Technologie en plein essor, l’intelligence artificielle bouleverse déjà le monde professionnel. Ses capacités à simplifier les tâches complexes et répétitives, ou encore à améliorer l’efficacité des procédés, en font d’ores et déjà un outil incontournable pour de nombreuses professions. Le monde des médias, et plus particulièrement le journalisme, n’est pas en marge de cette révolution. L’occasion était donc toute trouvée pour la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) d’organiser un panel, en ce 3 mai célébrant la Journée mondiale de la liberté de la presse, sous le thème : « Informer dans un monde complexe : l’impact de l’IA sur la liberté de la presse et les médias ».
Pour évoquer ce sujet, l’association a misé sur des intervenants de qualité : Aboubacar Sadikh Ndiaye, coach et consultant en transformation digitale ; Abdou Khadre Seck, journaliste et doctorant en communication ; et Mame Diarra Bousso Tall, analyste en cybersécurité au ministère de la Communication. Outre les principaux orateurs, cette rencontre a enregistré la présence du directeur de la Communication, du représentant de la Maison de la Presse, de la représentante de l’ambassade de France au Sénégal, du CORED, du SYNPICS, ainsi que d’une belle brochette d’acteurs des médias sénégalais.
Première activité du nouveau bureau de la CJRS, Mamadou Diagne, président de l’association, a campé le décor autour des enjeux soulevés lors du panel : « L’époque dans laquelle nous vivons est une époque où l’information circule plus vite que jamais, mais aussi où la désinformation se propage à une vitesse encore plus alarmante. S’y ajoutent la montée des fake news, la manipulation de l’opinion publique, qui viennent à leur tour miner la liberté de la presse et mettre en péril le socle même de la démocratie : la vérité. »
Il a indiqué qu’en plus de toutes ces préoccupations qui gravitent autour du journalisme, l’intelligence artificielle constitue une nouvelle donne à prendre en compte. « Si l'intelligence artificielle représente un progrès technologique majeur, elle constitue aussi un nouvel obstacle dans la lutte contre la désinformation. Aujourd’hui, ce fléau a pris une autre tournure avec les deepfakes (…) Ainsi, le mensonge devient crédible, la manipulation indétectable à l’œil nu. Le doute devient de plus en plus la norme », a expliqué Mamadou Diagne. Face à cette situation, le président de la CJRS invite les journalistes à l’introspection : « Que peut faire le journalisme face à cette vague ? Plus que jamais, le journaliste doit retrouver sa posture de veilleur. Cela signifie : vérifier, croiser les sources, contextualiser, prendre le temps, résister à la tentation de la vitesse. »
Plus loin, il insiste sur la nécessité pour la CJRS de porter de telles initiatives : « C’est notre rôle en tant qu’organisation professionnelle, mais aussi celui des institutions, des ministères – notamment celui de la Communication – de veiller à ce que le combat soit mené. Nous devons alerter, prévenir, former, accompagner les rédactions, mais aussi porter un plaidoyer fort auprès des pouvoirs publics pour une régulation adaptée et des moyens renforcés ». Le panel, qui s’est déroulé sur deux heures, a été un moment d’échanges transgénérationnels fructueux. L’intelligence artificielle propose divers avantages aux journalistes : la transcription, la correction de texte, la rédaction de dépêches, l’amélioration de l’audio… Des atouts qui permettent aux professionnels de gagner du temps dans leur travail.
Mais tout n’est pas rose avec l’IA. Les craintes de perte d’effort intellectuel, de créativité -qui représentent des qualités essentielles du journaliste- bref, la déshumanisation des contenus journalistiques, constituent le risque le plus important. « J’interpelle le CORED à travailler sur une charte d’utilisation de l’IA », a lancé Abdou Khadre Seck. « C’est très alarmant. Dans tous les grands médias du monde, je peux citer Le Figaro, BBC… ils ont une charte parce que c’est une politique éditoriale qui permet de mettre en place les bonnes pratiques en matière d’IA, mais également de fixer les lignes à ne pas franchir. »
Reste désormais aux autorités, en collaboration avec les médias, à trouver les solutions idoines pour un usage responsable et éthique de l’intelligence artificielle.
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