[ Contribution ] Karim Wade, seul candidat déjà en campagne électorale pour 2012 ?

Qui est Karim Wade ? Nous ne pouvons pas dire qu’il est sorti de nulle part puisqu’il est avant et après tout le fils biologique du Kajoor-Kajoor surnommé, sans doute par dérision, Buur Saalum, l’homme qui règne en maître absolu sur le Sénégal depuis presque une décennie et nous fait trembler d’effroi en déclarant qu’il compte y rajouter sept années. C’est en 2002 que nous avons vraiment commencé à entendre parler du grand frère de Sindiély Wade. Conseiller de son papa (poste fourre-tout), il devint très vite le nouveau Jean Colin, l’homme fort du pays, après son papa. Il lui arrivait même, raconte-t-on, de convoquer des ministres. L’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) lui étant confiée pas son géniteur, il créa sa fameuse « génération du concret », une espèce de parti politique sans récépissé au sein du Pds, un gouvernement parallèle selon certains. Du président de l’Assemblée Nationale au planton, quiconque n’est pas dans ses bonnes grâces est balayé comme une ordure.
Wade-père clame qu’il ne veut pas remettre le pouvoir à son fils, mais ses actes disent le contraire. Sékou Touré disait : « Un homme est ce qu’il dit, mais quand ce qu’il dit diffère de ce qu’il fait, jugez-le par ce qu’il fait. » Nous devons nous rendre à l’évidence. Tout est mis en place pour que la dynastie Wade prolonge son règne. Tout montre que pour le père, il n’y a que son fils qui peut et doit lui succéder. De leur sévère et humiliante défaite en mars 2009, ils n’ont apparemment tiré qu’une seule leçon : « Karim doit s’approcher des populations, les habituer à le voir et l’accepter comme prochain président de la République. » Là, papa n’a pas lésiné sur les moyens. Il a carrément sorti l’artillerie lourde. On peut dire sans trop exagérer que le Prince contrôle désormais le pays. Tout ou presque est sous sa houlette.  On dirait qu’il est à la fois, le maire des maires, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Economie, le ministre des Infrastructures, le ministre de l’Urbanisme et le ministre des Transports aériens. A quelques exceptions près, seules l’armée et la police ne sont pas encore sous ses ordres. Le pouvoir lui est « démocratiquement » servi sur un plateau, mais « il est très toubab ; il n’est pas bien imprégné de la culture Sénégalaise, il ne parle pas bien wolof et il ne cerne pas tous les rouages de l’administration. » Le peuple ne veut toujours pas de lui. Et parmi les libéraux, beaucoup rechignent, ne serait-ce qu’en sourdine, à le laisser occuper la première place, sachant qu’il n’en a ni la carrure ni la compétence.
C’est alors que le papa pose sa dernière carte sur la table. Pour couvrir son fils et le laisser continuer tranquillement ses manœuvres sous son ombre, il se déclare candidat en 2012. Ils ont d’abord, bien entendu, fait circuler la rumeur pour tester l’opinion avant d’en arriver là. Si Wade était plus préoccupé par les problèmes des Sénégalais que par son trône, il aurait dit à ses partisans : « En ces moments difficiles, l’heure est au travail. Les élections n’auront pas lieu avant deux ans et demi. Occupons-nous de qui urge. » Mais non. Il s’est jeté sur la première occasion pour en faire le principal sujet d’actualité.
Seul Karim Wade bénéficie de l’annonce ô combien prématurée et inopportune de cette « candidature ». Maintenant, tous les membres de la « grande famille libérale », y compris Idrissa Seck, doivent se rasseoir pour ne pas s’opposer au dieu du Sopi. Et les voilà neutralisés par des paroles en l’air. N’osant plus piper mot, ils baisseront la garde, laissant Karim seul maître à bord. Au nom du père, le Ndiomborton n’a pas perdu de temps. Il a fait savoir qu’il va parcourir le territoire non pas pour l’aménager comme on aurait pu s’y attendre, mais pour faire réélire son papa. Depuis quand est-il directeur de campagne ? Est-ce que la campagne est à l’ordre du jour ? Il est clair comme de l’eau de roche qu’il annonce l’ouverture de sa propre campagne électorale. Il a bien dit « tournée politique ». Qu’est-ce d’autre qu’une campagne électorale à peine déguisée ? L’opposition restera encore amorphe, comme lorsque le grand Ndiombor faisait campagne lors des élections locales sous prétexte que c’était une tournée économique.
Karim a tous les atouts. Il peut commencer sa campagne maintenant, deux ans avant les autres candidats, et il a les moyens de l’Etat à sa disposition pour charmer ou acheter les populations. Avec l’argent du peuple et les centaines de milliards offerts par les Américains, il pourra construire des routes, des ponts, créer une nouvelle compagnie aérienne, désenclaver la Casamance, la région du Fleuve et celle de Tambacounda, distribuer encore des billets de banque, des sacs de riz, des billets pour la Mecque… Quand il y aura un scandale, on nous dira qu’il n’avait aucun contact direct avec l’argent. Qui a une cuillère ne se brûle pas les doigts. Il pourra paisiblement multiplier les meetings politiques avec des pancartes et banderoles le montrant à côté de son père, les bains de foule et les inaugurations. Tout ce qu’il fera devra être un succès. Si les Sénégalais veulent que cessent les coupures d’électricité, c’est le moment ou jamais de descendre dans les rues pour exiger que Karim Wade soit nommé ministre de l’Energie.
En fin 2011, si Karim a la côte, son papa fera une déclaration du genre : « J’avais dit que si Dieu me donne longue vie, ma santé et mon cerveau, je serai candidat en 2012. Allahamdoulillah, je suis encore là, mais la nature à ses lois. Je n’ai plus vingt ans. Karim est celui que vous avez choisi comme candidat, soutenons-le et souhaitons-lui bonne chance. » Avec tout ça, même Yaawu Jaal serait président. Si Karim n’y arrive pas, c’est qu’il est vraiment un incapable.

Bathie Ngoye THIAM.