avis ?

Même si on ne se dit pas favori, il n’y a qu’à regarder les autres équipes et faire la comparaison avec la nôtre et les joueurs qu’on a et vous rendez compte que ce n’est pas comparable. Si on est discipliné tactiquement et techniquement et qu’on fait ce que l’entraîneur nous demande, je pense qu’on peut faire quelque chose à la coupe d’Afrique.

Craignez-vous pas que ce statut de favoris se transforme en pression supplémentaire ?

Non je ne pense pas. Nous n’avons pas de pression. On s’est parlé entre nous durant trois jours et avant la sélection, les entraîneurs sont venus nous voir chacun dans son club et l’on connaît nos objectifs. On a fait un pari maintenant il nous faut tenir notre parole. Nous devons tout faire pour essayer de réussir ce qu’on a décidé ensemble.

Certainement une victoire devant la RDC sera très bonne pour le moral à quelques jours de la Can ?

Une victoire est toujours positive, toujours bonne pour le moral. C’est un match de préparation et ça va permettre aux entraîneurs de faire une revue d’effectif. Depuis deux semaines, on s’entraîne, on prépare ce match en vu de la Can, je pense qu’une victoire nous fera du bien.

N’est-ce pas là l’explication de la détermination et de la rigueur dont vous et vos coéquipiers faites preuves à l’entraînement ?

C’est normal et je parle au nom de tout le groupe, on n’a pas quitté nos clubs pour des vacances. On est venu pour un but précis : c’est la Can. On se doit de faire tout ce qui est possible et mettre tous les atouts de notre côté pour pouvoir gagner quelque chose. On est considéré comme des favoris, c’est à nous maintenant de mettre tous les atouts de notre côté pour réussir nos objectifs en coupe d’Afrique.

Première participation à la Can vous l’attendez à ce moment ?

C’est le rêve de tout petit, mais ça ne m’a jamais traversé l’esprit. Je ne m’y attendais pas. Je pensais que pour être sélectionné en équipe nationale, il faut gravir plusieurs échelons. Je me disais que le chemin est encore long. Mon but était de jouer avec mon club, de faire des matches. Mais bon je suis là et c’est peut-être parce que j’ai des qualités. Mais franchement ce n’étais pas dans mes objectifs. Pour moi, il restait du chemin à faire.

Chose d’autant plus vraie que lorsque vous avez été appelé pour la première fois en équipe nationale vous ne jouiez pas avec l’Om. Ça peut devenir une source de motivation pour vous ?

Certainement ! c’est clair que c’est une source de motivation pour moi. Le fait qu’ils (les entraîneurs) viennent me chercher alors que je n’avais même pas commencé à jouer, j’évoluais en CFA, cela me motive. Mais il y a beaucoup de Sénégalais en Europe pétries de qualité et qu’il faut superviser. C’est sûr qu’il y a beaucoup d’autres jeunes comme moi qui n’ont pas la chance de jouer avec l’équipe nationale mais qui ont beaucoup de qualité.

Après plusieurs années d’absence, vous faites un retour à la source via l’équipe nationale ?

Cela fait longtemps que je n’ai pas fêté la tabaski au Sénégal. Ça m’a fait du bien. J’avais la famille et les amis à côté. Ma maison était pleine. Tu sais Fass Delorme est un quartier où il y a plus de lutteurs que de footballeurs. Je suis le seul joueur professionnel et je pense qu’ils sont fiers de moi.

Natif de Fass vous devez aimer la lutte traditionnelle ?

Oui, j’aime bien la lutte. Les gens que je connaisse sont des lutteurs et je suis content de les voir à la télé. Le lutteur que j’ai toujours aimé c’est Tapha Guèye. C’est vrai qu’il a pris de l’âge mais il restera toujours pour moi, le meilleur lutteur même s’il y a la génération Tyson et Yékini que je ne connaissais pas mais que j’ai vu lutter lors de son dernier combat. À part Tapha Guèye j’aime bien Tyson aussi. C’est un lutteur qui a du charme, il est jeune et costaud. Mais mon lutteur reste toujours Tapha Guèye. Le tigre de Fass qui a fait rêver tous les Fassois. À l’époque j’étais jeune, mais j’étais très content de le voir lutter.

À l’image de Tapha Guèye, vous voulez porter très haut le flambeau de la population fassoisse ?

Ils sont tous derrière moi. Je suis content quand je vois cette grande mobilisation au stade pour me soutenir. Quand je rentre chez moi, ils viennent me féliciter. Je suis jeune, mais je suis aussi le modèle des tout-petits parce que Fass Delorme est un quartier qui est stigmatisé et catalogué quartier de voyous alors qu’il y a des jeunes qui tirent leurs épingles du jeu dans le sport de leur choix.

Pour votre première apparition au stade Léopold Senghor, vous avez réussi un bon match devant des fans venus nombreux cela a été pour vous une grande satisfaction ?

Ce n’est pas évident de rentrer dans des matches comme celui qui nous avait opposé au Mali. Je ne peux pas dire qu’il faisait chaud parce que je suis sénégalais mais je n’avais plus l’habitude de jouer par cette chaleur. Et rentrer à 10 minutes du match, ce n’était pas non plus évident. Mais bon à la fin, j’ai fait un match normal, tout le monde était content de moi et ça était une satisfaction pour moi de faire plaisir au peuple sénégalais.

A l’image de vos coéquipiers, l’élimination du Sénégal pour la coupe du Monde vous reste-t-il, en travers la gorge ?

C’est évident, une coupe du monde, ce n’est pas évident. Et c’est vrai que notre élimination me reste toujours en travers la gorge. C’était un échec, il faut essayer de le surmonter et se concentrer sur la Can. C’est d’actualité et l’on a besoin de faire quelque chose en Egypte pour se racheter.

Quel est votre rêve de footballeur ?

Il y a des gens qui disent que rêver c’est bien mais moi, je vis au jour le jour. Je n’aime pas trop rêver. Tout ce qui m’arrive je trouve que c’est beau. J’aurais jamais pensé qu’un jour j’allais jouer dans un club européen ou en équipe nationale. Et pourtant cela m’est arrivé. Pour moi tout ce qui doit arriver arrivera si Dieu le veut.

Et par rapport à votre carrière professionnelle la Can n’est-ce-pas une occasion de se mettre plus en valeur en vue d’intégrer un grand club européen?

C’est possible, mais pour l’instant je suis sous contrat avec Marseille pour trois ans. Je suis prêté pour un an à Lorient. Après on verra ce qui va se passer. Peut-être je vais retourner à Marseille ou bien rester à Lorient sinon aller dans un autre club. Mais franchement je ne sais pas. Dieu seul peut décider.

Vous n’avez pas envie de vous imposer à l’OM ?

C’est clair. J’ai été formé à l’OM et je ne connais que ce club. M’imposer à Marseille c’est l’objectif. Mais pour le moment je pense à la coupe d’Afrique. Je pense à faire une bonne Can et réussir ma saison avec Lorient. On est deuxième, je croise les doigts, on peut monter.

Comment jugez-vous les performances de Mamadou Niang et Habib Bèye avec l’OM ?

Bèye a été élu l’année dernière meilleur joueur de l’Om. Mamadou Niang, c’est un super attaquant, il est puissant rapide, il a de la technique et il est intelligent dans le jeu. Leur performance avec Marseille ne me surprend pas du tout.

C’est qui votre idole ?

Fadiga a toujours été mon joueur. Je me rappelle quand j’étais au centre de formation, je me disais quand je jouais avec les amis que c’était moi Fadiga. Je me rappelle avant qu’il ne signe à Bolton, Fadiga était pressenti pour signer à Marseille. Lorsque je l’ai appris, je suis allé voir le directeur sportif qui était à l’époque José Anigo pour lui dire que Fadiga est un super joueur. Je voulais que l’OM le recrute c’est un super joueur.

Deux ans après vous venez jouer à son poste….

Oui mais lui il restera toujours Fadiga et moi le petit qui veut devenir Fadiga. C’est beau de le voir jouer. Il a une qualité qu’on voit rarement chez les joueurs et en plus il est élégant sur le terrain. C’est notre Zizou (Zidane) à nous. J’espère qu’un jour, on pourra jouer ensemble.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que Khalilou Fadiga n’était pas sélectionné pour la CAN ?

Dans la vie, on est toujours confronté à faire des choix. S’ils (les entraîneurs) ont décidé de ne pas le prendre, là je ne peux pas faire un commentaire par rapport à cette décision. Mais si aujourd’hui je devais faire une sélection parce que c’est mon joueur préféré, je le mettrai en tête de liste. Mais cela, c’est du ressort des entraîneurs. Moi, je suis footballeur. Khali n’a pas été sélectionné par les coaches et peut-être ils ont leur raison que j’ignore. Mais Fadiga est un grand joueur, il a toujours été mon idole, il restera toujours le Fadiga que j’admire et moi le petit qui veut devenir Fadiga.