Le débat public a perdu son âme. Exit l’échange d’idées, place au spectacle de l’invective. Sur les plateaux télé, on ne cherche plus à convaincre, mais à terrasser. Les talk-shows sénégalais, à l’image d’un ring de boxe, privilégient le "hot take" et le K.O. verbal. On ne débat plus, on clashe, dans l’espoir que les "highlights" enflamment les réseaux sociaux.
Vendredi dernier, sur le plateau de la TFM, le député de Pastef, Amadou Ba, et le chroniqueur Badara Gadiaga ont offert une séquence digne d'un résumé de Batamba. Après une première manche où Gadiaga, avec son style pugnace et borderline, avait poussé Ba dans ses retranchements, ce dernier est revenu avec des envies de revanche, chauffé à blanc par la twittosphere Pastef. Mais au lieu de jouer la balle, il a visé l’homme,s’embourbant dans une joute brouillonne sur l’affaire Adji Sarr. Résultat : des réseaux sociaux en feu, chaque camp criant victoire, sans qu’aucune idée n’éclaire le public.
Ce qui frappe, dans l'histoire, c’est l’absence d’estime mutuelle. Le langage corporel des deux trahissait hargne et mépris, en contradiction avec l’éthique du débat. Jürgen Habermas nous rappelle que "la communication doit viser un accord fondé sur la raison, dans un espace où les arguments prévalent sur la domination".
Il fut un temps où je zappais en voyant Madior Diouf, trop lisse à mon goût de jeune fougueux. Aujourd’hui, face à la toxicité ambiante et à la soumission des politiques à leur public, sa retenue me manque. Le débat public mérite mieux qu’un face-à-face entre deux lutteurs où la jactance et l’outrance prévalent. Au crédit de ces derniers, tout finit dans le respect mutuel et l'accolade dans l’arène. Pas sûr qu'en coulisses ce fut le cas pour MM. Ba et Gadiaga.
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