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Contribution : Encore un scandale qui sera digéré par le temps

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Contribution : Encore un scandale qui sera digéré par le temps

Les plus gros scandales qui ont jalonné la nauséabonde gouvernance libérale sont derrière nous : ils ont été, au fur et à mesure, digérés avec le temps. Il en sera bientôt de même avec l’affaire des 88 millions de francs Cfa, qui ont disparu sans laisser de trace, au ministère de la Fonction publique, du Travail et des Organisation professionnelles (cf Le Populaire du 19 octobre 2007, page 7). Dans cette affaire, les noms de deux anciens ministres et d’un ministre en exercice ont été agités : ceux de Yèro Dè, de Abdoulaye Babou et de Adama Sall. De tous les trois qui se sont expliqués, le moins convaincant a été sans conteste le dernier nommé. Il est d’ailleurs, compte tenu de ses graves antécédents en matière de gestion, le «mieux placé» pour être au cœur de cette affaire gravissime.

Adama Sall – c’est de lui qu’il s’agit – a été tour à tour directeur général de la Sotrac, de la Sapco, du Cices. Cet ancien cacique du Ps siège aujourd’hui dans le gouvernement de Me Wade, en qualité de ministre de l’Hydraulique, après avoir été ministre de la Fonction publique, du Travail et des Organisations professionnelles. Il aura été aussi le président du Conseil régional de Matam, malgré l’opposition farouche des Libéraux de la localité, qui n’ont dû baisser les bras qu’avec les lourdes menaces de sanction de l’ancien Premier ministre et numéro deux du Pds, Idrissa Seck.

C’est ce même Adama Sall qui a été condamné, pour faute de gestion, à une amende de 5 millions de francs Cfa par la Chambre financière en son arrêt du 17 octobre 2001. Le même cacique socialiste, très tôt reconverti bleu a été, également, cité à comparaître par le procureur devant la barre du Tribunal régional hors classe de Dakar. Il était, notamment, poursuivi pour les «délits de détournement de deniers publics, corruption active de fonctionnaire, prise illégale d’intérêt par l’intermédiaire de son épouse et usage abusif et personnel des biens de la Sapco», qu’il a dirigée de 1993 à 1998. Ces graves et nombreuses malversations, qui valurent au très mauvais gestionnaire Adama Sall de comparaître le 12 juin 2002 devant ledit tribunal, avaient été décelées par la Commission de vérification des comptes et de contrôle des entreprises publiques (Cvccp), suite à une vérification de sa gestion de la Sapco. Parmi ces malversations, figuraient en bonne place, rappelons-le, la perception de primes d’intérêt indues, la prise illégale d’intérêt par l’entremise de son épouse, ainsi que de graves surfacturations.

Les primes indûment perçues ont représenté jusqu’à 30 % de la rémunération annuelle de l’ex-Dg de la Sapco. Entre 1994 et 1997, elles représentaient 6 millions 624 mille 907 francs. Le mauvais gestionnaire a également passé, durant l’exercice 1997, des commandes constituées de carnets de restaurant et de bons de commande qui étaient estimées à 4 millions. Selon les contrôleurs de la Commission, «ces achats n’étaient ni prévus au budget, ni soumis à l’approbation du Conseil d’administration et ils ne revêtaient aucun caractère urgent». En outre, «la comparaison des prix facturés à la Sapco par le fournisseur avec les prix du marché révèle une facturation particulièrement significative d’un montant de 2 500 francs par unité. Il ressort de cette comparaison que la surfacturation totale du fournisseur peut être évaluée à 2 millions de francs hors taxe».

L’ancien Dg de la Sapco était, également, accusé de s’être fait rétrocéder un cabanon par un promoteur, la Société Neptune village. Celle-ci avait acquis de la Sapco, en 1996, trois cabanons pour un prix de 6 500 000 francs. Adama Sall s’empressa, selon les vérificateurs, de «transformer le cabanon acquis illicitement en résidence secondaire». Il devenait donc ainsi, par voies détournées, propriétaire d’un cabanon qui faisait précédemment partie du patrimoine de la Sapco. Le rapport de la Commission signale que l’opération douteuse n’avait jamais été approuvée par le Conseil d’administration.

Les vérificateurs ont aussi sévèrement épinglé l’ex-Dg pour «avoir acheté deux amortisseurs pour son véhicule (une Renault Safrane) six mois seulement après son acquisition». Les deux amortisseurs étaient gravement surfacturés. En outre, l’entretien et les réparations du véhicule de fonction ont coûté à la Sapco la somme de 5 millions de francs pour la seule gestion de 1997.

L’ancien Dg n’a pas été, non plus, en mesure de justifier l’utilisation de 6 180 litres de carburant Super et 14 250 litres de Gasoil, le tout représentant un montant de 4,2 millions de francs. Pour ce qui concerne les missions réalisées entre 1996 et 1998, un surcoût de plus de 3 millions au profit de notre ancien Dg a été mis en évidence par le rapport. Ce dernier ne se refusait rien, s’attribuant aussi des indemnités bien supérieures aux taux réglementaires.

Le rapport révélait, également, que notre très mauvais gestionnaire se montrait particulièrement généreux : il «accordait à la pelle des prises en charge en pension complète dans les hôtels de la Station Saly à sa famille, à ses proches, à certains membres du Conseil d’administration de la Sapco, à certaines autorités administratives et politiques», le tout pour la coquette somme de 20 millions 200 000 francs.

Comble d’irrégularité, le rapport de la Commission a mis en évidence des dons de parfums de luxe pour un montant de 845 000 francs ; parfums achetés dans la pharmacie de son épouse Mme Jeanne V. Sall, sans que, d’ailleurs, les bénéficiaires ne soient jamais connus. Je passe sous silence d’autres graves irrégularités épinglées, comme l’anticipation de recettes futures s’élevant à 195 millions réalisées par la Sapco et inscrites au passif du bilan de la société, l’absence de mise en concurrence des fournisseurs, la présentation maquillée des résultats comptables et du patrimoine de la société, ainsi qu’au niveau de la masse salariale.

Plus grave encore, selon le rapport, Adama Sall aurait tenté de corrompre l’expert-comptable membre de la Commission, M. Amadou Arame Diagne, en lui offrant des bons de 50 litres portant l’en-tête de la société, la somme de 100 000 francs et un agenda de luxe. M. Sall était poursuivi pour de nombreuses autres irrégularités dont on peut trouver des détails croustillants dans les journaux de la place qui ont largement rendu compte du rapport qui l’accablait1.

Voilà l’homme qui a troqué, dès les premières heures de l’alternance, le vert palissant du Ps contre le bleu attrayant du Pds ; l’homme qui trône au niveau le plus élevé de l’Administration et du parti gouvernemental, continuant probablement de plus belle ses massacres des deniers publics, l’habitude étant une seconde nature. Si je devais pointer un doigt accusateur, à propos des 88 millions qui se sont volatilisés au ministère de la Fonction publique, du Travail et des Organisations professionnelles, ce serait bien sur Adama Sall plutôt que sur les deux autres dont les noms ont été cités.

Cet homme-là n’a pas finalement tout à fait tort d’ailleurs. Celui qui nous doit des explications et des excuses, c’est bien Me Wade qui, pour des raisons purement politiciennes et électoralistes, a hermétiquement fermé les yeux sur ses graves antécédents, pour le porter à des stations auxquelles il n’aurait jamais osé aspirer du temps des Socialistes. Dans son livre Wade, un opposant au pouvoir. L’alternance piégée ?, Abdou Latif Coulibaly relève, en effet, que «Abdoulaye Wade fait moins que Abdou Diouf dans le traitement du cas Adama sall». L’ancien président de la République du Sénégal avait adressé une lettre à son ministre de la Justice Serigne Diop, pour le «prier de prendre les dispositions utiles pour faire traduire devant les tribunaux Adama Sall». C’était le 23 février 1998. Les vérificateurs de la Cvccp avaient aussi expressément recommandé dans leur rapport, que des responsabilités ne fussent plus jamais confiées au délinquant présumé. Voilà que Me Wade, qui ne cesse vraiment de nous étonner, l’admet dans le Comité directeur de son Parti, l’impose comme président de Conseil régional et le nomme ministre de la République. Il est donc le seul responsable de toutes les malversations auxquelles son protégé pourrait être amené à s’adonner. Et auxquelles il est sûrement en train de s’adonner. Bukki kenn du ko dink ay seel.

Je m’attends, naturellement, à une réaction du mauvais gestionnaire, pour me rétorquer, comme il l’a déjà fait, il y a quelques années, à un journal qui flétrissait ses «prouesses» en matière de mauvaise gestion, qu’il a été finalement blanchi. Qui ne l’a pas été dans cette gouvernance libérale meurtrie ? Les mêmes juges qui l’ont blanchi, s’il est vrai qu’il l’a été, en ont fait de même, contre toute attente, avec d’autres mauvais gestionnaires lourdement épinglés par nos structures de contrôle. Soulevant ainsi, chez le citoyen et le pauvre contribuable, de lancinantes questions auxquelles ils n’ont jamais trouvé des réponses. Parmi ces mauvais gestionnaires curieusement blanchis, on peut notamment citer Sada Ndiaye, Mbaye Diouf, Ibrahima Sarr, Assane Diagne, etc. Dans ce Sénégal de Me Wade, c’est l’inversion des valeurs. La corruption, la concussion, les détournements de deniers publics y sont tolérés, voire encouragés et entretenus par celui dont la mission première devait être de les traquer jour et nuit. N’est-ce pas celui-là, le président de la République, qui déclarait, à propos de la corruption, ce qui suit : «La corruption existe dans tous les pays et si on en parle tant au Sénégal, c’est à cause de la vitalité démocratique au Sénégal qui permet aux journalistes de dénoncer sans courir le risque d’être tués ou d’aller en prison» ? Et notre Président bien-aimé de poursuivre, le plus naturellement du monde, en ce 10 janvier 2007, jour solennel de rentrée des Cours et tribunaux : «Ces scandales sont des accidents de parcours qui seront digérés au fur et à mesure.»

La cause est donc vraiment entendue : avec un tel homme à la tête de notre pays, le pauvre contribuable n’aura jamais le cœur net sur les 88 millions qui se sont volatilisés au ministère de la Fonction publique. Avec un tel homme, les gestionnaires de deniers publics, qu’ils soient à l’Anoci, à l’Apix, au niveau de toutes les nombreuses autres agences comme à celui des collectivités locales, peuvent continuer de s’adonner à cœur joie à leurs massacres : ils ne seront pas, le moins du monde, inquiétés puisque, dans notre pays, les scandales finissent toujours par se résorber avec le temps. Ils peuvent continuer tranquillement leur festin dans la mesure où, avec la nauséabonde gouvernance libérale, les plus mauvais gestionnaires sont toujours portés au niveau des stations les plus élevées.

1 - Notamment Le Soleil du 13 juin 2002 et Le Populaire des 15 avril et 12 juin 2002. On peut en trouver aussi au chapitre 6 («L’opacité dans la gestion des affaires publiques : un dénominateur commun aux Socialistes et aux Libéraux») de mon livre Me Wade et l’Alternance : le rêve brisé du Sopi.  



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