Le Blogs de : Cheikh Bamba DIOUM

Chers lecteurs, cette lettre que nous adressons au Président Macky Sall et au peuple sénégalais, a été publiée pour la première fois le 28 mars 2000 par le journal Sud Quotidien. Elle  s’adressait au Président Abdoulaye Wade fraîchement élu. Nous l’avons reprise dans son intégralité pour interpeler le nouveau locataire du palais de la république. Le lecteur se rendra compte des attentes réalisées entre-temps  et des contre-performances que le nouveau gouvernement devra prendre en charge.

« Monsieur le Président élu,

Le 4 avril 2012, la République du Sénégal aura cinquante deux ans révolus. Vous conviendrez avec moi que c’est l’âge idéal pour évaluer son parcours à travers ses erreurs inévitables de jeunesse et les acquis obtenus de haute lutte, afin de construire un avenir prospère et solide.

La nation est enfin parvenue à changer de président de la façon la plus démocratique. Après ce fait inédit, il reste au peuple un autre exploit: le changement de comportement. Tous les Sénégalais doivent s’atteler désormais à ce nouveau défi. Le Président  Macky Sall et son équipe, que Dieu dans sa miséricorde facilite leur tâche, ne doivent pas être les seuls à construire cet édifice. Chacun d’entre-nous devra apporter sa pierre à travers un changement radical et positif de ses moindres actes pour l’intérêt de tous. Nous devons nous départir de toutes ces souillures contractées tout au long de ce parcours parsemé d’embûches qui ont fini par nous donner une apparence autre que la nôtre. Ce sera l’occasion pour beaucoup de nos compatriotes soupçonnés d’avoir trempé dans la corruption honteuse, d’abandonner cette pratique indigne.  J’indexe à la fois les corrompus et les corrupteurs. Ce mal bien installé dans nos mœurs, s’est largement généralisé au point d’être exécuté au vu et au su de tout le monde. Nos frères  de la police chargés la circulation sont à ce titre très souvent cités, à tort ou à raison.

La discipline doit être restaurée et magnifiée pour le respect et la sauvegarde des biens et services publics. L’anarchie imposée par les chauffeurs des transports en commun et les conducteurs particuliers, peu soucieux de leur prochain et des règles minimales du code de la route, ajoutée à l’inconscience des piétons qui déambulent nonchalamment à la place des véhicules, illustrent parfaitement notre éloignement de ce qui fut le crédo de nos illustres parents : « Yar ak tegginn ». La jeunesse, héroïne de cette victoire, doit se rendre compte qu’il est plus efficace d’utiliser sa carte d’électeur pour manifester son mécontentement que de casser tout ce qui s’apparente à l’Etat. La Sotrac (aujourd’hui Dakar Dem Dikk) est là pour nous rappeler que si une mauvaise gestion peut mettre à genoux une société, le saccage des bus peut l’anéantir pour de bon.

Les infirmières, les infirmiers, les sages-femmes et les médecins, garants de la santé des citoyens, sont appelés à être plus compréhensifs à l’égard de leurs patients qu’aucun autre facteur ne peut soulager en dehors de leur savoir et de leur cœur.   

Il revient au nouveau gouvernement de mettre en place les conditions nécessaires à la réalisation de ces objectifs :

-Examiner les conditions de travail des couches les plus exposées à la corruption,

- rendre le transport plus fluide par la construction d’échangeurs, de nouvelles routes et pourquoi pas assurer aussi une liaison Dakar, Rufisque et Mbour par chaloupe ? 

-redonner aux jeunes le goût des études et les sevrer de l’excès de loisirs

-exiger l’obtention du baccalauréat pour certains concours plafonnés jusqu’ ici au BFEM (brevet de fin d’études moyennes) tels que l’accès  à l’école Nationale de développement sanitaire et sociale (ENDSS). Cela aura l’avantage de décongestionner l’Université, d’atténuer les frustrations pour un étudiant de pêcher dans les mêmes eaux que ses jeunes frères du petit lycée, de sélectionner des jeunes arrivés à maturité et prêts à assumer des services de première nécessité.

-Trouver suffisamment d’emplois  aux jeunes qui ont terminé ou raté leurs  études, en conformité avec leur niveau.

-Réfléchir sur l’accès des femmes au mariage qui me paraît crucial par rapport à nos réalités plutôt que d’inverser les priorités en leur cherchant à tout prix des faveurs dans le marché du  travail.  Des millions de Sénégalaises sont aujourd’hui exposées au redoutable sort de rester célibataires à vie. N’oublions pas que chez nous, trouver un mari est vital pour une femme  et avoir un emploi est un plus pour elle, alors que pour l’homme, trouver un emploi est vital et avoir une épouse est un plus.

Nous proposons d’encourager le mariage des jeunes en introduisant une réduction considérable des impôts, à défaut d’une exonération totale. Le  statut de la seconde épouse doit être pris avec plus de considération par le législateur et rentrer dans les facteurs de réduction d’impôts pour les polygames.

-Revoir à la baisse  le coût exorbitant des frais médicaux. Nombreuses sont les familles qui regardent dans la plus grande désolation, l’un des leurs mourir à petit feu, faute d’une prise en charge correcte.

-Enfin, utiliser de façon audacieuse les nouvelles technologies de l information, et particulièrement

L’informatique, pour relever l’administration de sa léthargie nébuleuse, qu’aucun autre système ou génie ne peut remettre en ordre. Dans cette lancée, le palais de justice, la police par l’entremise du ministère de l’intérieur et les mairies doivent à terme  être connectés sur une base de données commune pour gagner en efficacité dans le traitement des dossiers. Ces trois entités constituent la première cause de ralentissement du fonctionnement de l’administration sénégalaise.

Le point le plus déterminant pour la réalisation de ces programmes, demeure la composition de l’équipe gouvernementale qui sera désignée par le Premier ministre.

Le tri pour le choix final ne sera pas aisé. Nous insistons sur quelques critères qui nous apparaissent indispensables pour guider ces nominations :

     -Un passé exempt de faute de gestion jugée grave,

      -

Une sincérité reconnue et une bonne moralité

      -Une compétence avérée dans le domaine,

      -Eviter de réserver un quota de postes dans le seul but de respecter le critère très à la mode mais si impertinent, de représentativité des femmes ou de la jeunesse. La notion d’homme, de femme ou de jeune doit être totalement ignorée. Seule la valeur de la personne doit être prise en compte.

       Après ce premier jalon, nous attendons de nos élus, l’application de la justice dans toutes ses formes en commençant par eux-mêmes, pour atteindre tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle. Le langage de la vérité reste le meilleur moyen pour maintenir et consolider la confiance que le peuple a placée en eux. Aux jeunes qui ont largement contribué à vous élire, dites leur et montrez leur pendant qu’il est temps, la profondeur des fractures subies par le pays et qui ne permettent pas de se refaire une santé de fer dans un avenir très proche. Dans le cas contraire, leur espoir ira au-delà des moyens dont vous avez hérité de vos prédécesseurs et que vous aurez la lourde tâche de gérer. Ce décalage est le plus souvent la source de vives tensions et de crises répétitives entre les jeunes et le pouvoir. Cette remarque est aussi valable vis-à-vis des syndicats.

Il  faut qu’ils sachent ce que vous faites et ce que l’Etat est capable de faire, afin d’orienter de façon réaliste et raisonnable leurs demandes.

      L’idéal pour rester en phase avec le peuple, est d’asseoir une presse indépendante et plurielle. C’est l’occasion de rendre hommage à la presse qui a été le capitaine du bateau de l’alternance. Si vous voulez rester à l’écoute des maux dont souffrent les femmes et les hommes qui vous ont porté à la tête de ce pays, renforcez les moyens de la liberté de presse et bannissez toutes formes de «griotisme» et de pratique du culte de la personnalité».

Monsieur le Président, s’il fallait ajouter à  ces attentes qui datent du début de l’alternance, une seule doléance je  vous  prierais de bien vouloir réserver une place de choix à la sécurité alimentaire et à la à la baisse considérable et immédiate  des prix des produits de première nécessité.

         Bon quinquennat

                                                           Cheikh Bamba Dioum

                                                           [email protected]