Hier, Touba a été frappée par un drame : l’effondrement d’un immeuble de trois étages en reconstruction a fait onze morts et sept blessés graves, selon le dernier bilan provisoire. Survenu près du garage Darou sur la route de Guédé, cet incident s’ajoute à une série noire qui endeuille le Sénégal depuis 2019. À Ngor, le 8 mai, un autre immeuble s’effondrait, tuant deux personnes. Ces catastrophes, cumulant des dizaines de victimes, révèlent des failles criantes dans le secteur de la construction. Focus sur les causes, les suites judiciaires, les mesures des autorités et les alertes des experts.Le 25 mai, vers 14 heures, un immeuble en reconstruction, propriété d'un homme d’affaires, s’est écroulé à Touba. Onze personnes, dont des maçons et une vendeuse de café, ont péri, tandis que sept autres, grièvement blessées, sont en soins intensifs. « C’était comme un tremblement de terre », témoigne un riverain. Les sapeurs-pompiers et la Croix-Rouge, sous la supervision du préfet, fouillent les gravats. Une enquête est ouverte, ciblant la qualité des matériaux et le respect des normes. Ce drame, dans une ville sainte à forte densité urbaine, ravive l’indignation.Ngor, un drame évitableLe 8 mai 2025, un immeuble de cinq étages s’est partiellement effondré à Ngor, à Dakar, tuant deux personnes et blessant une autre. Le supermarché U voisin a subi des dégâts évalués à plusieurs millions de FCFA. La gendarmerie de Ngor pointe des travaux d’excavation sur un terrain adjacent, menés par l’entrepreneur M. F. et deux opérateurs. « Un immeuble existant a été fragilisé par des travaux d’excavation mitoyens. [...] Il existe des techniques pour sécuriser les bâtiments voisins, mais elles n’ont pas été appliquées », explique Tamsir Mbengue, directeur de Technosol Ingénierie, à Dakaractu le 9 mai 2025.Une série noire depuis 2019Les effondrements se succèdent. En janvier 2024, à Khar Yalla, cinq personnes ont péri et douze ont été blessées dans l’écroulement d’un immeuble, dû à l’absence de permis. À Rufisque, en août 2023, une villa en construction a fait cinq morts, victime de matériaux de mauvaise qualité. Le 27 juillet 2022, à Médina, une dalle vétuste a tué deux personnes. En 2021, Niary Tally pleurait deux enfants, et octobre 2021 voyait deux immeubles s’écrouler à Dakar. En 2022, les sapeurs-pompiers recensaient 75 décès liés à des effondrements. Un audit de 2021 identifiait 1 446 bâtiments à risque, dont 627 à Dakar, surtout dans la Médina. « Médina est un quartier ancien, avec des bâtiments mal entretenus », note Abdou Birahim Diop, directeur du développement urbain, à Dakaractu en novembre 2021.La justice face aux décombresÀ Ngor, trois suspects, dont l’entrepreneur M. F., ont été arrêtés pour homicides involontaires. « La première responsabilité revient à l’entrepreneur, mais la municipalité et l’urbanisme partagent le blâme », affirme Tamsir Mbengue à Dakaractu. À Khar Yalla, des poursuites ont visé l’entrepreneur, mais les sanctions restent floues. À Rufisque, l’enquête stagne. Pour Médina et Niary Tally, les investigations s’enlisent. « Les familles attendent justice, mais les responsabilités sont diluées », déplore un habitant de Touba.Des annonces sans effetsEn 2021, le président Macky Sall a ordonné un audit national des bâtiments. « Il faut une tolérance zéro », déclarait le ministre de l’Urbanisme, Abdoulaye Saïdou Sow, en décembre 2021. En 2024, le Laboratoire National de Référence BTP a agréé dix laboratoires pour des études géotechniques, mais sept ont été recalés. Formations, sensibilisation et un comité de suivi trimestriel ont été lancés. À Dakar, 112 bâtiments à risque ont reçu des arrêtés de péril, mais les démolitions traînent. Après Touba, le ministère de la Santé a mobilisé le SAMU et les hôpitaux locaux. Pourtant, les drames persistent.Les experts tirent la sonnette d’alarmeLes causes sont connues. Alioune Dramé, ingénieur en génie civil, qualifie l’effondrement de Ngor de « tragédie évitable ». « Une étude géotechnique est indispensable. Sans cela, on construit sur des bases fragiles », écrit-il dans une contribution à Seneweb. Tamsir Mbengue insiste sur le Code de la construction : « Une étude de sol est exigée dès le R+3. À Ngor, l’absence de stabilisation a causé le drame », explique-t-il à Dakaractu. Dethié Faye, formateur en maçonnerie, dans un module pour l’armée en 2023, pointe les erreurs techniques : « On surutilise le béton. Il faut des dalles légères et des fondations judicieuses. » La corruption aggrave le tout. « L’impunité favorise la corruption », souligne Bakary Malouine Faye, du Forum Civil, à Le Quotidien en 2024.Avec onze morts à Touba, deux à Ngor, cinq à Khar Yalla, cinq à Rufisque, deux à Médina et des dizaines d’autres depuis 2019, le Sénégal paie un lourd tribut. Les 1 446 bâtiments à risque recensés en 2021 sonnent comme un ultimatum. Audits, formations et sanctions sont annoncés, mais la corruption et le manque de moyens freinent leur mise en œuvre. Les experts exigent des études géotechniques obligatoires et des contrôles indépendants. Alors que Touba pleure ses morts, une réforme profonde s’impose pour que les villes sénégalaises ne reposent plus sur des fondations instables.
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