Wal Fadjri : Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu sur l’affaire de l’aéroport, contrairement à l’attente du député Mamour Cissé qui déclare vous en vouloir pour cela ?
Alex Segura-Ubiergo : Ni Alex Segura, ni le Fmi que je représente ici, ne sont au Sénégal pour jouer un rôle de gendarme et intervenir dans toutes les affaires économiques de l’Etat. Le Fmi ne gère pas, non plus, les rumeurs. Nous ne pouvons pas intervenir à chaque fois que quelqu'un semble avoir un dossier sur quelque chose. S’il y a des députés qui détiennent des preuves d’illégalité ou de détournement de derniers publics sur l’affaire des terrains de l’aéroport, ils devraient les sortir pour édifier les citoyens sénégalais. Notre rôle dans le contexte actuel consiste à aider le Sénégal à maintenir un cadre macroéconomique assaini, une gestion budgétaire orthodoxe, et mobiliser plus de ressources pour faire face à la crise financière internationale. En plus, le Fmi essaye de le faire tout en respectant les priorités nationales (définies par chaque pays), en étant flexible dans nos réponses et en mettant un accent particulier sur la protection des secteurs sociaux. Nous venons d’aider le Sénégal à améliorer sa gestion budgétaire à travers une série de réformes importantes. Le Fmi a aussi augmenté son appui financier au Sénégal. Finalement, nous avons expliqué de façon transparente que le problème de la dette intérieure a été largement débattu, mais qu’il fallait régler en urgence le problème de la dette des hôpitaux et protéger les ressources destinées aux programmes sociaux prioritaires.
Wal Fadjri : Cependant, le Fmi a souvent dénoncé certaines pratiques comme les dépenses extrabudgétaires, les marchés de gré à gré et les avances de trésorerie…
Alex Segura-Ubiergo : Oui, mais c’était sur des questions qui touchaient directement le programme économique du Sénégal soutenu par l’Ispe. Et nous avions des preuves concrètes. Le Fmi n’a pas une expertise sur les questions foncières. Et sur l’affaire de l’aéroport évoquée, nous avons suivi les événements par la presse comme le citoyen lambda. Nous ne pouvons pas gérer les rumeurs et intervenir, comme je l’ai dit tantôt, sur toutes les questions. Parmi les institutions de Bretton Woods, l’expertise sur les questions foncières se trouve à la Banque mondiale.
D’autre part, si les députés qui ont parlé de cette affaire ont des preuves concrètes, ils devraient les sortir. S’ils ne les ont pas encore, une commission d’enquête parlementaire pourrait être établie à cet effet. Les corps de contrôle de l’Etat (comme l’Ige) pourraient intervenir. La Commission de lutte contre la corruption pourrait aussi être saisie. Une réponse est quand même nécessaire, car les faits qui ont été dénoncés, sont très graves.
Wal Fadjri : Mais, le Fmi ne devrait-il pas aussi faire une enquête sur cette affaire ?
Alex Segura-Ubiergo : La bonne gouvernance économique, la transparence budgétaire et l’utilisation efficace des ressources sont la responsabilité de l’Etat du Sénégal, et non celle du Fmi. Le Sénégal a les moyens pour aller jusqu’au bout de cette affaire à travers ses institutions : une commission d’enquête parlementaire, une enquête de l’Ige, une enquête judiciaire, un audit de la Cour des comptes, la Commission de lutte contre la corruption, etc. Voilà toute une série de moyens beaucoup plus pertinents que demander à un organisme international de venir régler ce problème. Mais certainement que le Fmi va aussi essayer de se renseigner sur cette affaire, tout en laissant, bien entendu, les institutions sénégalaises faire leur travail. Il est évident que si les informations qui circulent, sont finalement confirmées par les faits, ce serait un épisode très regrettable qui pourrait avoir des conséquences négatives sur le programme économique et sur l’aide budgétaire. Nous faisons confiance aux autorités sénégalaises pour tirer au clair cette affaire et espérons qu’une réponse appropriée sera apportée dans les meilleurs délais.
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