SALOUM - SALOUM ÉCURIE SAKKU XAM-XAM DE BIRAHIM NDIAYE :« Le diabète qui ronge ma mère et l’amputation de la jambe de ma sœur, m’ont coûté une défaite devant l’an 2000 ».

Comment Saloum-Saloum passe-t-il ses vacances en ce béni mois de Ramadan ?

Saloum-Saloum : Je rends grâce à Dieu. Le mois de Ramadan c’est pour implorer Dieu, en plus de pratiquer la religion, on demande au Tout-Puissant de nous pardonner. On en profite beaucoup.

Vous avez dit en rigolant que vous ne jeûnez pas, c’est la réalité ou une blague ?

En réalité je ne jeûne pas. Je suis Baye Fall.

Pourquoi à votre avis un Baye Fall ne doit pas jeûner ?

(Rire). C’est grâce à Cheikh Ibra Fall qu’on ne jeûne pas. C’est lui qui nous a garanti cela. Le marabout auquel j’ai fait acte d’allégeance ne jeûne pas. Et c’est mon « wassilah », mon guide. Alors pourquoi moi son talibé, je jeunerais.

Qui est votre guide, celui par la grâce de qui vous ne jeûnez pas ?

Il s’appelle Serigne Cheikh Fall Touba Saloum. C’est lui mon marabout, il ne jeûne pas. Mais, il nous demande toujours de nous acquitter d’un autre devoir, pour ne pas jeûner. C’est faire ce qu’on appelle le « moudoum koor », la zakat, (rite religieux à faire le jour de la Korité). On donne ça à notre marabout. Loolu moy tax koor wasila, (ce qui c’est comble votre devoir de jeûner).

Vous le faites chaque jour ou une fois dans le mois ?

On ne le fait qu’une seule fois dans le mois. C’est lui, (le marabout), qui vous dit de donner telle ou elle somme d’argent ou telle ou telle quantité en nature.

Et vous on vous a recommandé combien ?

Moi, je dois donner vingt-mille francs. On m’a envoyé une lettre pour m’en informer.

Saloum-Saloum, parlons maintenant lutte, votre domaine de prédilection, quel est le bilan de votre récente saison ?

Chaque individu, dans la vie peut être confronté parfois à des difficultés. L’année dernière ça a été mon cas. Dieu a fait que j’ai démarré la saison avec une défaite face à L’An 2000. Pendant ce temps, ma sœur était gravement malade, on lui a même amputé une jambe. (il nous montre sa sœur, rongée par la maladie, allongée sur une natte sous la véranda). Elle est sortie de l’hôpital, il n’y a même pas deux mois. Ma mère aussi était très malade. Elle a une plaie au pied, elle en train de lutter contre le diabète. Mais, elle va mieux maintenant. Elle vaque tranquillement à ses occupations. Alors quand je lutte, tout en pensant à ma famille plongée dans cette souffrance, je ne peux pas me concentrer. Mais je me devais de le faire, parce que je devais les soigner et les entretenir. Tout le monde demande après moi, c’est vrai. Je l’ai lu même dans la presse. Mais, je pense qu’on devait venir me voir pour s’enquérir de ma situation, comme vous l’avez fait. Certainement, vous l’avez entendu dans la presse et vous êtes venu me voir. Je vous en remercie. La lutte est devenue une affaire de famille. Nous devons nous entre- aider. Mais que tout le monde sache que ce sont les difficultés de ma famille qui me retenait. Mais, Dieu merci.

Comment avez-vous vécu toutes ces difficultés ?

Avec beaucoup de philosophie. Parce que je crois beaucoup en Dieu. Ces difficultés n’ont guère découragé. Je suis serein. J’ai couvert ma famille, j’ai soigné les miens, sans quémander. Maintenant ça va. Prions juste que Dieu améliore ma situation, pour que je puisse aborder la saison prochaine dans de bonnes conditions, sans aucun problème de santé.

Vous pensez déjà à la saison prochaine, comment la préparez-vous ?

Je me prépare déjà. Je prie juste que les promoteurs montent les affiches. Nous sommes des jeunes et nous n’avons que la lutte comme métier. J’ai 30 ans. Il me reste à peu près 12ans encore dans l’arène. La carrière d’un lutteur n’est pas longue. Alors que les promoteurs se dépêchent et montent nos combats, pour que nous puissions gagner notre vie.

Avez-vous reçu des contacts de la part des promoteurs ?

Oui. Pas plus tard qu’hier, père Birahim Ndiaye, (Ndlr : le fondateur de l’écurie Saku xam-xam), m’a appelé pour me parler d’une discussion avec un promoteur. Ils négocient le cachet. Ils ne sont pas encore d’accord. Mais…, (il ne termine pas la phrase).

C’est quel promoteur qui négocie le montage de votre combat ?

(Longue hésitation, il lâche Kan…dji, avant de se ressaisir). Non, laissons comme ça. Puisque l’affaire n’est encore ficelée, il vaudrait mieux que l’on taise la chose en attendant.

Pourquoi ça tarde à aboutir, la proposition n’est pas bonne ?

Je ne sais pas. Tout est entre les mains de père Birahim, mon manager. C’est lui qui gère toutes mes affaires. Il sait ce que je vaux. Il est plus que mon manager. C’est mon père. Il me traite comme son fils biologique.

Avez-vous ciblé de potentiels adversaires que vous souhaiteriez affronter la saison prochaine ?

Le lutteur avec qui je veux le plus me frotter c’est Sa Thiès. J’ai vraiment envie de lutter contre lui.

Pourquoi Sa Thiès ?

Parce que j’ai bien suivi ses combats. Ses adversaires lui offrent beaucoup d’opportunités, pour ensuite perdre leur combat en lui montrant des failles. Contre moi, il n’aura jamais ça. Toutefois, il faut reconnaître que c’est un très grand lutteur. C’est un jeune lutteur, très technique. Mais je vous assure que si les promoteurs montent cette affiche, vous verrez un très grand combat. Je l’estime beaucoup et j’ai vraiment envie de l’affronter. Si on veut voir un autre combat Balla-Saloum Saloum -un des combats les plus difficiles de Balla Gaye d’ailleurs- il faut monter Sa Thiès- Saloum-Saloum. Je tais les faiblesses de ce lutteur, c’est un secret pour moi, et j’attends qu’on me le propose.

Sa Thiès est quand même très redoutable ces temps-ci ?

C’est ce que je constate. Je t’ai dit que c’est un fin technicien. Mais je connais ses failles. C’est un talent et je veux souvent lutter contre ces genres de lutteurs. Je veux l’affronter.

Y a-t-il un autre lutteur dans votre viseur ?

Si, il n’y en a beaucoup. Des jeunes à qui je peux accorder une revanche, comme Garga Mbossé, Yaly Sèye 2, Assurance. Je suis prêt à lutter de nouveau contre eux. La saison prochaine, je veux faire du Thioket. Pas de « dagaty » ni de ciseaux mais du « thiokati », (rire…). (Ndlr : à ce moment sa maman entre et montre sa jambe bandée).

Quel programme pour mieux préparez la prochaine saison ?

Je fais du physique en attendant, parce que ce qui fait la force d’un lutteur dans un combat, c’est le coffre, la condition physique. Je me réveille chaque matin pour m’entraîner. Sauf aujourd’hui, je ne suis pas allé m’entraîner par ce que j’ai veillé chez mon marabout à Bopp, (un quartier de Dakar) pour le Laylatoul Khadry. On a demandé au bon Dieu de consolider la paix dans notre pays.

La violence continue de faire des ravages dans l’arène. La dernière en date est celle qui a valu à Boy Niang une suspension de cinq ans suite à son agression sur Zoss. Quelle est la responsabilité du lutteur que vous êtes ?

Nous n’avons que la lutte comme métier. Il y a lieu de tout faire pour éradiquer ce fléau de l’arène. C’est regrettable. Tous les lutteurs doivent aujourd’hui s’y mettre, pour se faire il faut sensibiliser les supporters. Cependant, ce qui est arrivé à Boy Niang est grave. Je lui conseille de revoir sa copie. Il est jeune et ambitieux et c’est l’espoir de ses parents. Ce qu’il gagne dans la lutte c’est pour aider ses parents. Son acte est regrettable. Mais le Cng doit être clément. Il faut l’aider. C’est un soutien de famille.

Cinq ans de suspension ça veut dire que sa carrière est hypothéquée ? Boy Niang a un avenir dans l’arène. Tous les lutteurs doivent se réunir et aller demander au Cng, (comité national de gestion de la lutte avec frappe) de lui pardonner.

Est-ce que vous êtes prêts à conduire une délégation pour solliciter la clémence du Cng ?

Oui, s’il le faut. Je lance un appel à tous les lutteurs. C’est un jeune inexpérimenté, il faut le comprendre. S’il était un peu mature, il n’allait jamais faire pareille chose. On ne doit jamais agir ainsi dans un pays de droit. Il ne devait pas faire cela.

Vous êtes d’accord donc que la sanction est bien normale ?

Oui. Il a commis une faute. Qui commet une faute mérite sanction. On n’en disconvient pas. Mais cinq ans c’est trop pour ce jeune espoir. J’affirme qu’il faut demander au Cng de revoir la peine.

Si chaque fois qu’un lutteur commet une faute, on intervient en mettant pression sur le Cng, pensez-vous qu’à la longue cela peut écorner la crédibilité du Cng ?

Non. Ce que Boy Niang a perdu dans ce combat, il ne va jamais le dire. Il sait très bien qu’il a fait une erreur. On a commis des responsables comme El hadji Mansour Mbaye et d’autres personnes pour calmer les ardeurs et qu’il demande pardon à Zoss. Quand on reconnait ses erreurs et qu’on s’excuse, on doit être pardonné. Mais cinq ans de suspension c’est trop. Je ne suis pas d’accord.

Surtout que l’écurie aussi a été suspendue pour trois ans ? Pensez-vous que les lutteurs doivent payer l’indiscipline de l’un des leurs, même s’ils ne sont pas fautifs ?

Voilà, ce je veux aussi dire. Il ne faut pas empêcher les autres lutteurs d’être en activité. Si c’est le cas, cette écurie va disparaitre. Boy Niang a commis une faute. C’est une réalité. Mais il faut revoir la sanction. C’est vraiment trop. Il faut qu’on lui pardonne. Surtout en cette période de Ramadan. Le Cng doit faire quelque chose.

Devant toute cette violence, comment voyez-vous l’avenir de la lutte au Sénégal ?

La violence, il faut le dire ça provient souvent du côté de la banlieue. Je me souviens lors de mon combat contre Sa Kadior, de la signature jusqu’au combat, on nous a violenté. Beaucoup de mes supporters ont été blessés. Ce n’est pas normal. Nous ne sommes pas des ennemis. Nous sommes des adversaires et même des parents, parce que nous sommes tous Sénégalais. La lutte est une affaire de professionnel. On paie maintenant jusqu’à 100 millions. Je dis aux supporters que tous les lutteurs sont des amis, des parents. Qu’ils ne se battent plus pour eux. J’en veux pour preuve, après mon combat contre Balla Gaye 2, je l’ai dépassé un jour devant de chez-lui, mais je suis allé le saluer. On a échangé des civilités, c’est important. Je prie le bon Dieu pour la violence soit bouter hors de l’arène. Ce qui s’est passé avec Boy Niang, c’est trop. C’est la première fois que je vois une chose pareille. Nous sommes en vacances. Profitons-en pour sensibiliser, éduquer nos supporters, nos fans clubs, discuter avec eux, leur faire comprendre ce qu’est un fan’s club.

Vous le faites-vous ?

Oui. Chaque fois je parle à mes supporters. Même si je dois dire aussi lors de mon combat contre Sa Kadior, j’étais très emporté. Mais, il m’avait insulté de mère ; mes supporters agressés. Tout ça on peut l’éviter.

Vous revenez souvent sur ce combat, on dirait que cela vous a marqué ?

Effectivement. Ça m’a fait beaucoup de peine. Je me suis révolté. Mais maintenant, c’est fini. J’ai oublié. Sa Kadior n’est pas mon ennemi. Mais j’insiste, il faut absolument éradiquer cette violence. Le gouvernement doit nous aider.

Êtes-vous d’accord pour une année blanche pour reprendre tout à zéro ?

Non. C’est inimaginable. Beaucoup de lutteurs ne savent rien faire que la lutte. Il ne faut même pas y songer. Les lutteurs, il faut les comprendre, ce sont des jeunes. Mais je reviens encore pour dire que Boy Niang, il faut qu’on lui pardonne.

Réalisé par Amadou Ahmeth Seck