Macky Sall, la fin du dialogue politique au Sénégal.

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Macky Sall, la fin du dialogue politique au Sénégal.

 

 

Parlant des actions menées dans le sous-secteur de l’élevage, le Président Macky Sall, dans un élan d’auto célébration méconnaissant toute humilité, a déclaré avoir fait plus que tous ses prédécesseurs.

  Dans le domaine de la démocratie, canal par lequel son accession à la magistrature suprême est devenue effective, il sera impossible au Président de se décerner la moindre gloriole.

Les deux alternances pacifiques intervenues au Sénégal résultent de la succession d’acquis démocratiques obtenus de luttes opiniâtres conduisant parfois au sacrifice ultime. De nombreux exemples ont jalonné l’évolution de la démocratie dans notre pays mais le dialogue et la concertation permirent l’identification des principaux goulots d’étranglement et aux protagonistes de s’accorder sur les solutions.

 

Le vote de la loi 26-91 du 20/O9/1991 portant sur l’élection du président de la République et sur celle des députés consacre l’issue d’un processus sérieux attestant la volonté politique d’agir dans le sens de l’approfondissement de la démocratie. Les acteurs politiques (majorité et opposition) sous la direction de spécialistes du droit, de personnalités à la probité morale et intellectuelle incontestable, travaillèrent dans la commission nationale de réforme du code électoral. 

De trente points d’accord retenus et publiés dans un communiqué en présence de quatorze partis politiques sur dix-sept, la commission cellulaire composée de juristes en arriva  dans sa rédaction finale à trente-six . Trois mois après, le rapport remis au Président de la République deviendra plus tard le code électoral consensuel.    

Les dysfonctionnements constatés à l’occasion des élections municipales et régionales de novembre 1996, amenèrent l’opposition, regroupée dans un collectif de dix-neuf partis, à revendiquer avec force l’instauration d’une commission électorale nationale indépendante. Le vent du multipartisme insufflé par le discours de la Baule balaya nombre de pays francophones, une structure neutre était un gage à la tenue d’élections réellement démocratiques.

 

La majorité de l’époque rejeta vigoureusement cette revendication en s’appuyant sur l’échec récente de la CENI du Mali.    

Devant ce blocage, le collectif des partis de l’opposition prit la décision de saisir le Président de la République, garant de la paix intérieure, pour un arbitrage. Cet arbitrage intervint après que le Chef de l’État eut reçu tour à tour les tenants de chacune des deux positions.

Une période de réflexion s’est écoulée, le Président annonce la création de l’Observatoire national des élections (ONEL), avec d’importantes mesures qui rassurèrent au point que le vote de la loi afférente emporta une quasi-unanimité.

Les progrès engrangés par le code électoral de 1991 et par l’adoption du projet de loi sur l’ONEL en Août 1997 sont à la hauteur du consensus qui constitue la base de leur élaboration. Leur impact sur le scrutin, en amont comme an aval, est d’une évidence qui se passe de commentaire. 

Cette avancée démocratique est fille d’un dialogue constructif dont les termes de référence sont définis par les parties prenantes.

La participation agissante de l’opposition aux différentes étapes permettant d’aboutir à des résultats si significatifs, montre bien que la culture démocratique n’est l’apanage d’aucun bord. La consolidation de la démocratie est une question capable de produire de très larges convergences.

 

Avec Macky Sall, le simulacre et le bâclage ont pris le dessus, à rebours des procédés inclusifs, marquant les rapports entre la majorité et l’opposition, pour en arriver à des décisions qui ont renforcé la démocratie, notamment le processus électoral et son contrôle. Ses appels au dialogue cachent une stratégie en trompe l’œil pour exécuter une décision antérieurement bien conçue.

Avec Macky Sall, le passage à la hussarde, en se servant de sa majorité électronique à l’assemblée nationale, a supplanté une praxis qui a conduit plus d’une fois à des réformes qu’un certain universitaire qualifierait de « consolidantes ».

La décentralisation est d’une importance majeure car elle implique davantage les populations à la chose publique, elle accroit leur responsabilité dans la mesure où elle transfert des compétences et leur gestion est confiée aux représentants choisis directement par ces mêmes populations.

Les principales lois des différentes étapes de la décentralisation ont toujours donné lieu à des débats véritables. C’est ainsi des lois 96-06 et 96-07 du 22 Mars 1996 portant respectivement Code des Collectivités locales et transfert des compétences aux régions, communes et communautés rurales. Le débat parlementaire s’est étendu sur plusieurs mois, des commissions techniques à la plénière, et des centaines d’amendements sont venus enrichir le projet initial. Aucun parallèle avec le vote de l’acte III intervenu par le truchement de la procédure d’urgence pour simplement éviter de mettre en exergue les arguments sur le bien-fondé des choix, sur la pertinence des options, toutes choses qu’un débat à la hauteur des enjeux aurait permis. Aujourd’hui, les errements de la loi 2013-10 du 19 décembre 2013 sont décriés sur tous les bancs et par tous les acteurs. Quel gâchis !

Du dialogue initié après le référendum, et dont on se souvient la séance marathon en mai 2016 à celui qui a précédé la loi sur le parrainage, il y’a une constante : pour Macky Sall, dialogue égale soliloquie. Les participants à ces rassemblements annoncés avec beaucoup de tintamarre écoutent, puis la décision prise se traduit par un projet de loi. Le reste est connu. Ses méthodes combinées au reniement de la parole donnée et à la mise au rancart de ses engagements et promesses, finissent par révéler le trait dominant chez Macky Sall.

 « Dans une négociation, la méthode compte autant que le but. »

L’histoire de la démocratie est faite d’avancées voulues par des acteurs possédant pourtant des moyens et instruments pour s’y opposer. Mais seuls les hommes pétris d’une once de culture démocratique en sont capables.

 

Moussa Diémé

Militant socialiste.


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