Non, ce serment-là n’en est pas un fondamentalement ! Une réflexion sur le « serment » fondateur du maquis casamançais

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Non, ce serment-là n’en est pas un fondamentalement ! Une réflexion sur le « serment » fondateur du maquis casamançais

Un serment est une promesse, mieux une affirmation, que l’on fait, ou que l’on prononce, en prenant à témoin Dieu, le peuple ou simplement une assistance, et qui se fonde nécessairement sur une réalité objective et authentique. A telle enseigne que la validité d’un serment repose sur sa vérité. En fait, la validité et la vérité d’un serment font ‘‘un’’, qui lui procurent en l’occurrence son caractère sacré. Ainsi en est-il, à titre illustratif, du serment que le président de la République est tenu de faire à l’entame de son magistère, en vertu précisément de la vérité constitutionnelle.

A la lumière de ce qui précède, il faut donc concevoir que nul ne saurait se prévaloir d’un serment fondé sur un non-sens, ni, à plus forte raison, sur une contre-vérité ou un mensonge. Qui plus est, nul ne peut faire un serment ex nihilo, à partir de rien.

Or, cela fait plus de trois décennies que l’Etat sénégalais et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) se livrent une guerre sans merci, pour la défense et la sauvegarde de l’intégrité du territoire national selon le premier et, pour le second, la libération et l’indépendance de la Casamance. Plus de trente-deux ans se sont écoulés et les deux parties en conflit s’échinent de nos jours à rechercher des mécanismes propices à une « paix des braves, ni vainqueurs ni vaincus ». Du moins si l’on en croit les déclarations concordantes des autorités sénégalaises et du MFDC toutes factions confondues.

Cependant, curieusement, cette paix tant désirée tarde à se matérialiser, tandis que le coupable est tout désigné : « Le serment », diola pour les plus imprudents ou les plus vicieux, casamançais pour les autres, que d’aucuns auraient fait jadis, au nom du Peuple casamançais, quand ils fondèrent ou, plus exactement, quand ils donnèrent leur bénédiction pour la création de ce qui est devenu depuis le « maquis casamançais ».

A la base de ce « serment », dit-on, il y aurait un « contrat de communauté » entre le Sénégal et la Casamance, qui arriverait à échéance en 1980, au terme d’une durée « contractuelle » de vingt ans. Et, selon les tenants de cette thèse, la Casamance aurait le droit de ne pas renouveler son engagement « contractuel », en dépit du veto sénégalais. Or, Dieu sait – les ancêtres casamançais et sénégalais le savaient aussi, tout comme de nos jours nos contemporains – qu’un tel « contrat de communauté » n’a jamais existé.

Il se trouve toutefois des individus, souvent malintentionnés, quelque fois bienpensants, pour affirmer que le retour de la paix durable en Casamance est une vue d’esprit et qu’il le restera aussi longtemps que la Casamance ne daignera se délier de ce « serment ». Les plus intrépides vont même jusqu’à suggérer que la Casamance serait frappée de cette fatalité, ou de cette malédiction, qui voudrait que la paix que tout le monde appelle de ses vœux ne puisse jamais y prévaloir, au motif que les auteurs et autres initiateurs du « serment » seraient tous ou presque tous morts. Même des religieux éminents ou émérites sont en l’occurrence littéralement liquéfiés, aux dépens des fondements de leurs mystiques respectives, laissant ainsi la place nette aux conjectures les plus viles et les plus obscures. De sorte que ledit « serment » a fini de se muer sous la forme d’un rouleau compresseur que certains esprits ne cessent d’agiter ou de manier, avec dextérité et efficacité, notamment pour maintenir, le plus durablement possible, les combattants du MFDC dans un sentiment de culpabilité quant à la réalité d’une Casamance non encore indépendante plus de trois décennies après le déclenchement de la lutte de libération en décembre 1982.

Et comme pour authentifier ce « serment » diola ou casamançais, pour le rendre plus que jamais actuel, l’on va convoquer un autre « serment », celui de l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, qui voudrait que celui-ci fût né indépendantiste pour devoir alors mourir indépendantiste casamançais. « Je suis né indépendantiste et je mourrai indépendantiste », aimait à déclarer le leader charismatique du MFDC. Seul Dieu peut attester si, oui ou non, l’abbé Diamacoune était resté indépendantiste quand, le 14 janvier 2007, il partit à sa rencontre pour ne plus jamais revenir. En revanche, nous savons tous qu’aucun gène chez les humains ne prédispose à l’indépendantisme (en l’espèce casamançais) ; et que l’indépendantisme n’est pas un phénomène inné, ni héréditaire, c’est-à-dire que nul ne peut naître indépendantiste quoiqu’il puisse le devenir ; et que, par conséquent, l’abbé Diamacoune n’a pas pu naître indépendantiste. Pas plus d’ailleurs qu’aucun autre Casamançais, ni avant ni après lui.

Le « serment » attribué à l’abbé Diamacoune n’en est donc pas un fondamentalement, comme du reste celui prêté aux précurseurs de la lutte pour l’indépendance de la Casamance. A la vérité, les deux « serments » ont bon dos et ne sont rien moins que l’expression la plus pathétique et la plus éloquente de ce que nous concevons comme une démission politique, individuelle et collective, dans la douloureuse gestion du conflit en Casamance.

Alors, qu’est-ce qui fait, véritablement, que la paix durable n’est pas encore au rendez-vous en Casamance ?

Le « problème casamançais » ou, si l’on préfère, le « problème sénégalais en Casamance », faut-il le rappeler, ce sont deux protagonistes : l’Etat avec l’armée nationale, d’une part, et, de l’autre, le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance avec ATIKA sa branche armée. Ni plus ni moins. Et tant pis pour les adeptes invétéré(e)s et autres gourous de « l’inclusionnisme » ou de « l’occlusionnisme ».

Le « problème sénégalais en Casamance », faut-il encore s’en souvenir, n’est pas, non plus, un problème culturel, encore moins cultuel. De même qu’il ne saurait être comme un arbre mythique dont les racines s’enfonceraient dans les profondeurs abyssales de la terre casamançaise, pour devoir alors s’épanouir à la faveur d’on ne sait quelle forme de mysticisme casamançais. Non ! Le « problème sénégalais en Casamance » est un problème éminemment politique et institutionnel.

Politique, parce que la revendication de l’indépendance de la Casamance est fondamentalement un acte politique. Et institutionnel, parce que, y apporter une réponse en guise de solution de sortie de crise, doit nécessairement participer d’un processus de profonde refondation de l’Etat et de la République. Ça n’est d’ailleurs pas un hasard si de nos jours l’on évoque à souhait la nécessité de réforme institutionnelle au Sénégal.

Encore qu’il faille, avant tout, faire preuve de volonté politique, ce qui équivaudrait alors à disposer véritablement d’une volonté politique en tant que vision politique. En fait, ce serait, ni plus ni moins, faire de la politique, au sens noble du terme.

En l’occurrence, une vision politique pour la Casamance ne doit pas consister à voiler ou à dissimuler, avec des vêtements huppés et sous couvert de quelque politique de développement local, le corps malade et squelettique qu’est la Casamance, mais à redonner d’abord son vrai nom à sa maladie ; à l’assumer ensuite, individuellement et collectivement, sans en avoir honte, ni s’en excuser ; et à lui prodiguer enfin les soins nécessaires. En l’espèce, pour qu’elle redevienne elle-même, la Casamance a besoin que l’Etat et le MFDC, après plus de trois décennies de guerre, s’assoient autour d’une table, pour se dire, les yeux dans les yeux, puis déclarer solennellement : ‘‘non’’ à l’indépendance de la Casamance, mais également ‘‘non’’ au statu quo ; et que les deux parties conviennent qu’une Casamance aussi autonome que possible (juridiquement, techniquement et financièrement), à l’égal des cinq autres régions naturelles du pays, dans le contexte d’un Sénégal nouveau et d’une nouvelle République, est la solution idoine au « problème sénégalais en Casamance ».

Méconnaître cela, ou le nier, serait certainement prendre le risque inconsidéré de rendre pérenne en tant que telle la pétaudière casamançaise, avec tout ce que cela comporte en termes de convulsions tout aussi pérennes et aux conséquences insoupçonnées.

Dakar, le 27 mai 2015.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Mouvement pour le Fédéralisme

et la Démocratie Constitutionnels (MFDC-fédéraliste)


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