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Israël-Palestine, la paix dans une impasse barricadée (Elhadji Diaga Diouf)

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Israël-Palestine, la paix dans une impasse barricadée (Elhadji Diaga Diouf)
Le 06 octobre 1973, les sirènes retentirent partout en Israël, c’est le jour de la fête juive du Yom Kippour. Mais c’est plutôt l’incursion de l’armée égyptienne qui venait de franchir la ligne Bar-Lev qui retiendra l’attention du monde. Cinquante ans et un jour après le Kippour, le 07 octobre 2023, jour de fête à nouveau en Israël, des commandos palestiniens du Hamas vont mener une attaque imparable sur le sol israélien, attaque qui fera la Une de la presse mondiale. 

Petit rappel historique.
Israël et Palestine, un territoire, deux peuples, et peut-être deux Etats. Terre promise aux juifs selon les récits bibliques ; le territoire de Canaan connu sous le nom romain tardif de Palestine passera sous le contrôle de différents peuples au fil de l’histoire, les juifs, éparpillés dans différents pays du monde notamment en Europe. A la fin du XIXème siècle, certains juifs européens, victimes des pogroms (massacres antisémites) vont donner naissance au sionisme, mouvement prônant le retour de la Diaspora juive dans leur Terre promise, la Palestine, au Congrès de Bâle de 1896. En 1916, alors sous-contrôle ottoman, la Palestine sera incluse dans un accord de partage secret signé par les britanniques et les français (accords Sykes-Picot). En position de force dans la région, les britanniques vont faciliter l’installation des juifs en Palestine (déclaration Balfour de 1917) en vue d’obtenir le soutien du puissant lobby juif et des Etats-Unis dans la guerre. Le territoire sera officiellement placé sous mandat britannique par la nouvelle organisation internationale post-guerre, la Société des Nations. Les sionistes vont s’y installer en masse et implanteront des Kibboutz dans plusieurs zones de la Palestine. Après moult bouleversements et revirements de situation, la Grande Bretagne se résigne à se débarrasser de l’épineuse question palestinienne. Ainsi, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le dossier sera transmis à l’Organisation des Nations Unies, héritière de la défunte SDN. Pour l’ONU, c’est l’UNSCOP (le comité spécial des nations unies pour la Palestine) qui sera chargé d’élaborer un plan pour une solution à la question palestinienne. Le 29 novembre 1947, l’ONU adopte la résolution 187 qui propose le partage du territoire en deux Etats, un Etat juif établis sur 55% du territoire, un Etat arabe occupant 44 % et un territoire sous contrôle onusien en occurrence la ville internationale de Jérusalem alors que la population arabe est deux fois plus importante. Le 15 mai 1948, à la suite de la proclamation unilatérale de la naissance de l’Etat d’Israël par David Ben Gourion, les pays arabes vont déclarer la guerre à l’Etat hébreu. Tsahal, l’armée israélienne, fort du soutien des Etats-Unis va faire goûter le feu aux arabes, c’est la Nakba (la catastrophe) pour les arabes. Dans cette guerre comme dans celles qui suivront en 1956 et en 1967, Israël va faire parler sa puissance militaire ce l’incohérence et au manque de coordination des actions arabes. La défaite arabe de 1967 renforce le prestige d’Israël qui contrôle désormais tout le territoire destiné à la création d’un Etat arabe et entreprend une politique de colonisation notamment en Cisjordanie. Le nationalisme palestinien prend, dès lors, forme et est incarné par Yasser Arafat, le président de l’OLP.
Née dans ce contexte marqué par la colonisation israélienne et le départ en exil de milliers de palestiniens, l’OLP va développer une panoplie d’actions variant entre l’offre d’un choix de la prise du rameau d’olivier ou celle du fusil de révolutionnaire tel que le stipulait Arafat dans son discours à la tribune des Nations Unies en 1974. Dans les années 90, particulièrement après l’impasse sur les accords d’Oslo (assassinat de Rabin), le radicalisme triomphe de part et d’autre. En Israël, le Likoud de Netanyahou est porté au pouvoir alors qu’en Palestine, le Hamas, mouvement créé par des leaders issus des Frères musulmans, qualifié comme groupe terroriste, extrémiste-islamiste par les occidentaux, prend de l’envergure.  Ce mouvement finira même par remporter les élections législatives palestiniennes de 2006 mais les Etats-Unis, Israël et leurs alliés vont radicalement s’opposer à la prise de pouvoir du Hamas. Nonobstant cette opposition occidentale et malgré le blocus imposé sur Gaza depuis 2007, le Hamas va administrer l’enclave de Gaza, laissant la Cisjordanie à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, le successeur d’Arafat. Il faut le dire, depuis le début du XXIème siècle, les relations israélo-palestiniennes se résument en une série de provocations suivies de réactions massives et disproportionnées de l’un ou de l’autre avec un lourd bilan humain et matériel à chaque fois.
Une répétition du Kippour ?
Un parallélisme de circonstances s’impose entre la guerre du Kippour et les évènements qui secouent le Moyen-Orient depuis le 07 octobre 2023.
En octobre 1973, après maintes humiliations, les pays arabes (l’Egypte et la Syrie) réussissent à peaufiner une stratégie sécrète d’invasion d’Israël (l’Opération Badr). Malgré l’ampleur et l’envergure de l’opération, les services secrets israéliennes sont passés à côté de la plaque. En octobre 2023, le mouvement Hamas, longtemps réprimé dans le sang voire humilié par Tsahal, prépare dans une discrétion qui dépasse le rationnel, son opération « déluge d’Al Aqsa ». Une nouvelle fois, le Mossad, Aman, les renseignements américains n’ont quasiment rien vu venir et ce malgré leur budget faramineux et leur niveau d’avancement technologique.  
A travers l’opération Badr, les troupes égyptiennes avaient magistralement réussi à faire sauter la ligne Bar-Lev après des frappes de l’aviation commandée par Hosni Moubarak sur des postes de commandement, des batteries, des stations radars et trois aéroports israéliens. Avec le « déluge d’Al Aqsa », ce sont des centaines de roquettes tirées depuis la bande de Gaza qui sont venues mettre un terme à la quiétude des villes israéliennes du sud en ce jour de la Shabbat. Par motos, par bateaux et par ULM, des centaines de combattants palestiniens se sont infiltrés en Israël. Un bilan provisoire de plus de 1 200 morts et 2 800 blessés est établie par les services sanitaires israéliens à la date du 11 octobre. Jamais Israël n’avait subi un tel revers depuis le début de la guerre ou même du sionisme.
Après la guerre du Kippour, une commission d’enquête a été installée en Israël pour déterminer les responsabilités. Les conséquences majeures ont été la démission de la première ministre Golda Meir mais aussi et surtout la prise de conscience de la part des hébreux, de leur vulnérabilité face à la menace permanente des pays arabes. C’est d’ailleurs ce qui précipitera le début des négociations entre Israël et l’Egypte déclenchant de facto le processus de normalisation des relations avec les voisins arabes, l’Egypte de Sadate en tête de file. Qu’en sera-t-il de Benjamin Netanyahou ? Longtemps barricadé dans une confiance démesurée frisant l’insolence sous le parapluie du dôme de fer, Israël a été forcé au réveil par la tempête du déluge d’Al-Aqsa. Comment le Hamas a-t-il pu préparer une opération d’une telle envergure, en termes logistique et stratégique ? L’Iran a-t-il joué un rôle dans cette opération ? Pourquoi les renseignements israéliens et américains sont-ils passés à côté d’une telle information ? Autant de questions se posent et restent sans réponses. Mais tout ceci ne milite en aucun cas en faveur de Netanyahou déjà fragilisé et de plus en plus impopulaire. Quelle option s’offre à Israël dans cette avalanche de violence ?  A l’immédiat, Israël a décidé de tenir un discours ferme, belliciste et extrémiste avec une rhétorique fondée sur l’extermination du Hamas mais cette posture parait plus destinée à panser les maux d’une société israélienne au désarroi qu’elle traduit une réalité opérationnelle. Il est évident que la prise de plus d’une centaine d’otages notamment des hauts gradés de l’armée israélienne par le Hamas complique d’avantage toute opération terrestre dans la bande de Gaza.  La question reste à savoir comment exterminer le Hamas tout en préservant la vie des otages ? Pour rappel, à partir du 28 juin 2006 Tsahal avait lancé dans la bande Gaza une opération militaire d’envergure du nom de code « Pluies d’été », dans le but de faire libérer un caporal franco-israélien, Gilad Shalit, pris en otage par les combattants palestiniens. Toutefois malgré la force de frappe israélienne, il faudra attendre 2011 c’est-à-dire cinq ans pour obtenir la libération de Shalit en contrepartie de la libération de 1 027 palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Aussi les bombardements massifs sur Gaza pourraient déboucher sur une nouvelle escalade de violence et plonger le Moyen-Orient dans une impasse et une escalade qui pourrait atteindre des proportions dramatiques. Si l’on prend au sérieux les menaces du Hezbollah libanais d’ouvrir un front au nord (des frappes ont étaient déjà revendiquées dans cette zone par l’organisation pro-iranienne) et la disposition des Etats-Unis à renforcer leur aide militaire à Israël, il ne serait pas moins raisonnable de redouter un enlisement généralisé qui pourrait porter le conflit dans des proportions plus dramatiques. Il ne serait donc pas déraisonné d’espérer que comme en 1973, ce conflit actuel soit un déclic pouvant faire bouger les lignes et mener à des négociations sérieuses, sincères et constructives en perspective de la matérialisation de la solution à deux Etats.
Déluge d’Al-Aqsa contre glaive de fer : entre raison, passion et parti-pris
Peut-on parler de l’arroseur arrosé ?
Il faut le dire, les massacres orchestrés par le Hamas dans plusieurs kibboutz israéliens, Kfar Aza, Be’eri, Nahal Oz, … ne peuvent laisser toute personne éprise de sens de l’humanité sans réaction. L’horreur des charniers, l’extermination de populations civiles rappelant la sauvagerie nazie nous incitent naturellement à s’interroger sur le sens de l’existence et de l’avenir de la civilisation humaine. L’opération du Hamas en terre israélienne aura donc créé un tsunami diplomatique et médiatique faisant trembler les différentes chancelleries et occupant la Une des médias depuis quelques jours. Toutefois, certaines réactions d’hommes politiques notamment occidentaux soulève sans doute et naturellement un questionnement sur le traitement disproportionné, partisan et contraire au principe de l’égalité de tous les humains, de la question palestinienne. Depuis plusieurs décennies, Israël prive les palestiniens du droit à l’autodétermination, les contraint à l’exil pour en faire des apatrides, colonise leurs terres, les provoque, les humilie et les massacre. Mais cela n’émeut personne et la supposée communauté internationale reste aux abonnés absents. Israël bafoue le droit international, foule au pieds les résolutions onusiennes visant à trouver une solution juste et équitable du conflit, mais aucune sanction parce que c’est Israël, c’est l’allié des Etats-Unis. La volonté de faire disparaître le Hamas peut-elle justifier et donner à Israël le droit de mettre la Bande de Gaza dans un état de siège total ? Priver des populations civiles (plus de deux millions de personnes) d’eau, d’électricité, de carburant, de gaz, … chercher à trouver une justification à de telles pratiques, c’est valider l’exclusive, donner à Israël la prérogative de déroger au droit international. Aucune paix, aucun système de défense ne peut se pérenniser dans un monde d’injustices, d’inégalités et de persécutions. Couper des têtes, d’autres repousseront. Alors la solution ne peut en aucun cas se trouver dans l’usage extrême de la force. L’ONU, les différentes puissances, toute la communauté internationale doivent, si véritablement il y a intention de parvenir à une paix juste et durable entre Israël et la Palestine, tenir une posture diplomatique responsable, constructive et volontariste. Tant que la vie d’un palestinien ne comptera pas autant que celle d’un israélien, tant que les palestiniens n’auront pas l’espoir de jouir d’une nationalité et d’une appartenance reconnue de tous, il sera difficile d’éradiquer chez eux la tentation du radicalisme et de l’extrémisme. Combattre la barbarie du Hamas reviendrait de manière simple à reconnaitre aux palestiniens leur droit à l’autodétermination et de les aider à créer les conditions optimales d’un épanouissement intellectuel, moral, politique et humain. Légitimer le droit d’Israël à maintenir Gaza sous blocus depuis 2007, à bombarder des bâtiments civils dans Gaza, à affamer les palestiniens, à ordonner le départ des populations civiles Gazaouites vers le sud de l’enclave dont le seul point de sortie, Rafah, est fermé ne fera que raviver et renforcer la flamme de la résistance chez les palestiniens. L’obstructionnisme américain dans le processus de résolution du conflit, son soutien inconditionnel et infaillible à Israël, le parti-pris d’une écrasante majorité de la communauté internationale en faveur de l’Etat hébreu, les intérêts géostratégiques des belligérants, la montée en puissance de l’extrémisme et du radicalisme dans les deux camps, …, ont fait que le processus de quête d’une paix juste et durable entre Israël et la Palestine se trouve pris au piège dans une impasse barricadée.

Elhadji Diaga Diouf, professeur d’histoire et de géographie au lycée mixte Maurice Delafosse de Dakar. 


2 Commentaires

  1. Auteur

    En Octobre, 2023 (19:18 PM)
    le droit à la résistance, pacifique ou armée, de tout peuple envahi ou colonisé est un droit intenrational. Israël est le seul repsonsable de cette situation : depuis 75 ans la palestine est occupée et ses habitants torturés et tués impunément ! honteux !
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  2. Auteur

    Fthiare

    En Octobre, 2023 (05:46 AM)
    Mr. Le professeur

    Votre texte bien que long manque de pertinence et semble à prime abord ressortir votre position partisane dans un conflit qui dépasse les soubassements religieux. Je vous rappel aussi que de la guerre des six jours à  l'opération Al assa en passant bien sûr par la guerre de Kipour Israël na jamais recu un soutien militaire tel que vous le soutenez dans vos écrits.

    Pour votre gouverne:

    Israël c'est Jacob, fils d'Isaac et petit-fils d'Abraham et ses douze fils forment les douze tribus d'Israël.

    Le royaume d'Israël fondé par David se divise en 2 royaume hébreux vers 930 avant JC, peu après la mort de Salomon. Celui du Nord, qui regroupe neuf tribus sur douze et dont Samarie est la capitale, conserve le nom d'Israël et ses habitants sont appelés Israélites. Mais il est bientôt détruit par les Assyriens ; ses habitants sont dispersés et remplacés par de nouveaux-venus. La région prend le nom de Samarie. Le royaume du Sud, autour de Jérusalem, réunit les tribus de Lévi, Benjamin et Juda et prend le nom de Judée, en référence à cette dernière tribu. Il survit pendant deux siècles à Israël de sorte que les descendants d'Abraham vont se faire appeler aussi Judéens ou Juifs.

    Israël est enfin le nom qu'ont donné les juifs à l'État qu'ils ont fondé en Palestine en 1948 avec l'accord de l'ONU (en hébreu : Eretz Israel, qui veut dire Terre d'Israël). L'indépendance de cet État a été proclamée par David Ben Gourion le 14 mai 1948. Le professeur Chaïm Weizmann est devenu l'année suivante le premier président de la République d'Israël. Les habitants d'Israël sont appelés Israéliens, quelle que soit leur religion.

    Une question pour vous: si depuis l'an 930 avant Jésus Israël vivait dans ces lieux, pourquoi les arabes ne peuvent pas accepter l'existence d'Israël?

    Partout, pour que la paix règne il faut d'abord l'appeler.

     
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    • Auteur

      Reply_author

      En Octobre, 2023 (18:35 PM)
      Bonsoir mon cher j'ai bien apprécié votre réaction.  Je vous reconnais la liberté de juger de la pertinence ou non de mon texte.  Je défend mes idées, ma vision des choses. Premièrement vouloir faire croire qu'Israel n'a jamais reçu de soutien durant tout ces conflits c'est à mon envie effacer une partie de l'histoire du conflit.  Depuis 1948 et bien avant même Israël a toujours bénéficié du soutien des États-Unis surtout sur le plan militaire.  Deuxièmement je ne soutien en aucun cas le droit absolu des arabes sur Israël fondée sur l'extinction d'Israël en tant qu'Etat.  Moi je milite poir le respect du droit inaliénable des peuples à disposer d'eux-mêmes et cela implique la prise en compte du droit de la Palestine a existé politiquement. Je suis convaincu que la paix dans la région devra passer par une solution à deux États voulu par tous.
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