Le Blogs de : alassane kitane

Après avoir été porté à la tête de la magistrature suprême par la majorité des citoyens sénégalais, le Président Sall promit à son peuple de s'atteler à corriger la grande erreur de son prédécesseur, de surcroit son père en politique, le président Abdoulaye Wade. Son excellence avait compris que si les Sénégalais avaient réellement tourné le dos à Wade, ce n'est point pour faute de bilan matériel. Si Wade est appelé, par certains, le grand bâtisseur, ce n'est simplement pas pour le plaisir de lui tresser des lauriers. Son règne constitue un tournant décisif dans notre histoire politique. Sur le plan des infrastructures, il a fait d'énormes réalisations : routes, écoles, hôpitaux, ponts etc. Il a décentralisé l'école et démocratiser le savoir. Cela est son mérite. Mais, les deux grands MAUX de Maître Wade, à nos yeux, c’est de n'avoir pas pu contrôler ses proches-compagnons qui s'adonnaient à une véritable bombance, avec l'argent du contribuable, au moment où la majorité du peuple sombrait dans l'extrême pauvreté et sa tentative de patrimonialisation du pouvoir. Pour ce dernier désir du prince Wade, les délices du pouvoir l’avait conduit à oublier l'article premier de notre constitution : << La république du Sénégal est laïque, démocratique et sociale >>. Elle n'est pas une monarchie. Elle n'est le patrimoine ni la propriété exclusive de personne. On doit exercer le pouvoir pour une durée déterminée. On ne saurait s'y éterniser. Voilà pourquoi sa troisième candidature n'était pas acceptée par le peuple.

Avec Wade, la mal gouvernance semblait atteindre le summum.

Voilà pourquoi le Président Sall nous rappelait qu'une grande importance de son magistère sera centrée sur la bonne gouvernance. Il était à la quête d'un bilan immatériel pour ne pas dire que sa véritable mission consistait à intégrer ou réintégrer l'éthique en politique. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la plupart de ses déclarations : << Je réduirai mon mandat de sept à cinq ans >> ; << je ne protégerai personne, je dis bien personne>> ; << gestion sobre et vertueuse >> ; << la patrie avant le parti >> ; << le Sénégal de tous et pour tous >> ; << je vais réduire le train de vie de l'État>>.

Mais le Président Sall avait oublié ou, par opportunisme politique, il faisait semblant d'oublier qu'il est né dans un système où la plupart des hommes considèrent la politique comme un restaurant très huppé. Quand ils s'y rendent, ils prennent comme entrée le reniement et le mensonge, leur plat de résistance préféré est le détournement et la corruption, le dessert semble être la manipulation et leur appareil digestif est le "sans-soucis-de-la-misère-du-peuple". Né et grandi dans ce milieu, pouvait-il, un bon jour, abandonner son lieu de fréquentation qui l'a fait ce qu'il est ?

Seulement, après onze années de règne, en posant un regard synoptique sur sa gestion, le constat est alarmant et sidérant. Un grand fossé entre ses dires et ses faires. Ses déclarations ne sont que de la rhétorique ; de belles-formules-creuses qui plaisent à l'oreille de tout citoyen épris de justice, d'équité, de droiture. En tant qu'homme politique, son charisme résidait dans sa capacité à faire rêver son peuple. Il nous proposait un monde idéal, un monde qui correspondait à nos aspirations. De par cette force, en un temps record, jamais dans l'histoire politique de notre pays, il conquit le cœur de beaucoup de nos concitoyens et arriva au pouvoir.

Mais, ne pouvant digérer ou vomir que ce qu'on a avalé, l'homme a très vite laissé sa vraie nature se dérouler. Nitt meunoul naamp meew di galë ngalax. L'histoire retiendra que même ses souteneurs reconnaissent que son "bon bilan matériel" est teinté de bilan immatériel catastrophique : justice à géométrie variable, dossiers sous le coude du prince, surfacturation, corruption, détournement de deniers publics, démocratie à la loupe et que sais-je encore.

Si, sur les plateaux de télévision ses défenseurs sont souvent laminés par leurs adversaires ce n'est pas que ces derniers sont plus éloquents ou pointus qu'eux mais, c'est à cause de ses moult dérives, l'homme est devenu quasi-indéfendable.

Quand on fait des promesses, les répétant à-tue-tête à l'échelle nationale et internationale au point que certains vous voient comme le modèle ou le donneur de leçons à ces autres Présidents qui veulent s'éterniser au pouvoir et qu'on finit par revenir sur ses promesses ; quand on déclare, urbi et orbi, que durant son magistère, aucun journaliste ne sera emprisonné pour délit d'opinion et que finalement beaucoup sont poursuivis en justice au point que certains n'osent plus commenter certaines actualités ; quand on fait la chasse aux sorcières à ses opposants ou contradicteurs ; quand on sélectionne, à chaque élection, ses adversaires ; quand, juste arrivé au pouvoir, on contraint à  l'exile son potentiel challenger ; quand on revêtit le manteau d'immunité à tous ses proches-collaborateurs ; quand les intellectuels n'osent plus ou hésitent à écrire ou à dire ce qu'ils pensent sincèrement par peur d'être pris aux mots, on peut parcourir le monde entier mais, même le plus grand magicien du verbe sera avare d'arguments pour vous défendre. 

Il est grand temps que le prince revienne à la raison et de ne point écouter ces pseudo-journalistes et souteneurs qui le qualifient de "GENIE POLITIQUE" non pas pour dénicher son ingéniosité et sa perspicacité à inventer des solutions miraculeuses pour sortir le pays de l'abîme insondable vers le développement mais à exhumer ses aptitudes à réduire l’opposition, la société civile et la presse, censées jouer le rôle de contre-pouvoir, à leur plus simple expression. Quelle insulte ! L'article 80 devrait s'appliquer à ces gens-là. Mais, cet article ne devrait-il pas d'abord s'appliquer au président lui-même ? Insulte faite à la République, à la démocratie n'est plus ignoble que celle qui consiste à dire << Je réduirais l'opposition à sa plus simple expression >>. En réalité, cette déclaration du Président de la République signifie exactement <<Je vais anéantir la démocratie sénégalaise>>. Et, aujourd'hui, tous les signaux montrent qu'il est en train de réussir son pari. Car, il est perceptible qu'on n'est plus dans une dictature qui rampe. Mais celle-ci est debout, elle a développé des ailes et s'apprête à s'envoler. 

Le futur de ce pays ne le préoccupe guère, le lendemain de notre République le laisse indifférent. Sinon, quel niveau de développement atteindrions-nous si toute l'énergie déployée pour peaufiner des stratégies de liquidation d'adversaires ou de conservation du pouvoir était consacrée à la réflexion sur la santé, l'éducation, la décentralisation, la bonne gouvernance …. ?

Nous sommes désolés mais le Président n'est pas un "génie politique" mais un "politi-tacticien".

Et pour rappel, Monsieur, Son Excellence, le Président de la République, une minute avant vaut mieux qu'une heure après. Cette troisième candidature sera celle de trop.

En hommage à mon frère Abdoulaye Thomas Faye professeur d'économie au lycée technique AHMADOU BAMBA de Diourbel : Un combattant de la liberté, de la justice, symbole de l'engagement désintéressé ; une vie entièrement consacrée aux autres, rien pour soi, tout pour autrui. Free brother !!!! 

Coumba Ndoffène Faye, Professeur de Philosophie au Lycée de Wack Ngouna.