Sepp Blatter à Daouda Faye : "Maintenez votre décision et on suspend le Sénégal"

A peine revenu hier de Zurich, le secrétaire général de la Fédération sénégalaise de football (Fsf), Doudou Sène, nous raconte ici le film de la réunion de conciliation de dimanche, arbitrée de main de maître par Sepp Blatter, le tout-puissant président de la Fifa.

Comment s’est passé la réunion de Zurich ?

Ça s’est passé comme je la prévoyais. Je ne pense pas que le Sénégal soit un pays entre ciel et terre où les gens peuvent décider n’importe quoi et dire par la suite qu’ils ont des alliés ou des amis à la Fifa, que ces derniers les protégeront d’éventuelles sanctions de l’instance dirigeante du football mondial. Ce n’est pas arrivé, parce qu’il y a eu beaucoup de discours qui n’avaient rien à voir avec la séance qui nous réunissait là-bas. Je dois ajouter, au passage, qu’il y avait le Président Mbaye Ndoye, le chef de délégation de la fédération, j’étais à ses côtés et à sa gauche il y avait Me Alioune Cissé (avocat de la Fsf). Et à la droite du Président (Sepp Blatter), contrairement à ce qu’on avait laissé entendre, il y avait bel et bien le ministre des sports El Hadj Daouda Faye. Dans ces conditions, la séance s’est bien déroulée, nous avons présenté un document sur lequel nous avions beaucoup réfléchi. Parce qu’à les (le ministère des Sports et ses partisans) entendre parler à plusieurs reprises, on avait laissé croire qu’on n’avait pas d’arguments à opposer aux observations qui nous étaient renvoyées par le ministre des Sports. Ce que nous avons récusé, parce que nous avons présenté un mémorandum que nous allons même envoyer à la presse avec toutes les correspondances. A partir de ce moment, je crois que la cause était entendue, parce qu’au dernier moment, il y a une proposition qui a été faite par le ministre pour ramener le bureau sortant à la tête de la Fédé. Le Président de la Caf, Issa Hayatou, et le Président de la Fifa s’y sont catégoriquement opposés en disant que cela laisserait supposer que le bureau qui vient d’être élu lors de l’Assemblée générale du 4 novembre n’était pas bon. Pendant qu’il y avait un superviseur de la Fifa (le Guinéen Almamy Camara) qui a constaté, de visu, que tout s’est déroulé normalement.

Est-ce qu’on peut dire que vous débarquez en vainqueurs ?

Non ! Pas en vainqueurs. C’est le football sénégalais qui triomphe, ça c’est clair. Il n’y a aucun problème, c’est le football sénégalais qui a gagné. Parce que ce sont les autres qui disaient qu’ils avaient des relations à la Caf et à la Fifa, les faits ont démontré le contraire. Je ne vois pas la Fifa prendre une réglementation pour le Sénégal et une autre pour les 206 autres associations nationales.

Qu’est-ce qui explique la rapidité du sommet qui n’a duré que 1h 45 minutes ?

Cela n’a pas trop duré. Parce que c’est le Président de la Fédération, Mbaye Ndoye, qui a pris la parole, car de l’autre côté, on s’était opposé à ce que notre avocat prenne la parole, pour la simple raison qu’il n’est pas membre de la Fédération. Le Président de la Fédé a relevé un certain nombre de choses contenues dans notre mémorandum. (Caustique) Eux, ils sont venus avec des journaux. Et le mémorandum, c’était pour répondre à l’ensemble des questions qui nous avaient été posées par le ministre et auxquelles nous n’avons pas voulu répondre. Parce que le décret précise bien que les modifications doivent être portées à la connaissance du ministre de l’Intérieur sous couvert du ministre de tutelle. C’est du français ! Donc, on n’avait pas de réponse à donner au ministre des Sports, mais on connaissait les arguments qu’il avançait au niveau de la Primature, du Comité olympique et à la Présidence de la République. A partir de ce moment, nous avons pris toutes nos dispositions pour les questions qui étaient posées, et voilà M. Mbaye Ndoye a répliqué en un laps de temps.

Est-ce que la décision prise à Zurich vous convient ?

Elle nous convient parfaitement. Parce qu’ils avaient laissé entendre d’une part que le ministre des Sports ne devait pas s’asseoir avec nous, ce qui n’a pas été le cas. Deuxièmement, en fin de compte, on nous a remis dans nos droits parce que la délégation de pouvoirs nous avait été retirée. Et sur injonction du président Issa Hayatou et du président Blatter ! Je vais vous raconter comment ça s’est passé…

Allez-y…

A un moment donné le président Blatter s’est écrié pour dire : «De quoi, il est question ? Où est le problème ? Maintenant, je vous dis Monsieur (le ministre), je ne parle pas au gouvernement sénégalais, parce que le gouvernement sénégalais, comme n’importe quel gouvernement d’ailleurs, quand il est à l’Onu (Organisation des Nations-Unies) perd une partie de sa souveraineté. Il en est de même pour la Fédération sénégalaise de football. A partir de ce moment, vous ne désavouez pas la Fédération de football, c’est nous Fifa qui avons accepté ces statuts, qui leur avons donné notre aval que vous désavouez. De deux choses l’une, ou vous maintenez votre décision et, dans les 48 heures, on vous suspend. Ou bien vous leur remettez dans leurs droits et on continue avec un groupe de travail qui va réfléchir sur la question.» Ils (les membres de la délégation ministérielle) ont proposé l’ancien bureau pour gérer la Fédération et les présidents Hayatou et Blatter leur ont fait comprendre que les élections se sont passées régulièrement avec un superviseur de la Caf. Il n’y a donc aucune raison pour que les gens reviennent sur des élections pour remettre en place ceux qui étaient là-bas. Parce que dans le nouveau bureau, il y a des gens qui ne plaisent pas.

A part le ministre des Sports, quels sont les fonctionnaires du ministère qui étaient autour de la table ?

Il y avait les deux directrices, Yamina Thiam, directrice de la haute compétition et Dieynaba Kane Touré, directrice des activités physiques et sportives et le ministre des Sports. Il y a des choses qu’on ne veut même pas dire, car ça n’honore pas notre pays. Cela je vous le dis très franchement, quand à ce niveau de responsabilités on tient certains propos qui peuvent déranger le Sénégalais que je suis, je trouve que ce n’est pas une bonne chose. <30>[email protected]