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REFORME DU FOOT - Hameth Dieng, ancien président du Comité de pilotage : «Au non de la continuité de l’Etat, on ne devait pas en être là»

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REFORME DU FOOT - Hameth Dieng, ancien président du Comité de pilotage : «Au non de la continuité de l’Etat, on ne devait pas en être là»

Quand Hameth Dieng parle de la réforme sur football sénégalais, c’est comme un père qui parle de l’avenir de son fils. L’ancien Directeur de la Haute Compétition (Dhc), pour avoir été le président du Comité de pilotage, parle de ce projet, initié par l’ancien Ministre d’Etat, Youssoupha Ndiaye, avec passion et beaucoup de cœur. On comprend dès lors son amertume et sa déception par rapport à la démarche actuelle du ministre des Sports qui, depuis sa prise de fonction en juillet 2005, a volontairement zappé un projet très avancé et considéré comme un début de solution aux problèmes récurrents que connaît actuellement le football sénégalais.

Qu’est ce qui vous a poussé à remettre sur pied un projet de réforme sur le football sénégalais ?

Avec le ministre d’Etat, Youssoupha Ndiaye, (ancien ministre des Sports), on était parti d’un constat : au Sénégal, on a un football à deux vitesses. On a l’équipe nationale qui attire les foules et parallèlement un football local, celui des clubs qui, quotidiennement, vivent dans les difficultés. C’est une exception que les clubs sénégalais, faibles techniquement, passent deux ou trois tours de Coupe d’Afrique. Si on veut demain continuer à renouveler notre potentiel, il nous faut nécessairement réformer ce football. Parce que pour développer un football, c’est les clubs, qui sont des cellules éducationnelles de base, qui développent un football. Mais ces clubs n’ont pas les moyens financiers et infrastructurels. Ils ne sont pas bien organisés, comparativement à leurs homologues égyptiens, tunisiens, marocains, ou nigérians, qui dominent le football africain. Face à cette situation, on ne pouvait plus continuer, il fallait s’arrêter. Car s’occuper uniquement de l’Equipe nationale et laisser en rade le football local, c’est une manière de creuser le fossé qui existe entre ces deux football-là. C’est pourquoi on avait décidé à l’époque de s’attaquer vraiment à la réforme du football qui est devenue une ardente obligation.

Comment le premier jalon de ce projet a été posé ?

Le premier jalon, c’était, sur instruction du Ministre d’Etat, de mettre sur pied d’abord un Comité de pilotage, que je dirigeais et où il y avait un dosage entre cadres du ministère, membres de la Fsf et des personnes ressources. Ce comité avait la chance de regrouper des personnalités de qualité, comme Médoune Diène, Malick Ndao, Tidiane Kane, Ousseynou Kéita, Joe Diop, Yatma Diop, Doudou Sène, Momar Ndiaye, Garang Coulibaly, Ousmane Diallo, Matar Songo Ndiaye, Abdoulaye Touré…Comme vous le constatez il y avait toute une synergie de qualité autour de projet de réforme. C’est ainsi que le Comité a travaillé et a élaboré un avant-projet qui, à l’époque, contenait tous les éléments susceptibles de réformer notre football. Le comité a fusionné l’ensemble de la production des Etats généraux de 1987 à nos jours. Ce comité a travaillé et a produit un document qui a été remis officiellement à la Fédération sénégalaise de football. Et ce document a été discuté par toutes les Ligues régionales avec des observations. Il fallait maintenant, dans un dernier temps, faire une évaluation nationale pour que l’ensemble des composantes du football s’approprie ce document et l’amende.

Concrètement, qu’est-ce qu’on peut retenir dans ce document ?

Dans le document, il y avait, comme on dit, des critères maximalistes. Au sein du comité on voulait partir par dose homéopathique. Mais nécessairement en 2006/2007, on devait passer à un championnat non amateur, quelque soit le nombre de clubs. Parce que l’idée du ministre d’Etat, c’était de partir d’un cahier de charges pour créer ce championnat non amateur. Une association qui remplit le cahier de charges peut passer non amateur. Si deux ou trois associations voient qu’elles ne peuvent pas remplir certaines conditions, elles pouvaient se mettre en commun pour remplir le cahier de charges. Il y avait une ère stratégique qui était ouverte dans l’espace des clubs sénégalais. Sans toucher réellement aux clubs, on voulait leur imposer de se réformer . Voilà l’avantage du cahier des charges. Parce que j’ai entendu les gens dire qu’il y a trop de clubs à Dakar. C’est vrai, mais c’est parce que la liberté d’association est garantie par notre Constitution. Comment diminuer le nombre de clubs, au niveau d’un championnat d’élite sinon que sur la base d’un cahier de charges. Dans ce cahier de charges, il y avait des critères sportifs, financiers et institutionnels.

L’objectif recherché à travers cette réforme, c’est de tendre vers un championnat non amateur. Qu’est-ce qui fait la particularité de ce championnat ?

Il fallait coûte que coûte aller vers un championnat non amateur géré et pratiqué selon les règles de performance universellement reconnues à travers le monde. Il faut aider les clubs à se restructurer, à se doter de moyens financiers, humains techniques, matériels, pédagogiques, pour prendre en charge la question du football de haut niveau. C’est-à-dire en termes de prospection, de détection, de formation de jeunes talents, de suivi, d’intéressement, de primes, de salaires, aussi bien pour les joueurs que pour les intervenants Et c’est ça la voie de la performance. Et ça, on ne peut pas le faire avec des clubs qui vivotent dans des difficultés quotidiennes, ce n’est pas possible. Et maintenant du flanc de ce championnat non amateur, se développerait un football de masse, un football amateur structuré. Il y avait une volonté affichée du ministre d’Etat d’aller dans ce sens. Voilà l’objectif de la réforme. Tout en sachant qu’il y avait des tentatives dans le passé qui avaient échoué. Il y a eu la réforme Lamine Diack, en 1969, qui était vraiment visionnaire et qui voulait doter les clubs de moyens pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs africains en préconisant la fusion. Il y aussi la tentative avec le Comité directeur provisoire (Cdp) de Daouda Faye en 94. Une réforme qui est restée feuille morte.

Oui mais là aussi, on assiste à la chute d’une autre feuille morte avec ce projet de réforme qui dort toujours au ministère des Sports depuis maintenant deux ans

Pour avoir piloté ce projet, vous comprendrez que ce blocage me tient beaucoup à cœur. Et très sincèrement, ce n’est pas pour faire l’apologie d’un tel ou tel ministre, mais le ministre d’Etat, Youssoupha Ndiaye, quand il est venu, il a déblayé énormément le terrain. Que ce soit dans le domaine des infrastructures, de la formation des cadres, du changement du cadre réglementaire du sport sénégalais. En partant, il avait laissé la réforme du football comme chantier. Et au nom de la continuité de l’Etat, on ne devait pas en être là, on ne devait pas être à ce stade de la procédure. Je garde un souvenir extrêmement douloureux d’avoir fait travailler des gens pendant des heures et des heures sur des dossiers techniques bien ficelés, comme la candidature à l’organisation à la Can 2010. Et qu’on n’a pas su terminer pour plusieurs raisons. Et si demain, un autre termine ce projet de réforme à ma place où à la place du ministre d’Etat, Youssoupha Ndiaye, c’est pour le bien du peuple sénégalais, c’est pour l’intérêt général. Donc, il faut que le ministre cesse de s’inscrire dans ce que j’appelle le marketing politique et le zapping. Pour s’inscrire vraiment dans la satisfaction de la demande en matière de sport. Le marketing politique et le zapping, ce n’est pas destiné au mouvement associatif.

Pouvez-vous être plus précis en parlant de marketing politique et de zapping ?

C’est que depuis un certain temps, on voit que le ministre des Sports verse plus dans la communication. C’est-à-dire on organise des choses, on communique, après on ne voit rien se passer. Je peux citer par exemple, le Conseil national du sport, (il s’est tenu en avril 2006). Jusqu’à présent, il n’y aucune décision qui est sortie des travaux. En clair, depuis un certain temps, on voit que beaucoup d’initiatives sont prises au niveau du ministère des Sports, mais c’est des initiatives qui n’arrivent pas à leur terme. Donc, c’est plus destiné à faire de la communication qu’à régler les problèmes liés aux préoccupations du mouvement associatif. Ensuite, il faut éviter le zapping : je donne pour exemple les dossiers qui étaient là, que ce soit la lettre de politique sectorielle, la réforme du football, des dossiers où il y avait un consensus et qui méritaient d’être conduits jusqu’au bout, pour le grand bien et la grande satisfaction du mouvement associatif. Pour la réforme du football, il y avait un consensus fort, mais depuis que le ministre des Sports est venu, il a zappé ce projet et cela a conduit là où on est. Il y a aussi les travaux du Conseil national du sport qu’on attend toujours. Disons que je ne doute pas un instant que El Hadji Daouda Faye, qui est actuellement ministre des sports, est un réformiste. Il a essayé de porter un projet de réforme. Peut-être que le retard, c’est dû au fait qu’il voulait s’imprégner du dossier et lui donner une orientation, une touche personnelle, spécifique ou particulière. Mais le constat est là…

Là, on sent que votre élan a été brisé, surtout que ce projet avait enregistré des avancées au niveau du consensus…

Vous savez, si la réforme ne subit pas la caution sociale des clubs chargés de l’appliquer, elle est vouée au départ à l’échec. Il fallait donc partir d’un consensus fort. Et là comme je l’ai dit, le projet a été discuté par toutes les Ligues régionales avec des observations. On avait défini le cahier de charges des centres de formation sénégalais et on avait pris un arrêté qui fixe l’agrément délivré aux centres de formation. On avait réactualisé le texte organisant les Dtn auprès des fédérations sportives parce que cette réforme ne peut se faire sans une Dtn forte, structurée capable de prendre en charge les problèmes de développement technique. Car pour former des joueurs, les vendre cher et le réinvestir dans le club, il faut que ces joueurs soient bien formés pour qu’ils puissent s’intégrer dans le marché mondial.

Justement cela nous permet d’aborder le volet financement de cette réforme. Quelle est la recette préconisée ?

A l’époque au niveau du Comité de pilotage, il y avait une divergence d’approche. Mais moi, je suis un cadre d’Etat. Les décisions techniques quelque fois ont des répercussions sur le plan politique. On pensait à tort ou à raison à un relèvement du taux de la Tva d’un demi- point. D’autres disaient qu’il faut taxer les produits, tel que le tabac, l’alcool etc…Mais, j’étais parti d’une idée beaucoup plus générale, en constatant que le financement du sport sénégalais pose problème. Que ce soit dans le domaine du sport de haut niveau, que ce soit dans le domaine du sport de masse, une réforme coûte cher. Le président de la République en 2000, avait décliné l’idée de la création d’un Institut, chargé de collecter des fonds pour les redistribuer. Donc l’idée était de voir comment créer un Fonds national de développement du sport qui serait alimenté par une contribution des collectivités locales, de l’Etat et maintenant l’alimenter par diverses taxes. L’Etat à lui seul ne peut pas financer cette réforme, mais l’Etat peut aider par la mise à disposition des infrastructures. Je sais que le président de la République, en partenariat avec les Chinois, a un vaste programme de création de 11 stades régionaux. Vu donc la volonté politique du ministre d’Etat à l’époque, la question du financement ne se posait pas. Le ministre d’Etat avait pris l’engagement de prendre son bâton de pèlerin pour rencontrer l’ensemble des élus locaux et le patronat pour exposer la réforme et les convaincre de la nécessité de s’impliquer, d’appuyer et d’accompagner la réforme.

Souvent, on parle de Ligue nationale en évoquant la réforme. Est-ce que ce n’est pas aller trop vite en besogne ?

Vous avez vu juste et j’ai le même sentiment. En fait, c’est quoi une Ligue nationale ? C’est un outil pour gérer un football non amateur ou professionnel. Ce n’est qu’un outil. Et dans les pays où il y a une ligue nationale, c’est parce qu’il y a une convention qui lie la fédération avec la ligue qui peut avoir une autonomie de gestion, une autonomie financière, une existence légale. Mais nous ici au Sénégal, est-ce qu’on doit dès à présent penser à la création d’une ligue ? Je dis attention aux excès de vitesse. Le problème, c’est d’abord que les clubs puissent s’accorder sur un cahier de charges, c’est un préalable important. Maintenant, si on a le temps, on peut mettre une ligue nationale. Si on n’a pas le temps, on peut mettre une Commission nationale chargée du football non amateur au sein même de la Fédé de foot. D’ailleurs, au sein du Comité de pilotage, c’était ça notre botte secrète. On savait qu’il serait difficile de mettre sur pied une ligue nationale. C’est pourquoi, on allait mettre sur pied une Commission nationale chargée du football non amateur, logée au sein de la Fédération. Comme cela se fait en Tunisie, où il n’y a pas de ligue. Et maintenant en travaillant dans les 2 ou 3 années, on va voir comment mettre en place une ligue, si cela s’avérait nécessaire. Là-bas, on a opté pour ce modèle. A 8, 9 ou 10 équipes, on était prêt ici au Sénégal à démarrer le championnat non amateur. Il ne faut pas se leurrer, si vous voyez les structures socio-démographiques et les potentialités régionales, il ne peut pas y avoir plus d’un club d’élite dans une région. Mieux vaut que toute l’activité de la région soit orientée vers un club d’élite qui joue dans un championnat non amateur, avec maintenant des clubs amateurs tout autour qui alimentent et font de la formation qui continue à exister dans l’espace du football sénégalais.

On annonce que le projet sera dépoussiéré au mois de mai et applicable à partir de 2008. Vous y croyez ?

(Rires) En tout cas, c’est mon souhait. C’est possible de repartir. Comme je l’ai dit, ce pays regorge de gens de qualité qui n’attendent qu’à être convié, par l’autorité pour continuer le travail qui a été entamé. Mon avis est que, c’est une réforme qui est extrêmement importante. Le gros du travail a été fait par le Comité de pilotage. Mais il faudrait que l’ensemble des acteurs œuvrent pour que la sérénité revienne dans le football, il faut un climat de confiance dans ce football. Confiance entre la fédération et les clubs, confiance entre la tutelle et la fédération Sans cette confiance, il ne peut y avoir un climat propice pour travailler. Sans cette confiance, on ne peut pas attirer les sponsors. Tous les acteurs ont donc intérêt à ce que la confiance revienne dans le football. C’est un préalable pour une bonne application de la réforme.

 



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