ANCAR : l’arme secrète du Sénégal pour réussir sa souveraineté alimentaire
Au micro de Seneweb, El Hadji Faye, Directeur général de l’Agence nationale de conseil agricole et rural (ANCAR), a livré la vision de cette structure au cœur de la politique agricole du Sénégal. Derrière son ton posé, transparaît la conviction d’un homme de terrain, convaincu que la réussite agricole ne repose pas seulement sur les intrants ou les machines, mais avant tout sur l’accompagnement humain et le partage de connaissances.
L’ANCAR, rattachée au ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Souveraineté alimentaire, œuvre à appuyer les producteurs sur tout ce qui est conseil pour la production agricole. Donc, une mission qui dépasse la simple assistance technique. Elle repose sur un accompagnement global qui intègre à la fois la formation, la gestion, la planification et la mise en relation avec d’autres structures.
Selon El Hadji Faye, l’État a mis en place plusieurs dispositifs pour soutenir les producteurs. Parmi eux, « il y a ce qu’on appelle l’accompagnement lors de la campagne agricole, par exemple dans la fourniture des intrants ». Il précise : « Dans ces intrants, il y a les semences, les engrais, mais il y a également ce qu’on appelle le conseil ».
Une initiative qui va bien au-delà des champs
Le directeur général insiste sur la nécessité d’un appui technique constant :« L’agriculture est une activité qui évolue. Nos producteurs ont de la connaissance qu’il faut respecter, parce qu’elle est héritée de la tradition, mais qui a besoin également d’être adaptée en fonction des facteurs exogènes, par exemple les changements climatiques ». L’ANCAR accompagne les exploitants « dans tout ce qui est renforcement des capacités, formation, information, sensibilisation, par exemple sur la situation climatique ». L’objectif est de permettre au producteur de planifier, de choisir les semences adaptées et d’améliorer ses rendements.
Mais le conseil agricole ne s’arrête pas au champ. L’agence promeut aussi une culture de gestion et d’organisation : « Aujourd’hui, l’agriculture, c’est un métier, l’exploitation familiale, c’est une entreprise ». Dans cette logique, l’ANCAR encourage les producteurs à tenir un compte d’exploitation et à élaborer des plans d’affaires. « Le conseil de gestion permettra aux organisations d’avoir des business plans, et de s’adapter à la situation actuelle », dit-il.
La proximité constitue l’une des particularités principales de l’agence. Présente au niveau communal, elle agit en intermédiaire entre les producteurs et les structures d’appui. « Le producteur qui est dans son champ n’a pas toujours le temps d’aller voir chaque structure. C’est l’agent de l’ANCAR qui est chargé de faire cette mise en relation », explique-t-il.
Une méthodologie adaptée au monde rural
« L’État ne peut pas appuyer les producteurs de façon individuelle. Il faut les regrouper », rappelle El Hadji Faye, avant d’ajouter : « Ce regroupement pose beaucoup d’enjeux et de défis, donc il faut accompagner cette dynamique à travers l’information, la sensibilisation et la formalisation ». L’agence ne limite pas son action à l’agriculture. Elle intervient également dans « l’élevage, la pêche, la foresterie », ou encore les activités liées à la cueillette. Une approche intégrée du développement rural, qui permet de diversifier les revenus et d’assurer une meilleure durabilité des exploitations.
Interrogé sur les défis liés à la formation en milieu rural, souvent marqué par un faible niveau d’alphabétisation, le directeur général évoque une approche particulière. « Nous travaillons avec la recherche, notamment l’ISRA, pour le transfert de technologie. Nous adaptons les outils et traduisons les concepts en langues locales, dans un langage compréhensible pour les producteurs », évoqué -t-il. Cette méthodologie, qualifiée de « made in ANCAR », repose sur « une formation adaptée à la réalité et à la thématique de travail ».
L’ANCAR s’appuie sur un réseau de relais paysans pour relayer les messages sur le terrain. « Chaque fois qu’un agent transmet une information, il le fait également avec des relais paysans, qui eux restent dans les villages. C’est toute une chaîne complémentaire avec une diversité d’acteurs ». Pour El Hadji Faye :« L’État ne peut pas donner un tracteur à chaque producteur. Il faut les regrouper ». Une méthode que leur donne « déjà un avantage, parce qu’ils peuvent travailler directement avec les partenaires en termes d’accès au financement ».
La formation, elle, vise à accroître les rendements sans étendre indéfiniment les surfaces cultivées. « Il faut une intensification à l’intérieur des petites surfaces pour qu’on puisse avoir un rendement record », explique-t-il. Le projet de champ école paysan, élaborés avec la FAO, entre en droite ligne avec cette ambition : « C’est un outil intéressant où ce sont les paysans qui apprennent à l’école, mais au niveau du champ ».
11 au 13 novembre : Dakar, capitale du conseil agricole
L’argent est le nerf de la guerre. Un dicton qui trouve sa place en milieu agricole rural. Là encore, la structure aide leurs interlocuteurs dans leurs démarches pour l’obtention de financement : « L’agent de l’ANCAR, présent sur le terrain, aide les producteurs à formuler des projets pour accéder au financement » Parmi les dispositifs cités, figure le Programme de résilience du système alimentaire au Sénégal (FSRP), qui appuie directement les exploitants.
Le Sénégal s’apprête à accueillir un événement mondial dans le secteur du conseil agricole. Le directeur général revient sur son importance : « Le conseil agricole est devenu un enjeu majeur. Vous pouvez donner mille tracteurs, mais s’il n’y a pas de conseil derrière, au bout d’une année, vous revenez, vous voyez que les paysans ne savent pas les utiliser ».
Du 11 au 13 novembre, le pays accueillera au CICAD le forum mondial du conseil agricole, organisé sous l’égide du ministère de l’Agriculture. « C’est une reconnaissance pour le Sénégal », affirme El Hadji Faye. Le rendez-vous réunira « 250 participants venus de tous les pays du monde » autour d’un objectif : « voir comment on peut innover le conseil et renforcer davantage les paysans ».
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