Chroniques de Ndoumbélane VIII : la ronde des charognards

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Chroniques de Ndoumbélane VIII : la ronde des charognards

 

  « Quand la liberté de parole est confisquée dans un régime de la terreur, la satire devient une arme »

 

Amadou Kourouma a dit « Quand on ne veut pas être touché par les queues des singes, on s'éloigne de leurs bandes ». Mais que se passe-t-il quand la queue du singe devient une sorte peau-de-chagrin ou une eau bénite pour un troupeau d’humains ?

 

Ces charognards qui rôdent dans le ciel de Ndoumbélane continuent de m’intriguer. Ils ont dévoré les carcasses du senghorisme, celles du dioufisme, et celles du wadisme. Jamais rassasiés et invinciblement incapables de tuer la moindre proie, ils sont obligés d’exécuter cette chorégraphie macabre au-dessus de nos têtes. Ils ne sont donc pas des transhumants ! Ah bon ? Ils sont alors des maraudeurs ou des clandestins de la politique. Ils n’ont jamais gagné de combat, mais ils sont conviés à la fête de toutes les victoire, y compris celles de leurs ennemis sur eux !

 

Des charognards aux radars très performants et à la moralité de « bouki », l’hyène, se bousculent dans ce ciel de Ndoumbélane devenu si sombre. Ils savent à quel point le roi-singe peut être candide : le simple fait de se voir auréolés de vautours suffit à son bonheur. Le drame de la démocratie de Ndoumbélane est que le populisme y rend aveugle et les masses et les élites. Dans une démocratie, on élit souvent des ennemis de la démocratie, car c’est le seul régime où la popularité prime sur le mérite intrinsèque. Un concours de circonstances exceptionnelles a mis le roi-singe sur le trône de Ndoumbélane et tout son règne, toute son énergie, toute sa ruse sont investis, non dans la satisfaction des besoins des populations de Ndoumbélane, mais dans une entreprise d’autolégitimation permanente.

 

Mais la faiblesse du roi-singe se trouve dans sa queue et ses cornes postérieures très incommodantes. Il lui faut toujours tailler cette malédiction du trône usurpé, or à force de tailler il finira par se faire violence lui-même. Il est devenu tellement ordinaire qu’il a même inspiré les vers de terre, les chauve-souris et les chevaux fous, d’où la course effrénée vers le trône (fu picce réyé gayndé mélénetane amna yakkar[1]). Les gens de Ndoumbélane sont pleins d’humour : pour lui reprocher la dégénérescence dans laquelle il a poussé la fonction de roi, ils ont engagé des bêtes handicapées ainsi que adeptes de bouffonneries animales dans la course au trône. Il a tellement abaissé cette fonction dans les profondeurs de l’avilissement que n’importe quel bouffon se voit promis un destin de roi. Ah quel dommage, Ndoumbélane est devenu un cirque à ciel ouvert !

 

Un « Téfanké » (négociant) politique : voilà le statut actuel du roi-singe. Avec lui la loi a cessé d’être une règle de portée générale et impersonnelles pour devenir une règle ad hominem, intuitu personae : des lois qui visent la qualités des personnes en bisbille avec le roi-singe ! Au rythme où vont les choses, on risque de se retrouver avec autant de lois qu’il y a de politiciens à Ndoumbélane. La raison est vraiment en congé dans cette contrée que monde. Mais la riposte de la raison est une forme de ruse : il fallait que le peuple de Ndoumbélane vive le traumatisme d’un roi à la fois médiocre, peureux et sans foi pour davantage connaître la valeur de la démocratie et discerner les vrais élites des imposteurs. A quelque chose malheurs est bon dit fort justement l’adage.

 

Et contrairement à ce qu’il cherche à prouver, le roi-singe est vraiment désemparé, il est tellement désespéré qu’il s’est tout bonnement transformé en mendiant de voix électorales. Devinez sa dernière trouvaille : après avoir envoyé son sbire payer des moutons (peut-être qu’il s’agit de porcs peints aux couleurs de l’agneau ?) de Tabaski aux imams d’une circonscription de Ndoumbélane, il est en train de squatter les lieux de culte. De ces lieux de culte et de prêche, il veut faire des lieux de pêche aux voix électorales. Il a instruit (comme ils ont l’habitude de dire) des ecclésiastiques de la corruption politico-religieuse pour porter la fausse bonne nouvelle. Le roi-singe aurait décaissé une rondelette somme d’argent destinée à venir en aide aux populations démunies !

 

La religion à Ndoumbélane a cessé d’être un culte dédié exclusivement à Dieu, elle devenue un culte à l’honneur de son excellence le roi-singe. Qui pouvait imaginer une telle décadence à Ndoumbélane ? Magistrats couchés, société civile comateuse, religieux anesthésiés, imams couchés sur le Minbar pour exaucer les vœux du roi-singe. QUELLE MALÉDICTION ! Comment un roi peut-il dormir 365 jours, rester insensible aux complaintes de sa population et se réveiller subitement à quelques mois des joutes électorales de Ndoumbélane pour faire preuve d’une si grande générosité ? Comment un roi qui dit qu’il ne peut pas payer leur dû aux dignes travailleurs de Ndoumbélane peut-il trouver des ressources pour financer brusquement des oisifs et autres apostats politiques ?

 

Il y a une légende de Ndoumbélane selon laquelle, certains lézards « ounk » (symboles de la roublardise et de la malfaisance sournoise) dans la pénombre noire de la nuit, rôdent sur les plafonds des maisons, pissent sur les mets et les rendent ainsi toxiques. Le rois-singe doit certainement en avoir un allié : tout ce qu’il touche devient maudit, laid, infâme et ce, malgré son industrie de béatification. Rappelez-vous qu’au lendemain de son accession au trône, il a embarqué des imams dans son entreprise de diabolisation et de persécution de ses adversaires. Il leur a fait faire des sermons purement politiques et vindicatifs sur le thème de la reddition des comptes. C’est comme cela que les pires dictatures ont pris forme et force. Un imam qui n’est pas informé des enjeux du monde profane est pire qu’une marionnette. Informez-vous de ce qui se passe à Ndoumbélane et dans le monde avant de prêcher !

 

Ah oui les amis, c’est moi qui vous le dis : la religion n’est pas l’opium du peuple à Ndoumbélane, elle en est tout bonnement le bourreau. Tous ces jeunes embarqués dans les cercueils flottants et qui meurent comme de vulgaires poissons sur les plages, là-bas, à l’horizon transcendantal  de Ndoumbélane, c’est Dieu ! Toutes ces victimes de la furie des flammes dans les grandes foires de Ndoumbélane, c’est LUI ! Toutes ces morts (sur les routes) que dénombre continuellement la presse de Ndoumbélane, c’est encore LUI. La rareté de la pluie et le calvaire des populations, c’est toujours Dieu. Qu’il est donc tyrannique et cruel le Dieu de Ndoumbélane !

(A suivre)

 

PS. La terreur du 21e siècle ne s’exerce pas dans une monarchie absolue, elle squatte les failles de la démocratie et les formes extérieures de la loi. C’est dire que Montesquieu avait tout compris : « Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. ».

 

NIKITA

 

[1] Les fourmis ont leur chance dans une guerre où un oiseau a réussi à venir à bout d’un lion.


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