« Tout pouvoir sans contrôle rend fou »
ALAIN
Nicolas Normand, ambassadeur de France au Sénégal, est une espèce devenue rare, un étrange archétype de la France de Foccart et celle toute récente de Claude Guéant. Il a été nommé ambassadeur au Sénégal à la demande d’Abdoulaye Wade, quand monsieur Guéant, grand nostalgique de la « françafrique », avait remis au goût du jour la toute puissante cellule de l’Elysée. C’est sur cet ancien ambassadeur au Congo qu’Abdoulaye Wade a jeté son dévolu pour remplacer l’intraitable et incorruptible Jean-Christophe Rufin. Depuis qu’il est arrivé à Dakar, il ne se passe plus une semaine sans que M. Normand soit reçu par celui qui l’a fait nommer. Le communiqué du Conseil des ministres qui fait état de l’adoption d’un projet de loi sur le ticket présidentiel mentionne en même temps que le président de la République a reçu « l’ambassadeur de France au Sénégal ». Malgré cette coïncidence troublante, Normand continue de soutenir que jamais il n’a été tenu au courant de ce projet de loi. « A ce sujet, je voudrais tordre le cou à ces rumeurs, ces insinuations fantaisistes qui sont nées de l’imagination fertile de certains commentateurs selon lesquelles les événements intérieurs au Sénégal ont été abordés lors de ces rencontres en France », avait-il soutenu dans les médias.
Son pays s’est associé à l’Union européenne pour dénoncer la tentative de modification unilatérale de la Constitution, c’est un fait. Il est aussi possible que la France, qui a toujours un conseiller juridique auprès du président de la République du Sénégal, ait été prise par surprise. Alain Jupé a eu une position louable sur la question, en appelant Abdoulaye Wade à suivre les conseils qu’il a prodigués à Kadhafi depuis Benghazi, en se retirant de la présidence de la République. La France n’est en rien solidaire des visées monarchiques du Napoléon sénégalais.
Mais Nicolas Normand ne se lasse jamais de son soutien. Il avait justifié le voyage d’Abdoulaye Wade à Benghazi « protégé par des avions français », qui n’a finalement été d’aucun effet. Il vient de faire une suggestion insoutenable à Ousmane Dieng et Mamadou Lamine Diallo, en leur demandant pourquoi ils ne laisseraient pas Abdoulaye Wade se présenter pour un troisième mandat, s’ils pensent qu’il n’est pas représentatif. Au nom de quoi, monsieur l’ambassadeur Normand, devrait-on laisser un chef d’Etat parvenu à l’âge de 88 ans, au terme de son second mandat, violer la Constitution de son pays, renier sa propre parole, organiser lui-même des élections auxquelles il ne devait pas participer, sous le prétexte qu’il n’est pas représentatif ? De quel droit vous prévalez-vous pour nous faire une suggestion aussi méprisante ? Votre loyauté envers la famille Wade ne doit pas signifier un mépris à l’égard du peuple sénégalais. La proposition indécente que vous venez de faire nous est insupportable. Elle constitue une insulte à notre intelligence. Jamais vous n’auriez osé émettre une idée aussi farfelue dans votre pays, la France. Votre suggestion, au demeurant, révèle votre état d’esprit. Vous êtes arrivé à Dakar avec la ferme intention de soutenir Abdoulaye Wade dans sa volonté d’installer son fils à la présidence de la République. Un tel projet, est-il besoin de vous le répéter, ne sera jamais accepté par le peuple sénégalais. Jamais, ce pays d’hommes libres ne se laissera diriger par un français né sur votre sol et un fils de président. Comment un diplomate tel qu’en vous a-t-il pu tenir des propos d’une si grande légèreté ? Le meilleur service qu’un homme puisse rendre à Abdoulaye Wade est de lui demander de se retirer à la fin de son mandat. Il ne peut plus diriger le Sénégal qu’au prix d’un reniement de sa propre parole, d’une violation de la Constitution et d’un bras de fer avec le peuple sénégalais. Les initiatives désordonnées qu’il fait prendre, les ressources qu’il emploie à cette seule fin ne feront que nourrir la colère et l’indignation qui le feront partir. Les procédés bas et sordides qu’il veut utiliser pour discréditer ses adversaires ne lui seront d’aucun secours. L’excès de zèle avec lequel Iba Der Thiam, son délateur d’hier, veut le soutenir a fini par susciter l’indignation et ne fera qu’augmenter son rejet. Utiliser l’injure, la calomnie, le mensonge, dans le seul but de discréditer les dirigeants du M23, le faire devant un khalife général, en ce mois de ramadan, est un procédé indigne. Accuser ces hommes d’être sous la coupe de francs-maçons, alors qu’Abdoulaye Wade est le seul dirigeant au monde à déclarer publiquement avoir été franc-maçon dans sa vie ; les traiter de menteurs, alors que ce président a déclaré publiquement devant le peuple entier qu’une promesse n’engage que ceux qui y croient, est le degré suprême de la sournoiserie. Jamais auparavant, des hommes n’ont été aussi loin dans la mauvaise foi. J’ai imaginé ce que devait penser le khalife, qui a entendu Abdoulaye Wade déclarer qu’il ne pouvait plus se présenter pour un troisième mandat, quand il a vu Iba Der Thiam traiter ses opposants de menteurs. Où doit-il chercher le menteur quand il entend Abdoulaye Wade déclarer qu’il n’a jamais tenu de tels propos ? J’ai imaginé l’état de choc dans lequel il devait être le khalife, quand il a entendu cet affabulateur d’Iba Der Thiam déclarer que ce qu’Abdoulaye Wade a fait au Sénégal, personne ne l’avait jamais fait auparavant. Par l’étendue de ses provocations, l’ampleur de sa fourberie, la bassesse de ses œuvres, oui !
C’est un être pitoyable que ce Wade. Il n’est plus soutenu que par une flottille de mercenaires politiques sans scrupule et une bande de menteurs sans foi. Iba Der Thiam et Abdoulaye Babou se croient obligés de se rabaisser. Mais leurs alliés de la Cap 21 se démarquent de leurs provocations inutiles. Dans son propre camp, plus personne ne soutient Abdoulaye Wade dans son entreprise irréaliste. Doudou Ndoye et Masokhna Kane, deux brillants avocats membres du Comité directeur de son parti, se joignent aux nombreux constitutionnalistes sénégalais pour s’opposer à sa candidature. Un à un, les chefs religieux lui disent ouvertement ce qu’ils pensent de son règne. Il espérait gagner le soutien du khalife des mourides, sa dernière carte à abattre. Ses hommes n’ont suscité à Touba qu’exaspération et indignation. Le traitement qu’il a réservé aux héritiers de Serigne Saliou Mbacké en a édifié plus d’un.
Pour revenir à Monsieur Normand, que n’a-t-il pas pris la place de Madické Niang, l’homme à la coiffe de clown d’opérette ? Il aurait été d’un grand secours à son ami octogénaire, devenu sujet à toutes les moqueries chez ses pairs africains. Il a repris ses vols réguliers, s’invitant partout dans le monde. A croire que l’apprentissage du repos le fatigue. Il a été froidement reçu à Njamena et pour l’humilier, les délégations africaines ont acclamé debout le représentant de Kadhafi. Son esprit ne cesse de voleter à l’aveuglette. Le destin semble s’acharner sur son auguste personne. Mais c’est Abdoulaye Wade qui le provoque.
SJD
Auteur: Souleymane Jules Diop
Publié le: Jeudi 11 Août 2011
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