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Le droit de la nationalité française à l’épreuve des élections présidentielles de 2024 au Sénégal (Par Maitre Ousseynou Babou)

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Le droit de la nationalité française à l’épreuve des élections présidentielles de 2024 au Sénégal (Par Maitre Ousseynou Babou)
Le droit de la nationalité française à l’épreuve des élections présidentielles de 2024 au Sénégal :
Pour la première fois de son histoire, le Sénégal vient de reporter sine die son plus grand et important calendrier Républicain : les élections présidentielles devant se tenir le 25 février 2024.

La cause principale avancée est l’existence de nombreuses irrégularités dans le déroulement des opérations de contrôle des parrainages ainsi que des soupçons de corruptions et de fausses déclarations entourant ce processus.

Toutes causes et tout compte fait, ayant fait aboutir diantrement, à ce que Monsieur le Président de la République abroge in extremis par décret n°2024-106 du 3 février 2024, le décret de convocation du collège électoral n°2023-2283 du 29 novembre 2023, laissant ainsi les citoyens et la communauté internationale dans une situation évanescente et de profonde inquiétude.

D’aucuns sont la plupart qui considèrent que ce sont des arguments apocryphes qui ont été avancés et une grande suspicion est nourrie chez une bonne frange de la vox populi, qui considère que ce n’est qu’un prétexte pour éviter une défaite évidente et proche de son camp infligée par « l’extrême droite sénégalaise ».

En tout état de cause, pour parler comme Arthur Schopenhauer dans son ouvrage sur l’art d’avoir raison « La paix vaut encore mieux que la vérité. », « Toute vérité franchit trois étapes. D'abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence ».

Est-ce un crime de lèse-majesté contre le peuple souverain de reporter un important rendez- vous inscrit en lettre dorée dans la constitution ou est-ce que le Président Sall a agi avec mesure sur la gravité de la situation où une certaine immixtion de fait et de droit l’auront conduit à sacrifier aussi bien le calendrier sacro-saint de la République que sa propre image ou envergure ou posture que ces partisans se plaisent urbi et orbi de brandir comme un vrai leader ou leadership de nouveau mondial.

Sans aucun doute possible, nous sommes bien en présence d’une situation sacrificielle et suicidaire sous l’autel de son image à travers le monde ainsi que de la mise en cause de sa sortie combien honorable et honorifique après sa décision de se soustraire à la participation aux élections présidentielles.
 
Cependant la question est de savoir est-ce que cette décision du report en vaut la peine ou est- ce que ce modus Operandi mérite pour lui, pour son image et sa postérité ce sacrifice ultime.

D’autres nous diront que ce sacrifice serait tout simplement purgé par le danger qui guette notre pays et qu’il faille y remédier.

L’autre immixtion qui est l’immixtion de droit est celle concernant le droit français de la nationalité dans les élections présidentielles sénégalaises de 2024, dont nous souhaitons intervenir sur ce point pour tenter de lever les équivoques, les contradictions, les erreurs qui ont à tort ou à raison entouré les circonstances d’invalidation du candidat à l’origine duquel, son parti a brandi une accusation gravissime à l’endroit des membres prestigieux de cette institution prestigieuse de notre République.

Parmi ces membres prestigieux, il me plaira de citer mon ainé, grand-frère et ami le Président Cheikh Tidjane Coulibaly, pour qui, tous les hommages possibles ne seront jamais assez pour relever ses hautes qualités de magistrat, d’homme de droit de droiture, de probité de courage, d’intégrité et de loyauté etc.

En effet, il a été avancé aussi bien dans la décision du conseil constitutionnel que pour les autres candidats à l’élection présidentielle au Sénégal, la problématique de la double nationalité où l’exclusivité est de mise pour tout candidat à celle-ci.

Dans cette décision, en tant que praticien du droit surtout de cette matière, il y a lieu d’abord et de prime abord, in absentia de constater la décision regrettable et critiquable du conseil constitutionnel.

Il s’agit pour le cas d’espèce, d’une problématique relative à la charge de la preuve en matière de nationalité.

L’intéressé en l’occurrence Monsieur Karim Wade a cru bon de devoir verser in extremis un décret à la veille où le conseil statue sur sa demande, alors qu’il ne lui fallait aucunement cette pièce supplémentaire pour convaincre ledit conseil en son droit légitime à la recevabilité de sa candidature.

Pas plus que pour lui de devoir justifier d’autre pièces supplémentaires, puisque le droit de la nationalité est un droit des personnes où la charge de la preuve incombe à celui qui en réclame ou en revendique et à celui pour qui, il est contesté la qualité de français.

Les dispositions de l’article 30-2 du code civil français sont non moins plus explicites, surtout qu’au visa de l’article 29-3 du code civil toute personne a le droit d’agir pour faire décider qu’elle a ou qu’elle n’a point la qualité de français et que le procureur de la République a le même droit à l’égard de toute personne.

Le renversement de la charge de la preuve est de mise lorsque la personne qui brandit sa qualité de français et qui en est titulaire du certificat de nationalité.

Seule pièce admise en droit français pour présumer de la qualité de citoyen français de l’auteur qui en est titulaire.

Cette présomption peut être combattue par des éléments de preuve contraire à l’occasion d’une action déclaratoire ou negatoire devant le Tribunal judiciaire.

Contrairement à l’idée répandue dans l’opinion et chez les profanes, la seule détention d’une pièce d’identité française, d’un passeport français ne prouvent pas la qualité de nationalité française de la personne détentrice.

Ces pièces sont analysées en droit français en une possession d’état, qui n’emporte pas de plein droit la qualité de nationalité française de son auteur.

En dépit du fait que ces éléments de possession d’état français constituent des éléments à titre probatoire et non à titre d'attribution de la nationalité française, ils ne sont que des présomptions simples et qu’il appartient au ministère public ou à toute personne qui en conteste la qualité à quelqu’un d’apporter les éléments constitutifs prouvant le contraire en raison du renversement de la charge de la preuve.

C’est le cas également de l’inscription dans une liste consulaire, encore moins dans une liste électorale comme l’a semblé avancé les tenants du recours exercé contre Monsieur Karim Wade.

Ainsi, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation française, le juge constitutionnel s’est largement trompé à ce propos.

La circonstance que la déclaration n’a été effectuée antérieurement à la sortie du décret actant la perte de la nationalité française, n’a pas pour effet de la rendre inopérante au moment où le conseil constitutionnel statue.

Qu’en aucune manière, il n’appartenait pas au conseil constitutionnel, au regard des pièces produites par Monsieur Wade, de se prononcer en invalidant en l’absence pour la situation propre de ce dernier, de son certificat de nationalité.

Outre encore le fait que l’intéressé lui-même a déclaré avoir volontairement effectué un acte de renonciation à l’allégeance de la France, lequel aurait suffi pour lui et pour le conseil à constater sa perte de la nationalité française et ce d’autant plus que les article 23-3 et 23-5 prévoient que l’acte de renonciation a pour prise d’effet le jour où l’acte est pris et déposé.

Rappelons encore que Monsieur Karim Wade pourra à tout moins demander son réintégration à la nationalité française.

Alors, il est incompréhensible que le juge constitutionnel entre dans ce jeu complexe de ce contentieux, auquel, il l’a fait installer péremptoirement dans les élections présidentielles.

Une immixtion du droit de la nationalité française relativement sur le lien de filiation de Monsieur Karim Wade, sur les effets de ce lien sur sa nationalité et sur la recevabilité de sa candidature dont les tenants et les aboutissants dépassent les prérogatives du conseil et interpellent notre histoire commune avec la France.

L’histoire des quatre communes pendant la colonisation et l’histoire du Sénégal sont extrêmement imbriquées avec les citoyens des deux côtés.

Nombreux sont des concitoyens qui disposent aussi bien de la nationalité française que de la nationalité sénégalaise et s’il venait à être examiné en cas de contentieux, ces derniers disposent plus de preuve de la nationalité française que celle sénégalaise d’autant plus que nombreux sont ceux qui ne disposent pas du certificat de nationalité sénégalaise par pure ignorance

En outre, cette problématique des binationaux excluent ipso facto les enfants de nos concitoyens dans la diaspora pour qui, l’exercice et le droit de participer librement au concours des activités politiques de leurs pays en seraient lourdement mis en cause.

Ils sont non seulement pourvoyeurs des IDE investissements directs étrangers mais aussi pourvoyeur de capital humain.

Pour les besoins ou pour les beaux yeux de qui, faudrait-il les exclure de facto ce droit à l’ambition légitime de servir son pays à la plus haute station. Sous ce rapport, nous soutenons une modification de la constitution pour prendre en compte le statut des binationaux pour lequel d’ailleurs le projet de loi de 2011 sur le quart bloquant avait tenté en vain de supprimer.

En tant que multilatéraliste, ayant fréquenté L’OMC et ayant soutenu des travaux en ce sens, je ne saurai cautionner cette exclusion de ces sénégalais de la diaspora.

Ainsi, il ne faut jamais mettre l’histoire en perte et profit comme si rien n’était, en faisant table rase des droits de nos nombreux concitoyens qui sont aussi bien sénégalais que français et ce depuis des générations, surtout les ressortissants des quatre communes. La réflexion mérite-elle d’être plus approfondie.

Le droit de la nationalité français a connu plusieurs cycles de réformes législatives.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

La loi du 28 juillet 1960 soucieuse d’éviter les situations d’apatride, permettait de se réintégrer à la nationalité française puisque celle-ci n’a pas affecté, délibérément, la situation des personnes non originaires de la métropole qui, à la date de l’indépendance, n’étaient pas domiciliées sur le territoire de l’un des acquis ayant accès à l’indépendance.

Ces personnes, le plus souvent d’origine africaine, conservèrent donc la nationalité française.

La nationalité française fut maintenue de plein droit aux personnes domiciliées sur le territoire de l’un des nouveaux États au moment de l’indépendance, mais à qui la nationalité du nouvel État n’aurait pas été attribuée par le jeu des dispositions générales.

Au contraire, la faculté de se faire reconnaître la nationalité française était ouverte à la totalité des nationaux des nouveaux États et elle n’était enfermée par les textes de 1960 et de 1962 dans aucun délai.

La déclaration de reconnaissance opérait comme une condition suspensive de la conservation de la nationalité française. Tant qu’elle n’était pas réalisée, l’individu qui y était astreint ne pouvait se prévaloir de cette nationalité et mais après la réalisation de cette condition, il était considéré comme n’ayant jamais cessé d’être Français.

Cette situation juridique a entrainé comme conséquence, qu’une frange importante de la population des quatre communes ont pu conserver la nationalité française et sont demeurées des binationaux.

C’en est ainsi le cas jusque la loi du 9 janvier 1973 qui a certes, supprimé à son tour la faculté de reconnaissance prévue par la loi du 28 juillet 1960 ; mais elle lui a substitué une faculté de réintégration dans la nationalité française, subordonnée, comme la reconnaissance, au transfert du domicile en France.

Ainsi, donc, entre 1960 et 1973 se faire reconnaître la nationalité française, avait un caractère anachronique et ce jusqu’à la loi du 22 juillet 1993 qui a prévu la réintégration par décret à la nationalité française.

Par conséquent, l’histoire commune avec la France ainsi que les nombreux binationaux exigent que ce problème soit traité d’une manière objective même s’il est aussi important de prendre en compte la problématique des conflits d’intérêt dans un cas de figure où le Président de la République est binational.

En conséquence, le report des élections présidentielles est lourd de conséquence à tout point de vue.

Dans l’absolue, le report installe un imbroglio juridique dans notre pays et dans la vie des institutions.

S’il est possible pour le parlement de procéder au report de cette élection prévue le 25 février 2024 et d’en fixer une nouvelle date par une loi constitutionnelle n°04/2024 avec 3/5 des membres du parlement portant révision de l’article 31, il est impossible in abstracto de faire prolonger la durée du mandat du Président de la République en l’absence d’un referendum constitutionnel populaire.
Puisque cette prolongation viole les alinéas 7 et 8 de l’article 103 de la constitution qui disposent expressément que la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision.

Cette prolongation de la durée du mandat doit obéir dans les mêmes conditions que l’obtention du mandat, c’est purement de la théorie du parallélisme des formes.

Le seul cas de figure que prévoit la constitution c’est la suppléance par le Président de l’assemblée nationale qui doit organiser les élections dans la limite des 90 jours.

Si le Sénégal a connu une suppléance dans le passé par la réforme constitutionnelle de 1976 qui a fait installer le Président Abdou Diouf, c’est parce que le Président Senghor a démissionné en cours de mandat contrairement au Président actuel Monsieur Macky Sall dont le mandat expire le 2 avril 2024.

Ainsi, la loi n° 76-27 du 6 avril 1976 portant révision constitutionnelle, à travers son article 35 alinéa 2 prévoyait « En cas de décès ou de démission du Président de la République ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour suprême, le Premier ministre exerce les fonctions de Président de la République jusqu’à l’expiration normale du mandat en cours.

Or, nous ne sommes pas dans ce cas de figure, à moins qu’il existe d’autres arguments bien fondés et tirés d’un vide juridique, je ne vois pas comment l’assemblée nationale s’adjuge t-elle, le droit de faire prolonger le mandat du Président de la République dont le terme est fixé par le peuple et la constitution.

Ainsi deux cas de figure peuvent se présenter devant le conseil constitutionnel, soit il se déclare incompétent pour contrôler la loi constitutionnelle votée par le parlement, dans ce cas il sera procédé à un nouveau processus où les cartes seront rebattues par le processus de validation des candidats

Soit, le conseil constitutionnel, dans le cadre de ses prérogatives de contrôle de la constitutionnalité des lois, déclare la loi anticonstitutionnel, dans ce cas alors, il devra fixer une nouvelle date des élections avec déjà les candidats retenus sans possibilité aucunement pour les candidats recalés de pouvoir participer à cette joute électorale
Le débat reste ouvert !

Maitre Ousseynou Babou
Avocat au barreau de Paris Docteur en droit, Paris1 Sorbonne [email protected]



4 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Février, 2024 (12:44 PM)
    En tout cas l'une des dispositions les plus pertinentes de la constitution est l'exclusivité de la nationalité sénégalaise. On n'a pas besoin de traitres potentiels ou de gens qui ne croient pas en notre pays. C'est très grave

    Tous ceux qui détiennent des nationalités doivent exclus de certains postes stratégiques
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    • Auteur

      Reply_author

      En Février, 2024 (15:14 PM)
      La France veut imposer Karim Wade. Tout est fait pour lui permettre d'être candidat. 
       
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  2. Auteur

    En Février, 2024 (14:20 PM)
    Le conseil constitutionnel dans le cas karim wade s'est complètement fourré le doigt dans l'œil ou sont nuls ou sont corrompus comme le dise le pds. Je me demande comment le conseil peut évoquer le parjure ici pour justifier leur décision, car le décret du gvnment français du 16 l'a anéanti. Parce que le décret est motivé par la demande de renonciation de la nationalité à l'ambassade du Qatar avec une attestation à l'appui versé dans le dossier de candidature avec la déclaration sur l'honneur. Sans cette demande, il n'y aurait jamais eu de décret, même s'il est venu très tard, pour quelle raison ? donc où est le parjure ici ? Et le professueur ngouda mboup Me Abdoulaye tine qu'on ne peut accuser d'aucune connivence avec karim wade l'ont dit avant ce juriste. Maintenant ce que je ne comprends pas pourquoi de pseudo-juriste du net comme un certain pape moussa et des journalistes motivés par, je ne sais quoi investissent le net et les plateaux de télé pour verser des mensonges et des méchancetés nuit et jour sur cette affaire.
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    Auteur

    En Février, 2024 (14:20 PM)
    Soyons sérieux, on ne peut pas être gardien de la constitution du Sénégal, chef suprême des armées et en même temps faire allégiance à un pays étranger.

    En cas de conflit, quelle allegiance primera?

    Celle du Sénégal ou du pays étranger?
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    Auteur

    En Février, 2024 (14:42 PM)
    Brillant, argumenté, pedagogue

     

     

     
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