ESCROQUERIE ET ASSOCIATION DE MALFAITEURS : Le multiplicateur de billets condamné à deux ans ferme

Une nébuleuse histoire de multiplication de billets de banque a conduit l’auteur en prison pour deux ans. Un homme, qui avait entraîné son épouse dans l’opération qui a coûté plusieurs millions de francs, a écopé du sursis.

Abus de confiance, complicité d’escroquerie, association de malfaiteurs... tous ces ingrédients étaient au menu du tribunal des flagrants délits de Saint-Louis. Abdou Mody Ndiaye, Mohamed Diop, Abdou Oularé et Amadou Sanogo était à la barre. Mais, le mystère a plané sur cette affaire puisque Famah Oularé, principal cerveau de cette affaire, a miraculeusement disparu.

Les prévenus n’ont pas pu éclairer le tribunal sur l’existence de ce mystérieux personnage qui s’est enfui avec la somme de 3,35 millions de francs que lui avait remis Abdou Mody Ndiaye, à charge pour lui de les multiplier.

En octobre 2008, Abdou Mody Ndiaye rencontre le nommé Famah Oularé. Pour ferrer sa proie, Famah lui demande s’il avait par dévers lui de l’argent.

Après quelques hésitations, Abdou lui remet la somme de 15.000 francs qu’il réussit, on ne sait comment, à doubler, au grand étonnement d’Abdou resté bouche bée.

Une fois chez lui, Abdou Mody Ndiaye s’en ouvre à sa femme, Nogaye Soumaré. Cette dernière lui demande d’en parler à son marabout Mohamed Diop alias Serigne Diop. Ce qu’il fait sans hésiter, en lui demandant s’il pouvait, lui aussi, tirer profit des activités de Famah Oularé, le multiplicateur de billets. A l’en croire, son marabout lui aurait conseillé de saisir cette opportunité. Rassurée par les conseils du marabout, la dame puise 3,2 millions de francs dans le coffre de son père qu’elle remet à son mari.

En sus de cet argent remis à Famah Oularé, Abdou Mody Ndiaye y ajoute 110.000 francs. Mais, à la place des 35 millions promis par le charlatan, le couple se retrouve avec des feuilles aux dimensions de coupures de billets de banque et noircies par des procédés utilisés par Famah, qui, une fois son tour joué, fond dans la nature.

A la barre, Abdou Mody Ndiaye a reconnu que l’argent remis au charlatan provenait du coffre de son beau-père, précisant au passage que c’est sa femme qui le lui a remis de son propre gré. Nogaye Soumaré a confirmé les déclarations de son mari.

Le marabout Serigne Diop a également eu sa part dans cette affaire. Serigne Diop a tout nié. S’expliquant, il a affirmé avoir déconseillé à Abdou Mody Ndiaye de se lancer dans ce genre d’aventure.

Un rebondissement extraordinaire

Cette affaire n’aurait pas dû arriver jusqu’au tribunal, car Ousseynou Soumaré avait déjà pardonné à sa fille et son beau-fils. Sa fille lui avait fait croire pendant qu’il se trouvait à Dakar, qu’elle avait perdu la somme de 3,24 millions de francs dans un taxi. Ce qui l’avait bien étonné car l’argent se trouvait dans des coffres différents et il ne comprenait pas que sa fille se promenât avec une telle somme dans un taxi.

Une fois de retour à Saint-Louis, il la cuisina, mais elle refusa d’avouer. Par la suite, il fit appel à la Police qui réussit à lui soutirer l’information selon laquelle elle avait remis l’argent à son époux pour une histoire de multiplication de billets.

Après quelques semaines d’« enquête » qui n’avait rien donné, Ousseynou avait classé l’affaire. Mais le dossier rebondit quand un de ses employés lui confia qu’il connaissait un multiplicateur de billets. C’est ainsi qu’il ourdit son plan en y associant le commissaire Sarr pour ferrer les malfrats. Abdou Oularé et Amadou Sanogo furent appréhendés. A la barre, les deux prévenus ont nié les faits. Si Abdou Oularé a expliqué au président qu’il n’était pas impliqué dans cette affaire, Amadou Sanogo, lui, a nié connaître Famah Oularé. Il a même nié avoir mis les pieds à l’auberge où se menaient les tractations. Le couple Ndiaye a persisté à confirmer qu’il était bien là-bas. Cependant, il n’a pas été en mesure de justifier lors de la perquisition de la Police, la présence du faux billet de 10.000 francs trouvé chez lui, des six bouteilles de mercure, des deux bouteilles d’antiseptique, des papiers coupés en format de billets de banque et tout cet arsenal qui laissait croire qu’il s’adonnait à la multiplication de billets.

Malgré la gravité des faits, la partie civile a jugé opportun de pardonner. Le procureur a demandé au tribunal de déclarer Abdou Mody Ndiaye coupable du délit d’abus de confiance et a requis une peine de 6 mois assortis d’un sursis. S’agissant de Serigne Diop, le procureur a laissé entendre qu’il n’y a pas de délit de complicité ni d’entrave à l’action de la justice.

Il a demandé sa relaxe pure et simple. Selon le procureur, la culpabilité d’Amadou Sanogo et d’Abdou Oularé ne souffre d’aucun doute. Suffisant pour que le procureur demande qu’on les condamne à deux ans d’emprisonnement ferme. Me Touré, qui défendait Abdou Mody Ndiaye, a fait savoir que son client a été victime de gens malintentionnés et a exigé sa relaxe pure et simple.

Son confrère, Me Bâ, ira plus loin en déclarant que tout le poids de l’infraction repose sur le dos de l’épouse. Il a demandé sa relaxe au bénéfice du doute, ajoutant que l’immunité s’étend jusqu’à lui parce qu’étant parent au premier degré par emprunt. Dans son délibéré, le tribunal a relaxé Mohamed Diop et a reconnu Abdou Mody Ndiaye coupable d’abus de confiance et l’a condamné à trois mois avec sursis. Quant à Amadou Sanogo et Abdou Oularé, ils ont été reconnus coupables de complicité d’escroquerie et d’association de malfaiteurs. Ils ont été respectivement condamnés à deux ans et un an d’emprisonnement ferme.