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Maîtrise des eaux pluviales au Sénégal : pour une gouvernance proactive et durable (Par Amadou Touba Niane)

Auteur: Amadou Touba NIANE

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Maîtrise des eaux pluviales au Sénégal : pour une gouvernance proactive et durable (Par Amadou Touba Niane)

Depuis plusieurs décennies, la maîtrise des eaux pluviales fait l’objet de nombreux débats, souvent animés, mais les solutions concrètes peinent encore à se matérialiser, notamment en période d’hivernage.

Certes, les changements climatiques constituent l’un des facteurs majeurs à l’origine des catastrophes naturelles à l’échelle mondiale. Cependant, l’urbanisation anarchique, parfois même sauvage, met également en lumière la responsabilité humaine, prisonnière de ses désirs matérialistes et guidée par un appétit démesuré de bien-être.

Dans ce contexte, les zones d’infiltration, pourtant essentielles pour permettre à l’eau de pluie de rejoindre naturellement les nappes souterraines, se réduisent de manière préoccupante. Parallèlement, les zones naturelles d’écoulement se trouvent progressivement obstruées, aggravant ainsi les risques d’inondation et accentuant la vulnérabilité des territoires.

Par ailleurs, les pluies, désormais caractérisées par une intensité exceptionnelle et une imprévisibilité à l’échelle pluri-décennale, révèlent les limites des dispositifs météorologiques en vigueur sous nos tropiques. Les projections pluviométriques, encore insuffisamment précises, demeurent limitées tant dans l’espace que dans le temps. Dès lors, il n’est plus rare d’observer des épisodes pluvieux de courte durée, mais d’une violence extrême, frappant certaines zones avec une brutalité sans précédent. La difficulté majeure avec l’eau de façon générale, c’est qu’il ne peut jamais être détruite, c’est son état qui change. 

Ainsi, la gestion durable et efficace des inondations s’impose avec acuité pour l’ensemble du Sénégal, et plus particulièrement pour les zones les plus exposées. Elle appelle à rompre avec les approches conjoncturelles et ponctuelles, souvent dictées par l’urgence, pour privilégier une logique d’anticipation et de prévention, fondée sur la concertation et la résilience.

Si l’anticipation renvoie à la prévision et à la planification stratégique, la prévention, quant à elle, se traduit par des mesures concrètes : infrastructures adaptées, cadre juridique cohérent et outils de gouvernance efficients.

Dans une localité comme Touba, l’élaboration d’un Plan Directeur d’Assainissement Pluvial (PDAP) devient un impératif stratégique. Sa mise en œuvre devrait s’accompagner de la création d’une unité technique permanente chargée de coordonner les actions. Ce plan devra intégrer les spécificités religieuses, démographiques et urbanistiques propres à la ville sainte. En outre, pour Touba, il urge d’instaurer un cadre juridique et institutionnel clair et opérationnel et des mécanismes d’alertes précoces et de gestion des crises.

Par ailleurs, un partenariat renforcé entre l’État, les collectivités territoriales et les organisations communautaires s’avère indispensable. Ce partenariat devrait favoriser une mise en cohérence du cadre juridique existant avec le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme, afin d’assurer une gestion intégrée et durable des risques. La synergie permettrait de mettre fin au lotissements sans études d’impact environnemental. 

Dans cette perspective, la gouvernance des inondations devrait évoluer : il conviendrait de transférer la compétence actuellement confiée à l’ONAS vers une Agence nationale de maîtrise des inondations.

Contrairement à une simple lutte réactive, cette nouvelle structure placerait son action dans une démarche proactive, orientée vers la planification urbaine et la gestion concertée des zones à risque.

L’audace politique doit également conduire à des mesures fortes :

  1. la délocalisation des populations établies dans les zones les plus vulnérables 
  2. le gel des constructions dans les périmètres exposés ;
  3. l’élaboration d’une cartographie précise des zones à risque, mettant en évidence les zones d’infiltration et les axes naturels d’écoulement.

Désormais, tout projet de lotissement devra obligatoirement intégrer la prise en compte des bassins d’infiltration dans sa conception, afin de garantir une gestion durable et rationnelle des eaux pluviales sur l’ensemble du territoire national.

La feuille de route de la nouvelle structure chargée de la maîtrise des inondations devra s’articuler autour de mesures opérationnelles prioritaires, parmi lesquelles :

  1. la construction et la réhabilitation des bassins de rétention ;
  2. le curage systématique et régulier des caniveaux ;
  3. la mise en place d’un réseau intégré de drainage ;
  4. la construction de stations de pompage performantes et adaptées aux zones les plus vulnérables.

La mise en œuvre rigoureuse de cette feuille de route devrait permettre de réduire progressivement les impacts socio-économiques des inondations. Ces impacts dépassent largement les déplacements forcés et les pertes de logements : ils concernent également la diminution des rendements agricoles, les perturbations des activités commerciales, la contamination des nappes phréatiques et, in fine, la dégradation de la santé publique.

Il ressort de ce qui précède que la problématique de la maîtrise des eaux pluviales au Sénégal dépasse aujourd’hui le simple cadre environnemental : elle est multiformes. Face à des changements climatiques de plus en plus imprévisibles, conjugués à une urbanisation anarchique et à des pratiques d’aménagement inadaptées, l’urgence d’une gouvernance renouvelée s’impose.

La mise en place d’une stratégie nationale cohérente, fondée sur la planification, l’anticipation et la prévention, apparaît comme la seule voie durable pour inverser la tendance. Il ne s’agit plus seulement de réagir aux catastrophes, mais de les prévenir en amont, par des politiques publiques ambitieuses et intégrées, mobilisant l’ensemble des acteurs : État, collectivités territoriales, organisations communautaires et citoyens.

Ainsi, la création d’une Agence nationale de maîtrise des inondations et l’élaboration de plans directeurs d’assainissement pluvial constituent des leviers indispensables pour une gestion rationnelle et durable des eaux pluviales. C’est à ce prix que le Sénégal pourra préserver ses écosystèmes, protéger ses populations et garantir un développement harmonieux et résilient face aux défis climatiques et urbains de demain.

Amadou Touba NIANE,

Commissaire aux Enquêtes économiques

Président du Mouvement Politique et citoyen Wakh Jeuf

Auteur: Amadou Touba NIANE

Commentaires (11)

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    DIAFATE il y a 4 jours

    c'est une contribution de grande qualité et pertinente dans l'analyse et la solution apportée aux inondations au Sénégal. elle est structurée et pourrait être une source d'inspiration à l'Autorité publique pour juguler le fléau des inondations. Félicitation et bonne continuation Commissaire Niane

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    Anonyme il y a 4 jours

    Un commissaire aux enquêtes économique et fonctionnaires qui connait rien de innondation nous pompe l' air. Quel pays

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    Cheikh Fallou DIATTA il y a 3 jours

    Tu t’es trompé en pensant qu’un commissaire aux enquêtes économiques n’a rien à dire sur les inondations. Il aurait fallu comprendre que son intervention relève d’une démarche citoyenne et contributive, plutôt que de rester dans l’inaction face aux problèmes et préoccupations du pays.

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    Maxu il y a 4 jours

    Tout ce qu'il a proposé existe déjà sauf l'Agence. A la place nous avons une Direction de la Prévention et de la Gestion des inondations (DiPGI) qui fait actuellement un excellent travail. Informez vous d'abord avant de faire des propositions.

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    Cheikh Bamba Diouf. il y a 4 jours

    J’ai lu avec intérêt l’article de mon ami Amadou Touba Niang: Commissaire aux enquêtes économiques: un disciple Mouride,un citoyen modèle sur les inondations au Sénégal en général et dans la ville sainte de Touba en particulier.
    M. Niane a évoqué les changements climatiques, l’urbanisation anarchique, la nécessité d’un plan directeur et même la création d’une agence dédiée à la gestion des inondations.

    Pour ma part, j’aimerais compléter cette réflexion en attirant l’attention sur un autre aspect : l’attitude et le comportement de certaines populations.
    En effet, il n’est pas rare de voir des ordures ménagères, des carcasses de moutons, des pneus usés et bien d’autres déchets jetés directement dans les canaux. Pire encore, certains actes de sabotage à des fins politiques consistent à boucher volontairement des vannes stratégiques destinées à évacuer les eaux.

    De plus, de nombreuses canalisations à ciel ouvert deviennent de véritables dépotoirs, livrées à l’irresponsabilité de certains. Or, sans discipline citoyenne et sans respect des ouvrages existants, aucun plan directeur, aussi ambitieux soit-il, ne pourra donner des résultats durables.

    J’insiste également sur la nécessité de confier les travaux d’assainissement aux compétences qu’il faut, même si cela implique de recourir à des entreprises multinationales ou étrangères. Trop souvent, des chantiers cruciaux sont octroyés à des proches et amis, au détriment de la qualité et de l’efficacité.

    Enfin, concernant Touba, il est indéniable que les Mourides disposent des moyens et de la volonté nécessaires. Ce qui pose réellement problème, ce sont les orientations, le choix des personnes non partisanes pour diriger, et surtout la bonne gestion des fonds.

    Voilà, en toute humilité, ma modeste contribution au débat.

    Cordialement

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    Jammlapaix il y a 4 jours

    Une pertinente contribution.Si tout un chacun pouvait apporter sa pierre à l'édification de la Cité serait un plus .Bonne continuation.

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    Cheikh Fallou DIATTA il y a 3 jours

    Je voudrais tout d’abord saluer et apprécier l’intervention du président Amadou Touba Niane sur la problématique des inondations. Ses nombreuses propositions montrent non seulement une volonté d’éradiquer définitivement ce fléau, mais aussi d’en faire une opportunité en valorisant rationnellement les eaux pluviales à des fins utiles pour le pays.

    Il me semble donc important de rappeler qu’il est une erreur de penser que le domaine de l’économie ne permet pas d’avoir une parfaite maîtrise des questions liées aux eaux pluviales. L’approche économique, au contraire, élargit la réflexion et ouvre la voie à des solutions durables et innovantes.

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    Malik Seck il y a 3 jours

    Tout d'abord nous tenons à vous remercier et à reconnaître le combat que vous menez !
    Vous savez depuis toujours, le sénégal affronte des changements climatiques qui a effectivement provoqué des intensification des précipitations qui a enfanté des événements catastrophiques partout dans le pays,comme les inondations, entraînant des risques accrus pour la santé humaine, les écosystèmes et les infrastructures.
    L'intérêt et le contenu de son article, est un projecteur, un phare pour éradiquer ce fléau qui est un problème majeur depuis si longtemps.
    C'est vrai depuis toujours l'État n'a jamais cessé de chercher des solutions solutions pour que les difficultés que les populations subissent chaque hivernage puissent éradiquer, mais il n'en demeure pas moins qu'il d'autres atouts qui pourraient effectivement résoudre tous ces problèmes que le Commissaire Amadou Touba Niane vient d'évoquer dans son article.
    Merci beaucoup. Ce fut un immense plaisir !

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    Dio il y a 3 jours

    Une agence de plus budgetivore et inutile!! Je trouve que l'ONAS est capable de faire ce job si les ressources mobilisées sont mises à sa disposition avec un contrat de performance claire et des obligations de résultats rigoureuses. Meme cette Direction chargée de la gestion des inondations doit être supprimée et ces compétences transferezs à la direction de l'assainissement qui se limitera à la définition de la politique d'assainissement et la réglementation. Toutes les tâches opérationnelles doivent être exécutées par l'ONAS. Il est grand temps de fusionner toutes ces structures budgetivores qui ne règlent aucun problème à part grever le budget de l'état

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    Recto verso il y a 2 jours

    90% du texte ces résolutions faites. les causes sont connus de tous.
    Le seul moyen et la seule solution pour éradiquer ce problème définitivement c’est l assainissement ça coûte très cher.
    2 questions cruciales à se poser son financement ( contribuable ou exterieur) et son exécution. ( les Chinois )

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    Malik Seck il y a 2 jours

    Le sénégal a besoin aujourd'hui des personnes perspicaces, des personnes qui voient au-delà des évidences comme le commissaire Amadou Touba Niane.
    À mon avis, son article est une lumière qui pourrait éclairer les différents points qu'il vient d'y évoquer.
    L'État doit redoubler d'efforts et mettre en place des mécanismes concrèts afin que tous les defis climatiques que se répètent chaque année soient éradiquer non-seulement à Dakar, mais aussi dans les autres localités Comme la ville sainte qu'il vient de citer, etc.

    Cependant, le peuple a une part de responsabilité, le fait que les canaux sont remplis d'ordures et autres. Ces comportements inhumains qu'on voient parfois dans les quartiers, dans les marchés sont les causes principales de ce fléau.
    Une loi devrait être mise en place pour que ces comportements soient cesser.
    Merci beaucoup, ce fut un immense plaisir !

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    Ndiaye thierno il y a 1 jour

    La ville de touba doit être traitée à la hauteur de sa démographie et non pas comme un simple foyer religieux. Aucun programme etatique sérieux n est envisagé pour cette agglomération de 2 millions de contribuables .il est impératif d élaborer un plan decennal pour touba. La cité religieuse manque de routes bitumees, de réseaux d assainissement et d évacuation des eaux usées, de transport public adéquat, d infrastructures d enseignement, d infrastructures sanitaires entre autres .

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