LE MOUVEMENT DU 23 JUIN 2011: QUELLE JUSTESSE POLITIQUE?

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  • Article ajouté le : 28 Vendredi, 2013 à 15h27
  • Author: abdoulaye taye

LE MOUVEMENT DU 23 JUIN 2011: QUELLE JUSTESSE POLITIQUE?

l’Assemblée Nationale d’un projet de loi qui proposait l’élection simultanée au suffrage universel d’un président de la république et de son vice-président qui devrait assurer son intérim en cas d’empêchement mais aussi d’un quart bloquant la tenue d’un second tour. Le contexte politique de l’époque a profondément marqué les arguments des uns et des autres. Les opposants au projet de loi ont prêté au président de la république, Me Wade, l’intention d’instrumentaliser la loi aux fins d’une dévolution monarchique qui à terme devrait remettre les rennes du pays á son fils mais aussi de mettre en place les conditions favorables à sa réélection par le quart bloquant. Le débat sur le rôle que le projet de loi pourrait jouer sur la qualité et la sécurité de la démocratie était relégué au second plan. L’émotion a gagné les cœurs et les esprits. Les oreilles étaient sourdes et les voix inaudibles. Le président de la république, Me WADE, a fini par retirer le projet de loi pour préserver la paix dans le pays. Maintenant que les émotions sont tombées et que les enjeux et le contexte ont changé peut-on revenir sur ces événements pour les analyser froidement après deux ans ? Le Sénégal n’est pas le premier pays à élire un président et un vice-président au suffrage universel, les exemples abondent dans le monde. Par conséquent, en prenant un recul, le soulèvement énergique contre cette disposition de la loi était incompréhensible au vu de l’expérience et de l’histoire politique mondiale. Le président de l’Assemblée Nationale, à l’état actuel de la constitution, doit remplacer, pour une période de 90 jours, le président de la république en cas d’empêchement. Cette disposition théorique, associée à la limite annuelle du mandat du président de l’Assemblée Nationale, serait difficile voire impossible á réaliser si une telle circonstance se produirait. Il est clair qu’élire un ticket au suffrage universel revêt plus de légitimité qu’élire indirectement un président de l’AN sous les ordres d’un président de la république. Les partis politiques et le président de la république ne doivent pas se substituer à la souveraineté des électeurs. Il est donc évident que le ticket président/vice-président jouit d’une plus grande qualité et légitimité électorale démocratique mais aussi d’une plus grande sécurité démocratique qui prévient les probables instabilités liées à des élections mal préparées et précipitées, avec des candidats et des programmes insuffisamment connus et des électeurs mal informés et facilement piégés ou manipulés. Le ticket permet aussi d’acquérir par ricochet la rationalité financière et la rationalité politique par l’économie des deniers publics, par le respect du calendrier électoral républicain et la maitrise des effets et impacts des campagnes électorales sur la vie et le développement du pays.

Un deuxième tour qui n’est pas bien encadré peut mettre en cause la qualité et la légitimité démocratique d’un président élu. En effet, en interdisant, selon la loi actuellement en vigueur, l’élection d’un président de la république à 48% des suffrages contre 15 % de son suivant immédiat au premier tour, on risque d’élire un président fragile au second tour à cause de notre système de coalitions politiques sauvages. On va élire le meilleur candidat de l’opposition mais pas le candidat le plus populaire du pays. De telles configurations électorales sont probables compte tenu de l’évolution de la carte politique actuelle du pays. Nous avons aujourd’hui cinq gros partis (PDS, PS, AFP, REWMI et APR) qui ont des chances sensiblement égales dans les compétitions électorales, selon qu’ils sont au pouvoir ou dans l’opposition. Le quart bloquant rectifie et corrige les écarts à la qualité et à la légitimité démocratique de l’élection d’un candidat et encourage les candidats à beaucoup travailler pour mériter la deuxième place qui leur ouvre très souvent la porte du palais. On peut même aller plus loin pour parfaire la correction démocratique des résultats des élections du

premier tour en exigeant au premier des candidats 45% des suffrages contre 25% exigé au second. On évite ainsi de tomber dans les mêmes travers dans le cas où le premier est élu avec 26% contre le second qui détient 24% des suffrages au premier tour. Dans ce nouveau cas de figure, le recours au second tour n’est nécessaire que si le deuxième a 25% ou plus et le premier a moins de 45% des suffrages au premier tour. Le second tour devient superflu si le deuxième engrange un taux inférieur ou égal à 25% et le premier un taux supérieur ou égal à 45% des suffrages au premier tour. Les chiffres proposés ici à titre indicatif ne doivent pas servir de forêt qui cache le principe nécessaire de l’encadrement et de l’ajustement démocratique des résultats électoraux. Les élections présidentielles de 2012 se sont terminées avec comme résultats 35% pour le camp du pouvoir et 65% pour le camp de l’opposition. Il faut remarquer le caractère rigoureux de l’électorat du point de vue du transfert du vote. En régime parlementaire avec scrutin proportionnel à un tour (comme celui en vigueur en Allemagne), ces chiffres seraient convertis directement en nombre de députés et naturellement le président de la république se retrouverait minoritaire à l’hémicycle avec 26% contre 74% des députés. Le quart bloquant éviterait une situation aggravante avec une configuration possible de 15% contre 85% par exemple. Cette projection des résultats du vote obtenus dans le régime présidentiel sur ce type de régime parlementaire plus démocratique, mais d’une efficacité politique moindre dans un pays sous-développé et pauvre comme le nôtre, doit finir de nous convaincre de la nécessité de l’ajustement démocratique des résultats électoraux dans le cadre d’un système à deux tours.

Il faut saisir la célébration de l’anniversaire des évènements du 23 juin 2011 comme une opportunité pour poser de manière politiquement juste un débat profond sur les dispositions de ce projet de loi potentiellement riche en qualité démocratique, mais prématurément enterré dans un contexte qui l’explique mais qui ne le justifie pas.

Dr Abdoulaye TAYE

Enseignant-Chercheur à l’Université Alioune DIOP de Bambey

Tél : 77 413 14 49


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