Des milliers de jeunes manifestants venus de tous les coins de la capitale et de sa banlieue, ont déferlé hier au centre-ville. Pour s’opposer contre le vote de la réforme constitutionnelle sur l’élection présidentielle. Pendant des heures, ils ont dicté leurs lois dans plusieurs artères de la capitale.
Des véhicules, des pneumatiques, des échoppes qui prennent feu au milieu de la chaussée, jonchée de pierres et de débris de toute sorte. Des pick-up bourrés d’éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi) de la police nationale et armés de pied en cap, sillonnent à vive allure, les grandes artères du centre-ville, pour traquer les jeunes manifestants. De sourdes détonations des grenades lacrymogènes dont les échos sont amplifiés par le vide d’une ville subitement vidée de ses habitants, se mêlent aux sirènes hurlantes des ambulances de la Croix-rouge. Dakar avait tout simplement l’air, hier, d’une ville en état de siège. Très tôt, les manifestants ont pris d’assaut la place Soweto (Assemblée nationale), baptisée par certains, place Al Tahrir (Libération), en souvenir à celle du Caire, symbole de la révolution égyptienne. Tandis que ces milliers de jeunes faisaient le siège de l’Assemblée nationale, plusieurs centaines d’autres s’échinaient à harceler les forces de l’ordre à Sandaga, sur l’avenue Lamine Guèye, le boulevard de la République…Une guérilla urbaine sans merci s’engage.
A court de grenades lacrymogènes, la police bat en retraite devant les pluies de projectiles des manifestants. ‘Quitte à se faire tuer, nous ne reculerons pas !’, lance l’un d’eux, étudiant, dit-il, à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Acculés, les policiers font usage de leurs balles à blanc. Plusieurs jeunes manifestants seront atteints. De temps à autre, un véhicule anti-émeute du Gmi - qui rappelle ceux de la police anti-émeute dans les townships Sud-africains - arrose d’eau chaude les manifestants. L’arme fait mouche mais n’entame en rien la détermination des jeunes. Au contraire. Et comme ils se sont passé la consigne, ils continuent d’affluer de toute part. Si Souleymane dit venir de Grand-Yoff, Pape Ousmane dit lui, avoir accouru de Yeumbeul, dans la lointaine banlieue dakaroise. Le mot qui revient le plus de la bouche de ces jeunes, est : ‘Y en a marre. Qu’il (Wade) parte !’
A l’évidence, les symboles de l’Etat sont pris pour cible avec une hargne pas commune. Les véhicules immatriculés ‘AD’ (administration) stationnés devant les services administratifs sont systématiquement recherchés. ‘Dans la demeure d’un pendu, on ne parle pas de corde’. Le feu est mis à l’Hôtel des députés, implanté à Sandaga. A la Médina, un bureau de la Société nationale d’électricité (Senelec), subit le même sort. Et n’eût été la prompte intervention des forces de l’ordre, la direction générale des Impôts et domaines allait subir, elle aussi, la furie des incendiaires.
Il est environ quatorze heures passées. Les affrontements cessent, la fièvre retombe. Comme libérés d’un piège dans lequel ils étaient pris depuis des heures, les travailleurs quittent en masse le centre-ville par des rues et ruelles détournées, avant que les affrontements ne reprennent. Les taxis tournent à plein régime. On les hèle comme on peut. Il faut échapper, à tout prix, de cette dangereuse souricière.
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