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Wednesday 03 September, 2025
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Paroles suspendues : souffle premier, souffle répondant, l’écho vivant d’un héritage immémorial

Auteur: AICHA FALL

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Dans la cour silencieuse d’une maison baignée par la douceur du crépuscule, la vieille grand-mère s’assoit paisiblement, gardienne des mémoires d’un temps révolu. Un enfant repose sa tête sur ses genoux, tandis que ses doigts habiles tressent lentement des mèches soyeuses, comme pour mieux tisser le fil des histoires à venir. Autour d’eux, d’autres petits visages sont tournés vers elle, assis en cercle, captivés, suspendus à chaque souffle, chaque mot, chaque silence qui tisse l’étoffe des contes immémoriaux. C’est dans cet écrin de calme et d’attention que s’éveille la parole sacrée, celle qui relie les âmes et traverse les générations.
- Lébone, lança doucement le conteur, la voix tremblante de la solennité des temps anciens.
- Lipone, répondit l’audience, en un souffle partagé, complicité tissée au fil des récits.
Dans ce premier murmure, naît la parole suspendue, fragile étoile aux reflets d’aube, frisson d’un temps enfoui sous les cendres d’un passé abyssal. Elle s’élève comme une onde douce, caresse ineffable sur la peau de l’invisible, souffle originel qui précède la naissance des récits et des mémoires. Cette voix ancestrale, ténue et profonde, s’inscrit dans le creux des âges, porteur d’un secret sacré, d’une vérité indicible que seuls les cœurs attentifs peuvent encore déchiffrer. Elle est la semence d’un monde perdu, la promesse d’un lien indéfectible entre hier et demain.
- Lébone
- Lipone
Dans le dialogue naissant, la parole répond, s’étire, s’entrelace, s’épanouit comme la floraison d’un jasmin au cœur de la nuit. Elle devient souffle partagé, chant d’âmes, mélodie tissée de silences et de frémissements, écho vivant d’une tradition qui s’enracine au plus profond des êtres. Ce murmure résonne entre les générations, danse invisible où chaque mot porte la chaleur d’un foyer, la tendresse d’une main qui guide, la douceur d’une présence qui veille. C’est l’intervalle sacré où les âmes se reconnaissent, où la mémoire s’embrase et se transmet, précieuse et délicate.
- Lébone
- Lipone
Mais aujourd’hui, à l’ère du numérique, cette tradition ancestrale vacille. Les jeunes générations, immergées dans un univers d’écrans et d’instantanéité, semblent parfois déconnectées de ces rites oraux qui, jadis, étaient le socle de leur identité. Selon plusieurs études socioculturelles, la transmission orale des contes et légendes, jadis vivace dans les villages et les foyers, tend à s’effacer progressivement, remplacée par des formes nouvelles de communication plus rapides, mais souvent plus superficielles. La parole ancienne, riche et vivante, se perd dans le fracas d’un monde hyperconnecté, où le temps d’écoute et de patience se raréfie.
- Lébone
- Lipone
Dans cette déperdition, la parole suspendue devient silhouette fugace, ombre d’un feu vacillant au creux des ténèbres. Elle s’efface comme un dernier reflet sur l’eau calme avant la tombée du jour, comme un soupir d’adieu murmuré à la nuit. Elle cherche encore à toucher, à émouvoir, à éveiller, mais ses contours s’estompent, ses échos s’éloignent. La tradition se replie, fragile fleur fanée, vestige poignant d’une époque où chaque récit façonnait l’âme et liait les générations.
- Lébone
- Lipone
Pourtant, malgré cette fuite, il existe des gardiens tenaces, des passeurs passionnés qui, dans les écoles, les centres culturels ou au cœur des familles, tentent de raviver cette flamme. Des projets de sauvegarde du patrimoine oral se multiplient, cherchant à inscrire ces contes dans des archives sonores, numériques certes, mais porteurs d’une mémoire qui se refuse à disparaître. La parole, bien que fragilisée, persiste dans le regard chargé de nostalgie d’un ancien, dans le silence lourd d’une maison où résonnent encore les fantômes d’histoires oubliées. Elle demeure une promesse latente, un souffle à peine perceptible prêt à renaître lorsque le temps et les cœurs seront mûrs pour l’accueillir à nouveau.
- Lébone
- Lipone
Et dans ce dernier frémissement, la parole suspendue se fait étoile filante traversant l’obscurité, éclat fugitif et magnifique, adieu déchirant, hymne à la beauté fragile de ce qui s’éteint. Elle devient chant voilé, miroir brisé reflétant la vulnérabilité de nos liens, la douce amertume des pertes, et la puissance infinie des souvenirs. Cette voix, malgré son recul, reste une source d’espérance, un appel à la renaissance, la promesse que l’écho de nos ancêtres, malgré tout, ne cessera jamais de vibrer au cœur des hommes…
Auteur: AICHA FALL

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