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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Chronique : Tête de colon !

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Chronique : Tête de colon !

« L’honneur, une noblesse disparue
avec l’avènement des lâches, de ceux qui,
ayant tout compris, n’ont plus rien à défendre »
Nicolas de CHAMFORT

Les libéraux se le tiennent pour dit. Karim Wade a déjà accepté « l’héritage ». Accepter trop tôt un pouvoir pour le défendre par la suite avec des barbelés et des caniches comme un colon afrikaner n’est pas une mince affaire. Mais les libéraux ne se font plus d’illusions. Le Pds est une propriété d’Abdoulaye Wade. Tous les biens de ce parti sont ses propres biens. Quand il en était encore le seul bailleur,  l’ancien opposant estampillait sur chaque chaise, les initiales AW. Ceux qui n’ont pas laissé trop longtemps leur derrière sur un table-banc savaient au moins ce que ça voulait dire : « Appartient à Wade ». La seule fois où ses militants, devenus riches, ont mis la main à la poche, c’était pour la construction du siège qui leur a coûté près d’un milliard de francs Cfa. Il s’est trouvé que cet édifice a été bâti sur un titre foncier appartenant à Karim Meissa Wade. L’ancien propriétaire croupit en prison pour avoir vendu ce qui lui appartenait. L’Etat lui a demandé de se débrouiller, après avoir réquisitionné le terrain pour « futilité publique ». C’est là la meilleure garantie que le Pds peut changer de main, mais il ne changera jamais de bras. Quoi de plus normal, pensent les monarchistes au doigt mouillé, que le seul héritier déclaré prenne possession du parti, en même temps qu’il hérite de ses biens. Mais là où leur logique devient insupportable, convenez-en, c’est quand ils avancent cette idée répugnante que le pouvoir aussi est un pouvoir d’Abdoulaye Wade. Il aurait le droit de le donner à qui il veut. Le président de la République n’est pas loin de penser la même chose, et c’est tout notre malheur. Il cherche toujours son successeur, un « jeune ingénieur financier très au fait des idées modernes dans son domaine ». Mais on n’annexe pas le pouvoir comme on annexe une propriété à Sangalkam. Nous avons élu un homme étrange, nous le savons bien. Il veut nous imposer un étranger. Samedi dernier, le président de la République, son fils Karim et son épouse Viviane sont arrivés chacun dans son avion en provenance de « chez eux ». Nous avions cru que nous avions atteint les limites de la frivolité sous Wade. Mais ce qui rend ce je-m’en-foutisme choquant, c’est que moins d’une semaine avant, des centaines de pèlerins ont failli laisser leur vie sur le tarmac de l’aéroport dans un vieil avion cargo transformé en avion commercial. Parce qu’en plus de leur voler l’économie de toute une vie, les voyous qui se cachent derrière Zam Zam n’ont pas été capables de leur assurer des conditions de transport décentes. Cet homme, quand il venait d’arriver, promettait de rompre avec le symbolisme attaché à la fonction présidentielle. Il s’arrêtait partout, parlait au vrai peuple, allait présenter des condoléances comme un citoyen ordinaire. Nous étions convaincus d’avoir enfin élu un président « sénégalais ». Il faut avouer que nous avons tous été bluffés. Depuis qu’il s’est installé sur son fauteuil Louis XIV, Abdoulaye Wade ne pense qu’à lui-même et à sa famille. J’ai pensé que les Sénégalais, pour une fois, se feraient entendre. Je n’ai jamais pensé que Karim Wade avait le droit de jouer avec tout. Je me suis dit qu’avec la religion, c’était « trop haut ». Ce n’était pas à la rue de réagir, c’était aux familles maraboutiques, aux chefs religieux de le faire, ils ne l’ont pas fait. Cette fois-ci j’ai rendu les armes.

Ce qui faisait que dans ce pays ont ne pouvait pas tout se permettre, c’était une classe maraboutique qui croyait en Dieu et une gauche communiste qui ne croyait en aucun Dieu. Les chefs religieux, en dépit de certaines connivences qu’on pouvait leur reprocher, ont toujours servi l’unité du pays et la paix sociale. L’extrême gauche communiste a été à la base de la plupart de nos conquêtes syndicales et de nos acquis sociaux. Ils se sont tous convertis à la religion de l’argent. Pendant que Marie Angélique suscitait l’émoi à Cotonou, Savané et son numéro deux se disputaient dix millions offerts par le président de la République. Je ne me suis jamais fait d’illusions sur Mamadou Diop Decroix. Il a toujours été un homme dissimulé. Mais je me demande comment Landing Savané arrive à s’arranger avec sa propre conscience. J’étais un assidu de la maison de Gibraltar. La désinvolture avec laquelle le coco trahit ses anciens compagnons et piétine ses propres convictions pour de l’argent est stupéfiante. Il est déjà inadmissible qu’il soit le seul membre du gouvernement à être payé à ne rien faire. Ajouter à tous ces privilèges les enveloppes du palais présidentiel est une pratique troublante. De tous les anciens « clandestins », il passait pourtant pour le plus intègre et le plus intransigeant. Mais l’argent de Wade a révélé chez lui une dimension qui nous était inconnue. Il faut le mettre au crédit du président de la République et de son fils. L’argent ne circule que pour ceux qui sont dans le circuit. Ceux qui en sortent comme vous et moi sont court-circuités. Point barre.
C’est pourquoi je suis d’accord avec ceux qui voient dans les dérives monarchiques de ces dernières années l’urgence d’une réforme de l’institution présidentielle. Tous reconnaissent qu’il y a un impératif à réformer la présidence de la République. Je pense pour ma part que c’est le président de la République qu’il faut réformer, pas la présidence de la République. Pris en lui-même, ce lieu ne comprend que le secrétariat général de la présidence de la République et quelques nobles institutions comme l’inspection générale d’Etat. Abdoulaye Wade n’a pas plus de pouvoirs qu’en avait Abdou Diouf. Il en a même moins. L’Assemblée nationale s’est trouvée théoriquement renforcée, puisque le président de la République ne peut dissoudre le Parlement que deux années après le début de la législature. C’est pourquoi Serigne Diop s’évertue à défendre le caractère « parlementaire » de son régime. C’est un peu grossier. Mais dans l’absolu, la Constitution qui a été adoptée le 7 janvier 2001 renforçait les pouvoirs de l’Assemblée nationale et ceux du Premier ministre. Si le Ps, l’Afp et la Ld/Mpt l’ont adoptée, c’est qu’elle avait quelque chose de bon. Abdoulaye Wade s’est évertué à la violer sans sourciller, c’est cela son fort. Les français vivent le même malheur. Nicolas Sarkozy a été élu sous le même régime que Mitterrand et Chirac. Quand il est arrivé au pouvoir, il a annexé la résidence de son Premier ministre, fait augmenter son salaire, berlusconisé l’audiovisuel.
Je le dis parce qu’une partie de la classe politique entretient l’illusion que la recette viendrait de la réduction des pouvoirs du président de la République. Or, le problème ne vient pas du fait que le président de la République a trop de pouvoir. Il vient du fait qu’il n’a pas de contre-pouvoir. C’est une subtilité à saisir, pour ne pas s’embarquer dans un réformisme aporétique. Nous entretenons l’illusion qu’Abdoulaye Wade concentre trop de pouvoirs mais c’est parce qu’il n’a aucun contre-pouvoir en face de lui. Toutes les voix dissonantes ont été dissoutes. 
Tout cela serait pardonné si cette mise au pas de l’opposition s’était accompagnée d’une mise en ordre de son gouvernement et de son propre parti. Mais au sein de l’Etat, il a tellement ridiculisé le Premier ministre et les ministres qu’il les pousse à la révolte. Beaucoup de ministres qui se sont déjà rempli les poches ne cachent plus leur intention de partir avant que la comédie ne tourne au drame. Ils jouent aux illuminés quand il les regarde avec sa mine ringarde et dès qu’il tourne le dos, ils se moquent de lui.
Le Pds n’est pas mieux. Le parti pour lequel des générations de militants se sont battus est devenu un fantôme que plus personne ne reconnaît. Abdoulaye Wade a voulu en être le seul chef, mais le résultat est désastreux. Il se rend maintenant au Comité directeur pour s’écouter parler dans un silence intenable pour certains. Abdou Fall avait pour mission « d’élargir le part », Abdoulaye Wade l’a saboté à son insu.
Finalement, même le projet de grand parti de la mouvance présidentielle qu’il voulait pour son fils a été un échec lamentable. Un de ses collaborateurs me demandait en début de semaine s’il était capable de quelque chose. Et c’était son seul motif de consolation : « Finalement, ce sont des incapables. C’est un incapable, mais son fils aussi est un incapable. Ils ont échoué partout, je ne vois pas comment ils pourront réussir leur coup. Ils ont tout essayé. Le produit n’est pas bon. » Mais ils sont capables de réessayer, ces têtes de colons !
SJD



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