Le président de la République est en visite en France où il est arrivé hier mercredi 19 juin. Pour rendre compte de ce déplacement à Paris, la télévision française France 24 a écrit sur X (ex-Twitter), la phrase suivante : « Le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye en France mercredi pour sa première visite hors d’Afrique ». Quelque temps après, sur le même réseau social, la chaîne publique sénégalaise, la Rts a fait état de cette même information en ses propres termes. « Son Excellence M. @PR Diomaye, Président de la République, est attendu à Paris ce mercredi pour participer au forum mondial sur la souveraineté et l’innovation vaccinales, organisé par GAVI et l’Union africaine. Par la suite, il accordera un entretien au français Emmanuel Macron », mentionne la Rts.
Des deux côtés, la remarque est vite faite. D’un côté l’arrogance de France 24 et de l’autre l’excès de zèle de la Rts. La chaîne France s’est permise de parler du président sénégalais comme d’un citoyen lambda. Pour France 24, c’est le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, sans titre ou attribut, ni avant le nom, ni après.
Cette attitude désinvolte a rapidement ravivé le sentiment chez certains que c’est toujours ce réflexe de mépris et de condescendance de la France vis-à-vis de l’Afrique. Et c’est d’autant plus flagrant que ça vient de France 24, la voix de Paris dans le continent noir, l’une des chaînes les plus regardées, mais aussi les plus épiées dans cet espace.
Même si cela découlait d’une simple erreur (ce qui est peu probable), il est évident que cette erreur n’arriverait pas s’il s’agissait du Rwandais Paul Kagamé, du Marocain, Mohamed VI, de l’Algérien, Abdelmadjid Tebboune ou du Sud-Africain, Cyril Ramaphosa. Un sentiment partagé ici est que cela n’arrive que lorsqu’il s’agit d’un pays francophone d’Afrique. Autrement dit, ces anciennes colonies restées toujours pauvres et toujours dans le pré carré de l’Hexagone.
Ce message arrive également dans un contexte particulier. Les nouvelles autorités au Sénégal n’ont jamais caché leur hostilité vis-à-vis des relations entre Dakar et Paris. L’actuel Premier ministre, Ousmane Sonko s’est plusieurs fois montré virulent à l’encontre de la France. Parmi ces alliés, il y a Guy Marius Sagna de France dégage.
Plus récemment encore, certains médias français et des personnalités publiques ont attaqué le président Faye sur ses deux femmes présentes lors de la cérémonie d’investiture. Il s’y ajoute encore le traitement que beaucoup de médias parisiens ont reversé à la sortie de Sonko sur l’homosexualité qu’il a qualifiée de casus belli, lors de la visite de Mélenchon.
Pour ces nouvelles autorités qui n’ont jamais caché leur aversion vis-à-vis des médias nationaux comme internationaux, il n’en fallait pas plus. D’où la réaction de la RTS qui confère tous les attributs au président sénégalais en les déniant à son homologue français, en guise de réponse à France 24. Mais la chaîne publique sénégalaise est allée un peu trop loin lorsqu’elle affirme que c’est Diomaye Faye qui accorde un entretien à Macron. En procédant ainsi, la RTS se fragilise plus qu’elle ne rend service au Sénégal ou à son président.
Les médias français face à Diomaye et Sonko
Certains n’ont pas hésité à utiliser le terme ‘’ridicule’’ pour qualifier cette affirmation. En effet, c’est le président Faye qui se rend chez Macron et non le contraire. Il est donc présomptueux de dire que Faye va accorder un entretien à Macron chez lui. Lorsque deux chefs d’État se rencontrent dans un pays tiers, notamment à l’occasion des sommets, il arrive régulièrement que l’un (le puissant) accorde un entretien à l’autre (le moins fort).
Mais un président qui accorde un entretien au président de son pays d’accueil ? Ça doit être une première ! Même si le président américain ou chinois devait se rendre à Haïti ou l’un des pays les plus pauvres au monde, s’il y en a un qui devait accorder, ce serait le résident et non le visiteur, du moins sur le plan formel.
Ainsi, cette RTS qui doit conquérir le public après la période Macky Sall-Racine Talla doit se garder d’agir de la sorte. Le service public a pour mission d’informer, de sensibiliser et d’éduquer et non de faire du ‘’gatsa gatsa’’, comme l’a dit un confrère. Ce tweet est un mauvais signal du nouveau DG de la RTS, Pape Alé Niang de qui est attendue une rupture nette dans l’audiovisuel public. La RTS ne doit pas continuer à être un instrument de propagande, comme elle ne doit pas se muer en arme de guerre géopolitique.
De toute façon, la RTS et France 24 n’ont pas les mêmes missions, les mêmes moyens et la même influence. Inutile donc de s’engager dans un faux duel.
Cependant, France 24 qui a suffisamment de tension et de contraintes dans la région ouest-africaine devrait aussi se garder de créer un nouveau foyer. Au finish, l’arrogance de l’une et l’excès de zèle de l’autre ne bénéficient à aucun des deux pays. Autant donc respecter de part et d’autre les règles du journalisme et celle de la diplomatie, surtout lorsque les liens commencent à se fragiliser.
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