AVICULTURE - Ouverture des marchés et le développement : Les poulets importés imposent une adaptation révolutionnaire

Des études menées par le bureau d’analyses macro-économiques de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra-Bame) dans le secteur laitier et le secteur avicole, sur l’ouverture des marchés et le développement de l’élevage au Sénégal, montrent que la réduction des barrières douanières a provoqué l’explosion des importations avicoles, qui sont passées de 900 à 16 600 tonnes entre 2000 et 2003. L’impact sur le secteur avicole périurbain a été important. La production de viande de poulet de chair a chuté de 30% dans la même période. Toutefois, l’impact sur la production rurale semble avoir été modéré en raison de la différentiation du poulet fermier sur les marchés. Dans le secteur laitier, les importations sont élevées depuis le milieu des années 80, mais leur valeur a doublé entre 2000 et 2005.

L’aviculture sénégalaise a connu une véritable révolution depuis la fin des années 1980. En 15 ans, les investissements privés ont progressé de manière exceptionnelle et le nombre d’exploitations périurbaines a été multiplié par cinq. Entre 1987 et 1996, les effectifs de ces élevages périurbains sont passés de 1 million à 5 millions de sujets. En amont, le secteur a attiré un grand nombre d’investisseurs privés qui se sont engagés dans la production de poussins et d’aliments à grand échelle. Beaucoup d’entreprises, particulièrement celles spécialisées dans la production d’aliments, ont connu une période de grâce.

IMPORTATIONS EN HAUSSE

Cet essor a été brutalement freiné par l’arrivée massive d’importations de viande congelée. Ces importations, si l’on en croit les chercheurs du bureau Isra-Bame, étaient constituées de morceaux congelés à 86%, de poulets entiers congelés à 13% et de viande fraîche à 1%. Elles se sont élevées à près de 10 milliards de francs Cfa en 2003, ce qui représente l’équivalent du chiffre d’affaires de la production locale de poulets de chair. Les Pays-Bas et la Belgique comptaient pour 62% dans ces importations, et le Brésil pour 24%. La part de marchés des Etats-Unis et Canada s’est considérablement réduite entre 2000 et 2003, passant de 15 à 2% du total des importations.

Plusieurs facteurs expliquent ces poussées d’importations, au premier rang desquels on trouve la disponibilité sur le marché mondial de produits à des prix extrêmement bas. Les cuisses de poulet bénéficient, en effet, de la bonne valorisation marchande des escalopes dans les pays développés et constituent un produit de report. Les coûts de production des industries de volailles européennes bénéficient aussi indirectement des aides publiques accordées au secteur céréalier.

La mise en place du Tec est le deuxième facteur ayant favorisé ces poussées d’importations : les tarifs à l’importation sont passés de 55% à 22,5%, entre 1998 et 2000.

Les poussées d’importations ont gravement affecté la production nationale de poulets de chair. Alors que les organisations de producteurs évaluaient à 70% le nombre de fermes qui ont disparu, les données issues de l’industrie montrent que le nombre de poussins de chair mis en élevage a diminué de 30% entre 2001 et 2003. Ce qui représente une crise «modérée» aux dires des spécialistes.

Certaines fermes se sont reconverties dans l’élevage de poules pondeuses. La production d’œufs de consommation est, en effet, très dynamique et représente le double du chiffre d’affaires de la production de poulets de chair. Il n’y a pas d’importations dans ce pan de l’aviculture.

EFFETS SUR TOUS LES PLANS

De même, rassurent les auteurs des études, la production de poulets fermiers ne semble pas avoir été affectée par les importations en raison de la spécificité du marché du poulet local. En dépit de son coût social, cette crise a eu un impact important en termes d’organisation de la filière et a abouti à l’émergence d’une Fédération nationale des acteurs de la filière avicole (la Fafa) et de l’Union nationale des acteurs de la filière avicole (Unafa). La production de poulets de chair pourrait bénéficier d’une professionnalisation des producteurs et d’une meilleure organisation de la commercialisation. La crise a, d’autre part, eu pour effet d’augmenter le niveau de segmentation des marchés et a contribué à modifier progressivement les usages alimentaires.

Ainsi, poursuivent les chercheurs de Isra-Bame, il est très difficile d’évaluer les effets à long terme de ces politiques commerciales sur le secteur avicole.

L’activité de collecte de lait local, évaluée en nombre d’unités de collecte rurale, ne semble pas, non plus, avoir souffert de l’ouverture croissante des marchés aux importations. Ainsi le nombre d’entreprises laitières utilisant le lait local serait passé de moins d’une dizaine en 2000 à plus de 40 aujourd’hui. D’autre part, les importations laitières ont permis l’industrialisation rapide du secteur de la transformation qui pourrait, à l’avenir, offrir des débouchés croissants pour la production locale.

Cependant, cette concurrence semble avoir découragé les investissements dans la production laitière intensive et dans la collecte industrielle. Plusieurs fermes périurbaines ont fait part de leurs difficultés. Au total, il semble bien que la politique commerciale ait favorisé l’utilisation de la poudre de lait, même si des systèmes de collecte de lait ont pu se développer grâce à l’appui de certains projets.