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« Quartier Vdn » : Ici, on vit encore au Moyen- Age

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« Quartier Vdn » : Ici, on vit encore au Moyen- Age

En face du quartier Mermoz se trouve un autre quartier aux antipodes des réalités de son voisin d’en face. Dans le quartier Vdn, il n’y a ni électricité, ni égout, et un seul point d’eau pour ravitailler des milliers de personnes y est noté. Ces populations ne vivent pas entre quatre murs, mais plutôt entre quatre tôles et des planches. Entre les ateliers de mécaniciens et de forgerons, des familles entières, livrées à elles-mêmes, vivent dans le dénuement total.

 

Il n’y a qu’une route goudronnée qui sépare le quartier Mermoz de l’ancienne piste de Ouakam. Une route, d’à peine quelques mètres, qui maintient deux quartiers à des années lumières. Autant Mermoz est un des fiefs de la classe moyenne sénégalaise, autant son voisin en est le lieu où habite l’une des couches les plus défavorisées de la capitale. Deux quartiers qui ne vivent pas les mêmes réalités. C’est le rêve de presque tout Sénégalais de vivre dans des zones huppées telles que Mermoz. Des lieux qui traduisent une certaine aisance sociale. Mermoz avec ses villas, ses balcons fleuris, ses habitants «branchés», ses boutiques de luxe, et autres avantages que peut offrir un quartier de ce niveau. En face de cet environnement de rêve, l’«ancienne piste», ou «quartier Vdn», au fait, vous pouvez l’appeler comme vous voulez, car ce lieu n’a pas de nom et n’a pas non plus de chef de quartier. Dans cette zone, c’est chacun pour soi et Dieu pour ceux qui se débrouillent. Cette zone forme un contraste saisissant par rapport aux villas du quartier d’en face.

 

Ni égout, ni éclairage

 

De la route qui sépare les deux zones, à première vue, tout passant croirait que cet espace n’est occupé que par des boutiques de pièces détachées, sur la devanture et par des ateliers de mécaniciens un peu plus au fond. Mais lorsqu’on s’aventure à l’intérieur, une autre réalité frappe. En fait, des habitats de fortune fabriqués exclusivement de tôles et de planches, sont érigés çà et là entre les ateliers de mécaniciens (dont la plupart ont été déguerpis du terrain Cerf-volant, sis derrière la Maison du Parti socialiste) de forgerons, et quelques boutiques de fortune. Ils sont collés les uns aux autres tels les alvéoles d’une ruche. Des sentiers sinueux, sales, imbibés d’huile de moteurs, et de déchets plastiques séparent quelques lots de maisons en s’enfonçant dans le quartier. Le bruit des moteurs de voitures et de celui du marteau des forgerons sont perceptibles en permanence. Des gamins sales, en guenilles et pied nus courent un peu partout. Pour se déplacer sur ces chemins, il faut marcher en rasant les tôles pour éviter les voitures qui font des allers et retours incessants dans ces sentiers comparables à ceux des villages les plus reculés. «Ici, il n’y a qu’un seul branchement de la Sénégalaise des eaux (Sde), mais, il n’y a ni égout, encore moins d’électricité», lance Mouhamadou Diallo, un habitant.

 

Par ailleurs, le quartier est habité pour la plupart par des ressortissants guinéens. Pour avoir de l’eau, informe Diallo, les gens se rabattent sur le seul point d’eau qui se trouve à l’entrée du quartier. Leurs besoins se font également hors du quartier. Mais, en plein air. Dans ces lieux, la plupart des hommes travaillent comme gardien pour les ateliers de mécaniciens qui sont aux alentours, mais également comme forgerons. Comme ce fut le cas de Mouhamadou Diallo, qui a aujourd’hui les yeux rouges et boursouflés. Mouhamadou est un ressortissant guinéen, dont l’apparence trahit son âge. De ses 35 ans, le sieur donne l’impression d’en avoir une quarantaine. De forte corpulence, le visage partiellement envahi par une barbe hirsute, le teint clair, quelques boutons parsèment sa peau luisante. Rencontré devant sa maison, nonchalamment accoudé à un poteau, le jeune homme se tenait un peu à l’écart de quelques femmes qui s’affairaient autour de la cuisine en plein air, et à quelques pas des rues. A notre approche, il nous gratifie d’un sourire laissant apparaître des dents rongées jusqu'à la gencive par une carie. Faute de moyens, il a été obligé de quitter Grand Yoff pour venir s’installer dans ce quartier qu’il appelle «quartier Vdn». Il y a de cela quatre ans. Il semble y avoir trouvé la terre promise : «Ici, je ne paie pas de loyer ni d’électricité», dit-il. Avant de poursuivre : «Tout ce que je gagne, c’est pour nourrir ma famille.» Une famille qui se compose d’une seule femme et de trois enfants qu’il loge dans une pièce unique en tôles. Même si, dernièrement les affaires ne marchent plus, le forgeron caresse un rêve qui lui est cher : «J’aimerais bien avoir une deuxième femme», dit-il de son sourire édenté.

 

Un rêve brisé

 

Son compatriote Mamadou Bâ est un gardien d’à peine trente ans. Cela fait cinq ans qu’il vit en ces lieux. Avant, le gardien nous confie qu’il vivait en Gambie et était marchand ambulant. Mais, pour «améliorer» sa situation, le jeune homme a suivi les conseils de ses amis et est venu s’installer à Dakar. Après avoir erré comme un sans domicile fixe pendant quelque temps, il a pu «être embauché comme gardien dans ces ateliers». «Alors, note Diallo, j’ai érigé un toit tout près car, je n’ai pas les moyens de payer une location». Malgré le fait qu’il ait trouvé un emploi, il continue toujours de tirer le diable par la queue. D’autant plus que, maintenant, Mamadou Bâ est marié et père de quatre enfants. Des enfants qui semblent être des jumeaux, tant ils ont l’air d’avoir le même âge. L'aîné a environ cinq ans.

 

Dans le petit couloir noirci et humide qui sert de cour à sa maison, une petite fille d’environ trois ans est assise sur un pot de chambre, elle lance «Nénééé» (maman, en langue peulh) en hélant sa mère qui s’occupe de sa petite sœur qui, apparemment, vient de naître. La jeune femme se trouve dans une pièce obscure. Aucune lumière ne filtre dans l’habitacle, à part celle qui provient de la porte. Une forte odeur de renfermé, mélangée à celle d’urine se dégage du logement. La maman sort enfin de la chambre, elle n’est guère plus âgée que ses enfants. Elle semble tout juste sortie de l’adolescence. Frêle, de petite taille, le teint clair, les cheveux enveloppés par un mouchoir de tête, son visage, pourtant marqué par une vie de dur labeur, garde quand même des reliefs d’une certaine beauté. La jeune maman confie son nouveau-né, enveloppé dans des morceaux de tissus qui ont connu des jours meilleurs, à son mari, avant d’aller s’occuper de sa fille assise sur le pot de chambre. A la mi-journée, Mamadou Bâ n’est pas encore parti travailler, donc il traîne à la maison. Sa femme, quant à elle, vend des arachides devant leur «maison». Par mois, le chef de famille confie gagner «20 mille francs» avec son boulot de gardien.

 

Au détour d’un sentier, apparaît une montagne de sacs de riz remplis de bouteilles en verre. Partout, ce sont des tas de bouteilles en verre destinées à la revente qui jonchent les allées. Le sol, mouillé par la pluie, est couvert de tessons. Marcher pieds nus est un véritable danger, car on risque de se blesser. Pourtant, la famille Diallo s’y est habituée. Elle vit sur les lieux depuis fort longtemps. Khadidiatou Diallo, la mère de famille, est assise à même le sol dans une petite pièce d’à peine quatre mètres carrés, dépourvue de fenêtre. Comme mobilier, il n’y a que deux petits lits installés de part et d’autre sur les deux extrémités de la pièce. Ils sont couverts de tissus rouges défraîchis qui servent aussi de draps. Les lits occupent presque toute la place. Dans un petit coin, des baluchons sont entassés, prenant tout l’espace. Ils ne laissent qu’un tout petit mètre carré de zone libre à l’entrée de la chambre.

 

Sous un des lits, dépasse un plateau rempli de bananes. «C’est ma marchandise. Je la vends dans les ateliers des mécaniciens», dit Khadidiatou. Un sac jaune, dont la couleur vire au marron en raison de la saleté, est posé sur le tas de baluchons. Il appartient à son fils de huit ans, Yoro Diallo. Ce dernier est élève en classe de CE1 dans une école à Ouakam. Toute fière, sa mère lance : «C’est un bon élève, il est quatrième de sa classe.» Un éloge qui fait sourire le petit garçon maigrichon jusqu’aux oreilles. Khadidiatou a environ la trentaine, même si elle affirme ne pas connaître son âge réel, le teint clair, ses traits n’accusent aucun ride. Toutefois, ses cheveux virent au poivre et sel. Elle vit ici avec son mari forgeron et leurs trois enfants, dont l’aînée Bineta a 12 ans. Maladive depuis son dernier accouchement, la jeune femme laisse la plupart du temps sa fille aînée s’occuper du commerce à sa place.

 

Bineta Diallo, mère de famille avant l’âge

 

Du haut de ses 12 ans, Bineta Diallo relaie sa mère constamment malade, dans les travaux ménagers, et le commerce, pour le bon fonctionnement de la famille. Une responsabilité que ses frêles épaules semblent supporter. Faisant le tour des ateliers de mécaniciens pour écouler de la banane, Bineta n’a guère le temps de faire autre chose. «Je sors rarement du quartier», confie-t-elle d’une voix fluette. Pour elle, Dakar ne se limite qu’aux bruits d’avions qui survolent son quartier. Mais il y a également le son des moteurs de voitures qui «bercent» Bineta. Des tôles qui l’entourent et des tas d’ordures à l’horizon de son quartier. La jeune fille lève à peine les yeux pour discuter. La tête toujours baissée, elle semble plus préoccupée par ses sandales que par les personnes qui l’entourent. Le sourire timide, Bineta cherche sa mère des yeux pour avoir son approbation à converser. Une timidité qui contraste d’avec son activité de vendeuse. Elle ne se souvient pas de la dernière fois qu’elle a humé l’air en dehors de son cadre de vie.  De petite taille, son visage grave laisse apparaître ses prémices de beauté. Une beauté future qui lui vaut quelques ennuis avec les garçons quant elle va vendre ses fruits. «Je dis toujours non quand on me propose de l’argent ou quand un garçon me demande de sortir avec lui», dit-elle. Sa mère bien consciente du danger qui guette sa fille malgré son jeune âge ne tarit pas de conseils : «Je lui dis toujours de ne pas répondre quand les garçons la provoquent.» Un conseil que la jeune vendeuse a du mal à suivre. En effet, derrière ses apparences de fille docile, Bineta est une vraie dure à cuire. Elle raconte : «S’ils (les hommes, Ndlr) tentent de toucher à mes seins, je les insulte, ou je m’en ouvre à ma mère.» Si Bineta a très tôt su se défendre, ce n’est pas le cas de beaucoup de ses amies «qui sont souvent victimes d’attouchements», dit-elle. Bineta ne perd pas espoir quant à la guérison complète de sa mère, qui sera pour elle synonyme d’envol. «J’aimerais aller travailler comme domestique pour rapporter un peu plus d’argent», souhaite-t-elle.

 

Menacés de déguerpissement

 

A l’instar de la famille Diallo, et de celle de Mouhamadou Bâ, la majeure partie des habitants de cette localité travaillent comme gardiens, forgerons, ou comme marchands d’eau, de fruits ou d’objets recyclés. Des activités qui apparemment ne leur permettent pas d’habiter dans des lieux décents. En fait, ce sont les ateliers de mécaniciens installés en ces lieux qui ont favorisé l’installation de ces habitants sur cet espace qui est géré par la mairie de Ouakam. En habitant l’ancienne piste, Mamadou Bâ et ses compatriotes sont sous la menace d’un déguerpissement. Secrétaire municipal de la commune de Ouakam, Youssou Aka Ndiaye informe que c’est avec la construction de l’aéroport de Diass que les habitants de l’ancienne piste de Ouakam ont pu, pour le moment, échapper à un déguerpissement. Pire encore, les habitants de cette zone ne sont absolument pas pris en compte par la Mairie de Ouakam, qui d’ailleurs signale le fait qu’ils ne sont même pas comptabilisés dans le recouvrement des impôts. Même si le spectre de l’agrandissement de l’aéroport Léopold Sédar Senghor s’est éloigné, une autre menace plane sur la tête des habitants du quartier Vdn, avec ces villas construites de plus en plus aux abords de leurs lieux d’habitation.



9 Commentaires

  1. Auteur

    Serv Du Peup

    En Juillet, 2012 (22:15 PM)
    "C’est le rêve de presque tout Sénégalais de vivre dans des zones huppées telles que Mermoz" Mais as tu un sondage. Avant d'affirmer il faut demander l'avis des Sénégalais. Est ce que les sénégalais aspirent à habiter les quartiers occidentalisés où l'individualisme règne en maitre, je ne pense pas. Ne fais pas dire au peuple ce qu'il n'a pas dit.
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  2. Auteur

    Goss

    En Juillet, 2012 (22:19 PM)
    yenyi yalla tegouko kennn amo lou bariii ba pariii du diour ay dom reck di tekkk. il faut kon change notre hygiene de vie

    djiegalou
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    Auteur

    Foudre

    En Juillet, 2012 (22:20 PM)
    IL FAUT LES DEGUERPIR SANS MENAGEMENT AU LIEU DE CREER UN PRECEDENT DIFFICILE A CORRIGER ET AVANT QU'ILS NE COMMENCENT A RECLAMER DES DROITS. SEUL LA RIGUEUR DOIT S'IMPOSER DANS PAREILS CAS.
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    Auteur

    Hdh

    En Juillet, 2012 (22:32 PM)
    SÉNÉGAL YEUP MOYÉNAZ LA BOULENN GNOU REY   <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">  
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    Auteur

    Paris Ille De France

    En Juillet, 2012 (22:37 PM)
    Bonjour mes frères et soeurs sénégalais.Ofét,ya t-il une personne ki peut m aider pour obtenir un justificatif de logement à paris(ille de france).Je suis étudiant et je dois renouveler mon titre de séjour.je suis en 1ère année ici et je connais pas des personnes pour ça.la seule personne k je connais ici a tout fait mais on a pas réussit à l avoir. S il vous plait ya t-il quelqu'un ici pour m aider à renouveler mon titre de séjour.j ai besoin juste. d'une attestation d'hebergement écrit à la main, d'une photocopie ou scanner de votre titre de séjour ,d'une photocopie d une facture edf payé ( qui date moins d'un mois). s il vous plait ayez pitié à votre frére sénégalais qui est dans le besoin total. méme si vous n avez pas ça,je compte sur vous pour passer le message à des gens que vous connaissez et qui pourront m aider. yalla molay fay kokou déf ! pitier,pitier,pitier
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    Auteur

    Sn

    En Juillet, 2012 (03:43 AM)
    Tu peux laisser tes coordonnées. Je pourrais t'aider si tu es un étudiant sérieux et soucieux de son avenir.



    Pour cela, je voudrais te contacter et connaitre ton age, ta filière, ton université ect...je suis a 20 mn de Paris



    Je pourrais mm te proposer une solution d'hébergement, avec les trois repa complets, si en échange tu assures les sorties d'écoles pour men enfant de 7 ans.



    Le cadre chez moi et agréable et très studieux.



    Bon courage.



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    Auteur

    Paris Ille De France

    En Juillet, 2012 (07:32 AM)
    @sn ok pour ton enfant mais pour ta femme c pas grave si je la saute kelke fois just pour te rendre service si tu peux pas assurer tous les jours koi merci d avance pour ton aide t un vraie galsen mon frere :sn:  :sn:  :sn: 
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    Auteur

    Trop Bete

    En Juillet, 2012 (10:18 AM)
    Jose espèrer que tu es différente de la premièr epersonne qui a demande de l'aide.

    C degoutant, apres on se demande pourquoi els gens en sont plus solidaires,

    Yawe tu es un vrai connard
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    Auteur

    K-c+

    En Juillet, 2012 (10:33 AM)
    Pas loin de chez toi, on se bat pour travailler, tu t'ennuies dans ta piscine, tu vois jamaic ta cuisine, oh tu es blindé. Ce k je dis tout le monde le sais non, on le dit depuis des années non, on voudrait arreter d'en parler: YOUSSOU A TOUT CHANTER
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