La junte propose un gouvernement d'unité nationale en Guinée

CONAKRY - La junte militaire au pouvoir en Guinée, sous la critique de la communauté internationale, a annoncé mercredi qu'elle appelait à la formation d'un gouvernement d'unité nationale à la suite des violences qui ont ensanglanté une manifestation de l'opposition.

Le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), dirigé par le capitaine Moussa Dadis Camara, propose également la constitution d'une commission d'enquête internationale.

Selon un bilan établi par une organisation de défense des droits de l'homme, les forces de sécurité ont tué 157 personnes lors d'un rassemblement de l'opposition, lundi.

"Le CNDD demande la formation d'un gouvernement d'unité nationale intégrant des membres des différents partis politiques et chargé de la transition", a annoncé Mandjou Deoubate, de la présidence, mercredi soir à la télévision.

La junte, qui a pris le pouvoir en décembre dernier à la suite d'un coup d'Etat sans effusion de sang, demande aussi qu'un dirigeant africain soit désigné médiateur et propose une "commission internationale et nationale d'enquête avec les Nations unies pour faire la lumière sur les événements de janvier et février 2007 et du 28 septembre 2009".

Plus de 180 personnes avaient péri début 2007 lors d'une grève générale contre le président Lansana Conté, mort depuis.

L'un des dirigeants de l'opposition guinéenne a qualifié de "diversion" l'annonce de la junte. "Moussa Dadis Camara n'est plus crédible pour mener à bien la transition", a ajouté Mouctar Diallo, des Forces nouvelles de la démocratie.

"Il a massacré son propre peuple, et a perdu toute crédibilité. Ce type de proposition ne nous intéresse pas", a-t-il poursuivi.

PARIS SUSPEND SA COOPÉRATION MILITAIRE

Dans la journée, le haut-commissaire des Nations unies pour les Droits de l'homme, la Sud-Africaine Navi Pillay, avait condamné ce qu'elle a appelé le "bain de sang" de lundi à Conakry et appelé à l'ouverture d'une enquête indépendante sur ces violences.

Le rassemblement de lundi visait à protester contre l'intention prêtée par l'opposition au capitaine Dadis Camara de renier sa promesse initiale de ne pas se présenter à l'élection présidentielle prévue le 31 janvier 2010. Le chef de la junte n'a toujours pas fait connaître officiellement ses projets sur ce point.

De sources médicales, citées par une association de défense des droits de l'homme, 157 personnes au moins ont été tuées lorsque les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser une manifestation de l'opposition dans les rues de Conakry.

Des témoins ont rapporté que des femmes avaient été victimes d'agressions sexuelles.

Camara a promis l'ouverture d'une enquête sur les violences commises par les forces de sécurité mais a affirmé que les fauteurs de troubles seraient punis et accusé les manifestants d'avoir volé des armes dans un commissariat de police de Conakry.

"Le bain de sang de lundi ne doit pas s'inscrire dans la pratique de l'impunité qui existe en Guinée depuis des décennies", a souligné Navi Pillay à Genève. L'enquête promise par la junte, a-t-elle ajouté, devra être "à la fois indépendante et impartiale".

Les violences de lundi, sans précédent depuis le coup d'Etat ont été largement condamnées par la communauté internationale. La France, ancienne puissance coloniale, a annoncé qu'elle suspendait à sa coopération militaire avec Conakry.