SENEGAL-NORVEGE : 2-1 - Laye Sarr, sélectionneur national des Lions : «Comment ne pas avoir envie de continuer…»

Pour leur première sortie amicale après la Can 2006, la jeune classe des Lions n’ont pas déçu en battant la Norvège sur le score de 2 buts à 1 hier au stade Léopold Senghor de Dakar. Un match, peut-être le dernier du coach local Laye Sarr qui clôt en beauté 4 mois de présence à la tête de la sélection. Sans pour autant perdre l’espoir de continuer.

Le quatrième arbitre soulève le panneau lumineux : trois minutes d’arrêt de jeu. Et puis, comme au théâtre, Clap ! Rideau noir dans la vaste enceinte de Léopold Senghor. La pénombre, la bronca, la peur, l’attente…. Puis, quatre minutes plus tard, la lumière (re) fut. Laye Sarr, costume sombre, chemise blanche, esquisse un sourire sur le banc de touche. La partie peut reprendre. Le Sénégal mène sur le score de 2 buts à 1. Il reste une petite minute à jouer. Elle est longue pour le coach local Laye Sarr qui guette, dans le secret de sa solitude, le sifflet final de l’arbitre burkinabè, Lassana Paré, pour se lâcher. Ça y est, c’est fait !

Laye Sarr, en fin de contrat depuis mardi, tient LA victoire. Il tient sa revanche sur ses contempteurs, sur ceux qui n’ont que peu d’égards pour son statut de demi-finaliste de la Can 2006. Le bras levé au ciel, le coach local brandit un triomphe modeste. Il marche le pas pressé vers les vestiaires. «A la salle de presse, il faut faire vite parce que les Lions doivent prendre l’avion», hurle-t-il à la meute de journalistes.

Buste droit, Laye Sarr est seul maître du pré de Léopold. Marqué à la veste par deux malabars, il serre des poignées, le visage ferme. Une page de sa vie de coach vient de se fermer en beauté avec une victoire sur les Vikings norvégiens. Lui, l’intérimaire qui a essuyé bien des critiques. Lui, qui jusqu’au bout, a fait confiance en «ses» jeunes. Ses «Bisnounours», qu’il a fabriqués de toutes pièces et qui, devant le forfait des «cadres» (Henri Camara, Tony Sylva, Daf, Diouf, Coly, Niang etc.), lui ont bien rendu la monnaie de sa pièce par une symbolique victoire contre des norvégiens sans génie. Qui ne pouvaient pas faire autrement que de se plier à une bande de Lionceaux qui a longtemps attendu son tour pour goûter aux délices de cet antre imprenable de Léopold Senghor.

Laye Sarr avait à cœur de gagner ce match. Pour gommer les deux dernières défaites de la Can 2006, pour laver son honneur souillé par une critique locale acerbe, pour s’offrir une sortie (?) par la grande porte de Senghor. Du coup, il n’a jamais su vaincre sa tension au cours de ce match. Il n’a pas fait le «zébulon» sur le banc, mais il a littéralement bouilli de l’intérieur.

BONHEUR INTERIEUR

Assis sur le banc, le dos légèrement courbé, Laye Sarr brandit nerveusement son carnet pour replacer ses hommes sur un corner joué «à la Rémoise» par les Norvégiens (5e mn). Premier frisson. Mais, un tir de Dino Djiba des 25 mètres le rassure. Il se rassoit et rature sur son calepin. Son acolyte, Amara Traoré, survolté, ne tient plus sur place. Quand Moussa Ndiaye crucifie le portier Myhre Thomas d’un tir foudroyant (20e mn, 1-0), le banc des Lions se lâche. Laye Sarr tapote des mains son adjoint et se rassied, le nez toujours collé à son calepin. Son bonheur est intérieur.

Face à une Norvège techniquement coincée, «son» Sénégal combine par un jeu varié, fait de courtes et de longues passes. Comme un chef d’orchestre, il agite des mains. Et Amara Traoré passe le message par des cris par-ci, des invectives par-là. Des consignes payantes, d’autant que Babacar Guèye, sur un raid solitaire double la mise (35e mn, 2-0). Sans être génial, le Sénégal, bien articulée et sobre dans ses déploiements, a su concrétiser une domination latente, à défaut d’être flagrante.

Laye Sarr ne s’emballe pas. Il semble imperturbable de sérénité. Et la dernière Can lui a rappelé qu’un match dure…90 mn. Surtout que les «Vikings» ne sont pas hommes à se rendre. Comme le rappelle le dzéfenseur central Erik Hagen qui, d’une tête rageuse, montre la voie à ses coéquipiers en réduisant le score sur corner (40e mn, 2-1). La passivité de ses ouailles sur le coup de pied arrêté exhume sans doute quelques souvenirs douloureux d’Egypte. Amara en dégueule de rage sur le banc, lui préfère les maudire secrètement. Avant de leur cracher ses vérités à la pause : «On a fait une mi-temps de qualité. Sur la fin, il y a eu un relâchement et ils ont réduit le score sur un corner, ce qu’on a déploré avec les joueurs à la mi-temps», renseigne-t-il.

La seconde période débute avec un pressing haut des Norvégiens. Mais, le bloc d’équipe sénégalais résiste au sursaut d’orgueil des «Vikings». Laye ne peut plus s’asseoir. Il est maintenant raide comme un piquet adossé sur le pied du banc. 16e mn, Diomansy enrhume un défenseur, pique une accélération et arme un tir. Léopold exulte. La ola monte dans les travées. Laye Sarr reste impassible. Sur la pelouse, ses «enfants» s’amusent, lui donnent des gages sur un avenir qu’ils ne sont même plus sûrs de partager. Fred Mendy est pétillant sur son flanc gauche, Dino Djiba est transcendant de lucidité, Nguirane Ndaw est convaincant, Diakhaté rassurant et Boukhary enfin tranchant.

Les minutes s’égrènent, la Norvège pousse, mais le Sénégal reste maître de son sujet. Le coach local donne de la voix tout en continuant de remplir son calepin de notes. Comme si son futur y dépendait. Comme s’il avait la certitude de devoir continuer son «chantier». Comme si une victoire allait lui rouvrir la porte d’une «tanière» qui hésite encore de se refermer sur lui.

FIERTE

Le plus dur a-t-il été fait ? En tout cas, «son» Sénégal s’est offert la Norvège (2-1). Mais sur la ligne de touche, Laye Sarr comme un môme qui attend les résultats de ses examens est tendu. Son avenir va se jouer dans un autre terrain. Et il ne s’y trompe pas : «Un entraîneur, il arrive, il part, la vie continue. Nous avions un contrat de quatre mois… Mais un contrat qui se termine, il n’y a pas dix mille solutions, soit on veut le renouveler, on appelle les intéressés et l’on discute…Soit on ne veut pas le renouveler, on se sépare à l’amiable. Sur ce plan, on ne se fait pas de fixation, nous ne sommes demandeurs de rien. Le football du Sénégal se fera avec tout le monde, ce ne se fera ni avec Laye Sarr ni avec Amara, ça se fera avec toutes les composantes du football sénégalais», serine-t-il comme pour se donner bonne conscience. Comme pour se libérer de ces semaines d’espoirs, de spéculations, de débats sans fin.

Pour Laye Sarr, l’essentiel est ailleurs. A l’image de ce mot d’ordre du jour lancé aux Lions, à l’heure de jouer un match à enjeu humanitaire organisé par l’Ong Plan-International.

«Aujourd’hui (hier), nous étions là pour une cause noble, pour les enfants et le mot du jour pour les joueurs : c’était de jouer et de gagner pour les enfants. Je pense que c’est le plus important pour nous, car je crois que le sport ne se passe pas dans un îlot, ça se passe dans la société avec des hommes», conte pour la dernière fois un technicien, soucieux de l’avenir du monde. Mais aussi de ses «bisounours» : «Comment à ce niveau de responsabilité, on ne peut ne pas avoir envie de continuer une œuvre qui n’est pas encore terminée. Etre à la tête de la sélection nationale, c’est une fierté», soupire, ému, Laye Sarr. Comme pour faire la passe à la Fédé, aux instances dirigeantes du football. C’est fini pour Sénégal-Norvège. Et le «Sénégal du foot» attend encore le coup de sifflet final de «l’autre match».

FICHE TECHNIQUE

Mercredi 1er mars 2006

Match amical international - Stade Léopold Sédar Senghor de Dakar Senegal - Norvege : 2-1

Buts : Moussa Ndiaye (20e mn) ; Babacar Guèye (35e mn) pour le Sénégal ; Erik Hagen (40e mn) pour la Norvège ; Arbitre : Lassana Paré (Burkina Faso)

Avertissements : Pape Malickou Diakhaté pour le Sénégal ; Jon Inge Holland pour la Norvège

Equipes

Senegal : Pape Mamadou Diouf-Lamine Diatta (cap), Pape Malickou Diakhaté, Souleymane Diawara, Boukhary Dramé (puis Bayal Sall, 78e mn)-Moussa Ndiaye, Nguirane Ndaw, Dino Djiba (puis Pape Bouba Diop, 62e mn), Frédéric Mendy (puis Massar Camara, 90e mn)-Diomansy Kamara, Babacar Guèye (puis Issa Bâ, 90e mn). Entraîneur : Abdoulaye Sarr

Norvege : Thomas Myhre (cap)-Jon Inge Holland, Erik Hagen (puis Arte. R. Haland, 46e mn), Trond Erik Bertelsen (puis Pa Modou Kah, 70e mn), Brede Hengeland, -Hassan El-Fakiri (puis Peter Rudi, 46e mn), Jan Gunnar Solli, Petter Moen, John-Arne Riise-Ole Martin Arst, Daniel Braaten (puis Azar Karadas, 61e mn). Entraîneur : Age Hareide

LE FILM DU MATCH

20e mn : Echappé sur le côté gauche, Babacar Guèye centre en retrait pour Moussa Ndiaye qui marque d’une splendide frappe de l’extérieur du pied droit qui se loge dans le petit filet de Myhre. (1-0)

35e mn : Service en profondeur de Dino Djiba pour le gaucher Babacar Guèye qui se déjoue, avec beaucoup de réussite, de l’axe central norvégien avant de placer une frappe de l’intérieur du…droit qui trouve la lucarne norvégienne. (2-0)

40e mn : Suite à un deuxième corner consécutif des Norvégiens, Erik Hagen, libre de tout marquage, reprend victorieusement de la tête un ballon mal jugé par «Papo» Diouf. (2-1)

47e mn : Un centre travaillé de Fréderic Mendy trouve Nguirane Ndaw, idéalement placé dans les 6 m norvégiens, mais le «Sochalien» manque sa reprise.

51e mn : Babacar Guèye échappe une nouvelle fois à la défense des Vikings et trouve Diomansy Kamara à 3 mètres des buts de Myhre. Mais la reprise de «Dio», sans vice, trouve les bras du gardien norvégien.