EN VOULANT SAUVER SON MÉNAGE : La commerçante se fait plumer 6 millions de Frs Cfa par des marabouts

Ceux qui se font passer pour des faiseurs de miracles sont légion dans notre société actuelle. La dame T. D. est tombée dans le piège de deux marabouts escrocs pour sauver son ménage. Cela lui a coûté plus de 6 millions de francs.

En voulant sauver son ménage, la dame T. D., une commerçante qui a pignon sur rue à Mbour, croyait avoir trouvé la solution en se rendant auprès d’un marabout qui l’a mise dans une spirale sur fond d’escroquerie. Voilà plus de 27 ans qu’elle vit dans cette localité avec son époux et leur unique fille.

Depuis lors, elle n’a jamais connu d’ennuis sauf quand elle a senti que le ciel de ses relations avec son mari n’était plus comme auparavant, elle qui avait juré de vivre avec ce dernier jusqu’à la fin de ses jours, pour le meilleur et pour le pire. Pour régler ce problème, qui l’empêche de fermer l’œil et de travailler en toute quiétude, T. D. est allé se confier à sa copine M. Y. N., qui travaille dans un service de la place. Aussitôt cette dernière lui parle d’un certain marabout répondant du nom de Moustapha Fall Meïssa. M. Y. N., le présente comme le faiseur de miracle qui a sorti du pétrin un de ses collègues de service.

Bague magique

Les deux dames se rendent auprès du marabout Tapha qui a pris une maison en location avec sa femme et ses 11 bouts de bois de Dieu. Mis au parfum de cette affaire, le marabout promet de régler définitivement le problème. Dans un premier temps, il demande à la femme la somme de 20.000 francs pour procéder à des sacrifices. D’abord, c’est du lait de chèvre qu’on demande à la commerçante, ensuite des sommes estimées à plus d’un million de francs, alors que le marabout Fall jure n’avoir encaissé que 850.000 francs après lui avoir fait ingurgiter des potions magiques, en plus des bains qu’elle a pris sous son contrôle.

Sachant que la mayonnaise a bien pris, Moustapha Fall passe à la vitesse supérieure et lui propose une bague magique qui pourrait transformer rapidement sa vie et lui donner de la fortune. On lui fait acheter deux gros béliers à 40.000 l’un et deux coqs conformément aux recommandations des « rawanes » (êtres surnaturels). Comme si elle était subjuguée par le marabout, elle lui obéit à l’œil et au doigt.

D’ailleurs, elle l’a fait savoir au président du tribunal Ibrahima Ndiaye qui suivait avec un vif intérêt tout le récit qu’elle a servi devant la barre du tribunal. « Président, franchement, j’avais presque perdu la raison. A chaque fois que je me plaignais ou versais des larmes devant Fall, c’était pour être menacée de mort ou de voir le malheur s’abattre sur mon mari ou mon unique fille ». Ce n’était pas fini. Moustapha Fall lui fait part de la venue prochaine, à Mbour, d’un marabout capable d’assouvir tous ses désirs, notamment lui remettre cette fameuse bague en question que la dame voulait détenir pour fructifier rapidement ses affaires.

« La baraka est assurément de ton côté, car le marabout que je vais te présenter vient du Sud, précisément d’un village de la région de Kolda. Actuellement, c’est lui l’imam de la mosquée, son père étant d’un âge très avancé », rassure le marabout de Mbour.

Deux jours après, voilà le fameux faiseur de miracles qui débarque à Mbour avec ses cliques et ses claques. Il fait la connaissance de la commerçante.

Avec son chapelet, il lui fait des révélations sur la vie de la dame et ses problèmes, entre autres. T. D. est donc convaincue du savoir-faire du marabout Mamadou Fall. Ce dernier lui fait savoir qu’il lui faut débourser un pactole de trois millions de francs pour être en possession de la bague. Au finish, le marché est conclu à 200.000 francs. La commerçante va à la banque, retire tour à tour des sommes variant entre 1.000.000 de francs, 1.500.000, 350.000, 400.000 francs. T. D. a même eu à chercher une tête de pintade et de l’encens « Mounass », sans passer sous silence deux autres moutons, des gallinacés et une malle qu’elle a achetés à Colobane. T. D. déclare n’avoir pas vu ce que contenait cette malle. Il n’y a eu que les policiers qui ont découvert des coupures de papiers de la dimension de billets de banque. C’était, sans nul doute, une manière de préparer un autre coup à la commerçante.

Lorsque le président posa la question au septuagénaire Kébé, à savoir l’usage qu’il comptait faire de la tête de pintade, le marabout répondit : « Président, c’était pour la guérir de sa stérilité. J’ai eu à traiter de nombreux cas ». La dernière fois, quand la dame est allée voir Mamadou Kébé, c’était pour lui remettre la somme de 600.000 francs aux fins d’obtenir sa fameuse bague. Sur place, elle trouva le marabout en train de gémir. Mamadou Kébé dit avoir passé un sale temps durant toute la nuit. Selon lui, les « rawanes » lui avaient intimé l’ordre de trouver cette somme.

« J’allais lui remettre ladite somme lorsque tout d’un coup le propriétaire de la maison me fit signe de ne pas m’exécuter. M. Sène m’a fait comprendre que les deux marabouts s’apprêtaient à prendre congé de lui. C’est à ce moment précis que je suis allé me plaindre au commissariat de Police », précise la commerçante.

Cueillis à froid

Les éléments de la Brigade de recherches prennent la direction de la maison prise en location par les marabouts pour une planque. C’est au moment où les deux compères s’apprêtaient à s’engouffrer dans un taxi que les policiers les interpellèrent. Dans tout cela, la grande perdante c’est, bien sûr, la dame T. D. qui ne doit en vouloir qu’à elle-même pour avoir été très crédule. Elle a failli être complètement ruinée par ces malfrats. A défaut de ne pouvoir être en possession de la bague magique, la voilà obérée de dettes.

D’emblée, Me Ayi taxe les prévenus de marabouts-faussaires qui étaient déterminés à mettre la commerçante sur le carreau avant de se fondre dans la nature. « Les mis en cause ont usé et abusé de la bonne foi de ma cliente qui voulait sauvegarder son ménage. Nous réclamons le remboursement de toutes les sommes réclamées et des dommages et intérêts à verser à ma cliente », a demandé Me Ayi de la partie civile. Il évalue la somme à 10 millions de francs à payer solidairement par les deux prévenus. De son côté, Me Alioune Sène souscrit à la demande de son confrère et déclare qu’il y a des manœuvres frauduleuses et des mises en scène qui ont déterminé la remise et une intention coupable.

Pour lui, les escrocs ont joué sur l’effet psychologique pour arnaquer la commerçante. Il y a bien eu un contrat même s’il n’est pas nommé, estime le procureur de la République. Le consentement entre partie est réel et il y a donc un lien juridique, poursuit le Parquet. « Ils ont usé de procédés délictueux pour soutirer de l’argent à la dame. Les deux prévenus sont de mauvaise foi. Les faits méritent une répression sévère eu égard à leur gravité et à leur passé pénal ».

Le maître des poursuites requiert deux ans ferme contre les prévenus qui seront fixés sur leur sort mardi prochain.