Les autorités sénégalaises auront beau jouer la confiance et l’optimisme et banaliser les difficultés qui jalonnent le cheminement de la préparation du programme de la future plate-forme de Diamniadio, les réalités demeurent têtues. Le dossier du Sénégal a accusé de gros retards dans son élaboration, au moment où d’autres pays ont fini de décrocher des financements pour leurs programmes. Ajouté à cela les querelles crypto-personnelles qui opposent responsables américains et sénégalais sur ce dossier. Mme Madeleine Phillips, en charge du dossier Sénégal au Millenium Challenge Corporation (Mcc) est attendue à Dakar aujourd’hui, pour un séjour crucial.
Le Sénégal fonde de gros espoirs, sans doute légitimes, sur le projet du Millenium Challenge Account (Mca). Cette initiative du Président américain George Walker Bush pour insuffler l’économie de quelques partenaires choisis de son pays, pourrait permettre au Sénégal de réaliser des infrastructures économiques importantes sur la plate-forme de Diamniado. Les projections chiffrent le budget du programme sénégalais à quelque 700 millions de dollars, soit plus de 400 milliards de francs Cfa, au cours actuel du dollar américain. Une bien belle opportunité !
Mais certaines contraintes pèsent lourdement sur la sélection du dossier du Sénégal par le Millenium Challenge Corporation. En effet, au moment où de nombreux pays ont finalisé leurs projets et signé des accords de financement avec le Mcc, le dossier du Sénégal est encore à l’état de balbutiements. Les responsables du Mcc n’étant pas convaincus de la pertinence du dossier du Sénégal qui, il faut le dire, n’avait pas été bien ficelé selon les critères de sélection de l’Administration américaine. Il avait donc besoin d’être revu. Les experts du Mcc n’étaient pas satisfaits du projet. Ils ont manifesté leurs réticences pour un «problème de confiance pour le projet», dû essentiellement à l’absence de visibilité. Il fallait refaire l’étude de faisabilité. C’est ainsi que le Mcc a allongé une enveloppe de 6,5 millions de dollars pour le financement des études préalables. Trois études sont ainsi prévues. Mais les choses semblent aller à pas de tortue. La première étude qui porte sur la «demande», n’a été terminée que le mois dernier et il est en cours d’examen par les experts du Mcc. Le démarrage de la deuxième étude, qui doit porter sur les aspects institutionnels et les questions foncières est prévu pour ce début du mois de mars 2006. Il restera après le plus gros du travail, c’est-à-dire l’étude sur les infrastructures prévues pour la plate-forme de Diamniadio. Cette dernière étude devra cerner les aspects physiques et environnementaux du programme que le Sénégal aura à proposer. Or, le Mcc devrait prendre une décision concernant le programme présenté par le Sénégal au plus tard au courant du mois d’août 2006.
Le responsable du projet sénégalais du Mca, Habib Mbaye, estime lui qu’en tout état de cause, le Sénégal pourra conclure un accord avec les Américains au courant de l’année 2006. Lors d’une rencontre avec le Fonds monétaire international, la semaine dernière à Dakar, Habib Mbaye était formel : «Le Sénégal aura son compact signé en 2006.» Rien n’est moins sûr, vu le chronogramme prévu et l’importance du travail qui reste à faire. D’autres facteurs semblent plomber la candidature du Sénégal. Quelques problèmes subjectifs, entre responsables impliqués dans le processus d’élaboration du programme du Mca, ne favorisent pas les chances du Sénégal. En effet, les relations sont tendues entre Habib Mbaye et Madeleine Philips, responsable du dossier du Sénégal au Mcc à Washington. Interrogé sur cette situation, Habib Mbaye veut banaliser la question, indiquant que c’était plutôt son prédécesseur, Mme Aïcha Agne Pouye, qui était à couteaux tirés avec Mme Philips. «Moi, j’ai souhaité aplanir les problèmes, je compte travailler avec Mme Philips dans un esprit de partenariat mais aussi de respect mutuel», souligne M. Mbaye. De nombreux fonctionnaires de l’administration américaine témoignent du contraire.
Pourquoi l’ambassadeur du Sénégal à Washington a-t-il informé les responsables du Mcc de l’annulation de la visite programmée de Habib Mbaye aux bords du Potomac la semaine dernière ? Habib Mbaye voudrait nier jusqu’à ce projet de voyage sur Washington. Qu’à cela ne tienne, Mme Phillips, elle, est attendue ce soir à Dakar où elle aura des entretiens avec les plus hautes autorités de l’Etat sur le dossier du Sénégal.
Certains responsables de la coopération américaine nourrissent des craintes pour le dossier du Sénégal qui tarde à être ficelé au moment où le Bénin a déjà obtenu son financement dans le cadre du Mca. Mais évoquer le cas du Bénin devant Habib Mbaye, c’est le pousser à enfourcher ses grands chevaux. «Il ne faudra plus jamais comparer le projet du Bénin à celui du Sénégal. Nous, nous voulons construire une ville de 2600 hectares, avec un budget de 400 à 500 milliards de francs Cfa, alors que le projet du Bénin est de 170 millions de dollars. Nous ne boxons pas dans la même catégorie.» (sic). Qui disait qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras ?
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