Face aux débats enflammés sur la dette publique et le déficit budgétaire, Dr Babo Amadou Ba, spécialiste en finance de marché et Directeur Général du 3FPT (Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique), a apporté des éclaircissements techniques sur les décisions du nouveau régime sénégalais. Dans une analyse détaillée, il contextualise ces choix au sein du cadre communautaire de l’UEMOA, tout en soulignant les défis et les stratégies d’avenir.Dr Ba rappelle que les actions du régime s’inscrivent dans deux directives de l’UEMOA de 2009. La Directive N° 1/2009/CM/UEMOA (mars 2009) impose, via le Code de transparence dans la gestion des finances publiques, la publication détaillée des finances publiques dans les trois mois suivant un nouveau mandat présidentiel. « Ce code insiste notamment sur la dette et les déficits », explique-t-il. La Directive N° 06/2009/CM/UEMOA (26 juin 2009) introduit une réforme des lois organiques, marquant « un saut qualitatif dans la gestion des finances publiques » en passant « d’une logique de moyens à une logique de résultats ». Cette révolution managériale inclut la budgétisation par programmes et la déconcentration de l’ordonnancement. « Le ministre chargé des finances était jusque-là ordonnateur unique du budget de l’État en recettes et en dépenses. Aujourd’hui, ce rôle est déconcentré : les ministres, les Présidents des institutions et directeurs généraux, sont devenus des ordonnateurs. On reconnaît là la logique de PERFORMANCE qui se trouve au cœur de la GESTION AXÉE SUR LES RÉSULTATS », précise Dr Ba.Pour le budget 2025, l’expert met en lumière la profondeur du déficit et la lourdeur du service de la dette. « Lorsque nous avons élaboré le budget 2025, nous avons constaté un déficit de 1 600 milliards de FCFA — c’est la différence entre les recettes et les dépenses. À cela s’ajoute un service de la dette de 2 973 milliards (dont 932 milliards pour les intérêts et commissions). Donc, le total représente un besoin de financement total de 4 573 milliards pour boucler notre budget », détaille-t-il. Face aux critiques sur les confusions autour de l’amortissement, il clarifie : « Puisque le remboursement n’est plus classé parmi les dépenses budgétaires mais est comme une opération de trésorerie, l’amortissement (la fraction de l’emprunt) va disparaître du budget. Pour l’année 2025, le Ministre chargé des Finances est autorisé à contracter des emprunts, à recevoir des dons au nom de l’État du Sénégal et à lever des ressources de trésorerie pour un montant total de 4 573 milliards de FCFA, dont 2 973 milliards hérités du régime de Macky Sall. »Une rupture majeure du régime concerne la gestion des risques liés à l’endettement. En fin 2023, 74 % de la dette sénégalaise était externe, contre 26 % de dette intérieure. Dr Ba identifie quatre risques majeurs : « Le premier, c’est le risque de taux de change (si vous vous endettez en dollars et que le dollar monte, votre dette augmente mécaniquement). Le second, c’est le risque de taux d’intérêt (s’il monte, le coût du remboursement explose). Le troisième, c’est le risque de refinancement (emprunter à nouveau pour payer une ancienne dette). » Pour y répondre, il souligne : « Pour éviter ces risques, nous avons décidé de nous tourner vers le marché domestique et vers des financements innovants comme les patriotes bonds et les diasporas bonds. Ce sont nos actions de mitigation. » Cette stratégie s’aligne sur la Stratégie Nationale de Développement Durable (SN2D), visant un mix de financements à l’horizon 2027 : 41 % externes et 59 % domestiques, notamment via les UMOA-Titres et les Diaspora Bonds.
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