Le 1er round n’eût-il pas été ‘‘l’abstention’’ au référendum ?

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Le 1er round n’eût-il pas été ‘‘l’abstention’’ au référendum ?

Comme au IVème siècle, où l’empire romain était devenu une tétrarchie, c’est-à-dire un gouvernement à quatre, de nos jours – c’est un euphémisme ! – le Sénégal est gouverné, tout à la fois, par le président de la République et président de l’Alliance pour le République (APR), Macky Sall, le président de l’Assemblée Nationale et secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP), Moustapha Niasse, le secrétaire général du Parti socialiste (PS), Ousmane Tanor Dieng, et ce qui reste de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY). Mais la comparaison s’arrête là. Car, en ce temps-là, il y avait à la tête de l’empire deux souverains qui portaient chacun le titre de ‘‘Auguste’’ et deux souverains-adjoints qui disposaient indistinctement de celui de ‘‘César’’. Or, à la faveur de la réalpolitique de l’époque concernée, l’un des souverains, Constantin, se résolut à se débarrasser de son alter ego, Licinius. Il le tua. Et tant pis, si celui-ci fut son beau-frère, pour avoir épousé la demi-sœur de l’empereur Constantin.

C’est là, et par contraste, tout l’enjeu du système actuel de gouvernance au Sénégal, si l’on sait que, d’ores-et-déjà, Macky Sall a « tué » Moustapha Niasse et qu’il est en passe d’obtenir le même résultat et pour la même finalité avec Ousmane Tanor Dieng. Se résoudra-t-il pour autant à achever BBY ? Rien n’est moins sûr.

En face, nous avons une opposition, dite significative ou représentative, composée d’autant de chefs de parti que de candidats potentiels à la magistrature suprême du pays. C’est-à-dire des émules, particulièrement échaudés par le fameux « waax waaxeet » de Macky Sall, qui est à leurs yeux un affront à leur encontre de la part du chef de l’Etat. Un affront qu’ils ne veulent cependant aucunement souffrir, sous aucun prétexte. De sorte qu’ils vont en oublier le principe directeur qu’est, tout au moins pour tout leader politique qui se respecte : la réflexion froide, en toutes circonstances, et notamment dans la nécessaire dynamique de prospective politique.

En l’occurrence, faire face au piège évident du référendum du 20 mars 2016, programmé à dessein à échéance extrêmement brève, le 1er round pour ladite opposition n’eût-il pas été le boycott pur et simple de ce référendum-alibi, au lieu d’un appel à voter ‘‘non’’ ? C’était en tout cas notre option, doublée d’une conviction, la nôtre, en vertu de laquelle aucun jeu, fût-il politicien, ne saurait prévaloir, si en même temps la règle du jeu est faussée, et à dessein. Pour nous, en effet, ce référendum n’était rien moins qu’une enquête d’opinion, certainement la plus chère au monde.

Quid alors d’un 2ème round, consécutif à un tel 1er round, selon que le « oui » ou le « non » ou encore l’« abstention » l’aurait emporté ? Nous y sommes, en tout état de cause, puisque l’opposition dite significative ou représentative s’échine en ce moment même à trouver la « bonne » attitude face au pouvoir, depuis la victoire annoncée du ‘‘oui’’ au référendum. C’est que, plus que jamais, la double question suivante se pose : Que penser ? Et que faire ?

Naturellement, cette double interrogation aurait dû être vidée, au plus tard à la date où le camp du ‘‘non’’ appelait justement à voter ‘‘non’’ lors du référendum du 20 mars 2016. Or, il n’en fut manifestement strictement rien. Pis, cette tare, synonyme de silence troublant aux yeux de certains, sera interprétée publiquement par Ousmane Ngom – que l’on ne présente plus, tant il est vrai qu’il hante le sommeil de tous les Sénégalais – comme une stratégie obscure de l’opposition, invisible et inaudible pour le commun des mortels excepté lui-même, tendant à pactiser avec le « diable » pour déstabiliser le pays et, à terme, renverser le pouvoir. Et comme au Sénégal tout le monde est gravement atteint du « complexe de coup d’Etat », nous pouvons être sûrs que les leaders de l’opposition « significative » ou « représentative » et avec eux ceux de la société civile agissante en auront pour leurs « grades ».

Il est certes aisé d’appeler le procureur de la République compétent à s’autosaisir pour une information judiciaire sur les propos extrêmement graves d’Ousmane Ngom, prêtant notamment aux leaders du « front du NON » l’intention ou la volonté d’attenter à la sûreté de l’Etat au lendemain du référendum du 20 mars 2016, avec éventuellement le concours de djihadistes. Mais, justement, qu’attendent les mis en cause pour porter plainte contre Ousmane Ngom pour diffamation, calomnie, mensonge et autre déclaration sulfureuse, si tant est que ses accusations fussent gratuites et sans fondement ?

En fait, ces derniers sont tous partis pour s’épier mutuellement et durablement, d’une part, et, de l’autre, pour se calfeutrer, tout tétanisés, dans une attitude ou un comportement prétendument républicains, à la faveur précisément du dévastateur « complexe de coup d’Etat ». Et, parce qu’ils n’auront pas eu le temps de se remettre de ce « mal sénégalais », si opportunément ravivé, les leaders desdites opposition et société civile ne seront guère prêts pour les prochaines échéances électorales : les législatives prévues en 2017 et la présidentielle en 2019. Ousmane Ngom, qui aura été certainement et copieusement récompensé entre-temps, pour services « républicains » rendus, aura alors gagné son pari, au grand dam de la démocratie sénégalaise.

Ceux qui envisageraient les choses autrement n’auraient donc plus qu’à se résigner à subir la politique du président Macky Sall et de sa majorité à l’Assemblée Nationale. C’est-à-dire, qu’ils le veuillent ou non, selon l’assertion même du chef de l’Etat.

Dakar, le 28 mars 2016.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Mouvement pour le Fédéralisme

et la Démocratie Constitutionnels (MFDC-fédéraliste)


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