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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

A batons rompus avec Landing SAVANE : 'WADE est incapable d'entretenir un dialogue durable'

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A batons rompus avec Landing SAVANE : 'WADE est incapable d'entretenir un dialogue durable'

Le départ du gouvernement des ministres d'Aj, Landing Savané le trouve comme la suite logique de sa défaite à la dernière présidentielle et conforme à la vision de son parti. Pour autant, Landing Savané n'analyse pas cet état de fait comme signifiant un ralliement systématique à l'opposition. Par ailleurs, l'ancien ministre d'Etat parle des dossiers qui ont empoisonné l'alternance, de ses réussites, de ses échecs, des Ics...

Wal Fadjri : Dans quelles conditions avez-vous quitté le gouvernement ?

Landing Savané : Après l'élection présidentielle du 25 février et la parution des premiers résultats qui indiquaient très nettement la tendance, nous avons estimé que c'était le moment de quitter le gouvernement d'autant que ceci correspondait parfaitement à notre vision de l'après-élection. Nous avons pris la responsabilité d'être candidat malgré le fait que nos partenaires de la coalition gouvernementale n'étaient pas favorables à cette participation. Nous avons estimé que nous devions être là parce que nous avons une vision du Sénégal, nous avons un programme à proposer. Nous n'avons pas été candidat en 2000, contrairement à d'autres gens et notre absence encore de la compétition eût été fatale à notre ambition présidentielle. Nous avons fait la campagne et, à la fin de celle-ci, nous avons tiré les conclusions de cette divergence, en estimant que nous devions partir du gouvernement et amorcer ainsi la phase actuelle, disons... de l'histoire de notre pays. Puisque comme je l'ai déjà dit durant la campagne, l'alternance concernait sept années, de 2000 à 2007. Nous étions engagés totalement dans l'alternance. Cette phase étant terminée, nous retrouvons notre indépendance d'action et, symboliquement, nous l'avons marqué de cette façon.

Wal Fadjri : Qu'en est-il de la rumeur faisant état de la coupure de vos lignes téléphoniques avant votre démission ?

Landing Savané : C'est une réalité. Les lignes de quelques camarades ont été coupées en effet au lendemain de l'élection présidentielle. Mais disons que c'est des détails par rapport à l'essentiel qui est que ce compagnonnage de la période de l'alternance était terminé et il fallait en toute logique en tirer les conséquences.

Wal Fadjri : D'aucuns pensent que vous avez senti que le président Wade, tirant les enseignements du scrutin, allait vous démettre de vos postes ministériels et que vous avez voulu prendre les devants. Est-ce exact ?

Landing Savané : Notre parti est un parti qui a une logique. Notre départ n'est même pas un acte d'hostilité à l'égard de nos partenaires. C'est la conséquence logique de la fin d'une période. Laquelle est finie. Nous étions engagés pour cette période, nous prenons nos distances, nous partons dans le cadre de la période qui s'ouvre qui est celle de la victoire de la coalition Sopi. De 2000 à 2007, c'était la coalition alternance, le front de l'alternance qui a mené le combat et qui a gagné. Vrai ou faux ? Maintenant, c'est la coalition Sopi qui a gagné et nous ne sommes pas engagés dans cette coalition. Il faut donc rendre au président de la République sa liberté pour constituer son gouvernement à partir des résultats des élections, de la vision et des intérêts de sa coalition. Wal Fadjri : Pourquoi n'avez-vous pas démissionné avant la campagne ? Landing Savané : C'eût été artificiel, je l'ai expliqué. Démissionner avant la campagne, un mois, vingt jours, c'eût été artificiel.

Wal Fadjri : N'est-il pas contradictoire de votre part d'être candidat et en même temps être ministre de votre adversaire, Me Wade ?

Landing Savané : Pour les gens, c'est contradictoire. Il eut été naturellement possible de démissionner, mais nous avons dit que nous nous sommes engagés pour la durée du mandat. Chacun a sa logique, on ne peut pas travailler avec la logique du voisin. Je travaille avec la logique de mon parti. Nous sommes engagés pour un mandat qui a commencé au lendemain du 19 mars et qui se termine le 25 février. Nous avons dit que, tant qu'on ne nous sort pas du gouvernement, nous restons dans le gouvernement pour lequel nous sommes engagés. Après, le président fera ce qu'il veut.

Wal Fadjri : Le fait de rester dans le gouvernement ne vous a-t-il pas gêné pendant la campagne ?

Landing Savané : Même si nous n'étions pas au gouvernement, notre langage aurait été le même. Mais, ça a gêné certains électeurs, je n'en doute pas. Seulement, il y a des électeurs que cela a rassuré aussi. C'est ça le Sénégal. C'est vrai que certains se sont dit qu'And Jëf n'a pas rompu avec le président Wade. Et effectivement, il ne s'agissait pas d'une rupture. Il s'agissait de l'affirmation d'une ambition.

Wal Fadjri : N'aviez-vous pas eu un problème de discours parce que tantôt vous défendiez le bilan de l'alternance, tantôt vous brocardiez vos alliés.

Landing Savané : Brocarder est un grand mot. Il y a deux réalités qui existaient avant la campagne : il y a eu le bilan de l'alternance. Nous avons dit que, pendant les sept années, nous avons été co-responsables de ce bilan. Nous ne pouvons pas changer cette réalité dans les trois semaines de la campagne puisque nous l'avons dit pratiquement pendant tout le mandat. Mais nous avons montré que, pendant les derniers mois, il y avait eu des scandales financiers qui nous préoccupaient. Nous avons montré qu'il y avait des problèmes avec la gestion des relations entre le président de la République et son ancien Premier ministre. Et qu'en conséquence, nous estimions qu'il fallait une clarification par rapport à tout cela. Notre objectif si nous étions élu, c'était effectivement de développer les réalisations, mais dans le sens d'une vision que nous avions déclinée pendant la campagne électorale. En même temps, nous estimions qu'il fallait moraliser les relations à l'intérieur des partis comme entre les partis et en particulier sur la question de l'argent. Nous estimions qu'il fallait quand même faire mieux. C'est ce que nous avons dit et nous le pensons toujours.

Wal Fadjri : Personnellement, quel bilan tirez-vous de l'expérience gouvernementale ?

Landing Savané : D'abord, c'était important pour nous, car c'était la première fois que nous étions dans un gouvernement. Nous avons appris beaucoup de choses. Nous avons aidé le président à réaliser beaucoup de choses. Nous connaissons maintenant les contraintes d'un gouvernement et les limites de l'action gouvernementale. Nous pensons qu'il y a des réformes à prévoir en matière de gouvernance dans ce pays. Et à l'avenir, les occasions nous permettront de discuter de tout cela. Globalement, encore une fois, le président a fait ce qu'il pensait devoir faire. Mais ce qu'il faut, si nous voulons que le Sénégal aille plus loin et plus vite et dans de meilleures conditions, c'est moraliser davantage la vie politique pour éviter de revoir les scènes que nous avons vécues et que nous continuons de vivre avec des invectives des uns et des autres. Ce climat n'est pas très bon pour notre pays et le Sénégal a besoin d'aller de l'avant dans la sérénité.

Wal Fadjri : A quel niveau, selon vous, l'alternance a le plus réussi ?

Landing Savané : Dans le domaine de l'école par exemple, beaucoup de choses ont été faites. Il y a beaucoup de difficultés aussi. Parce qu'en même temps qu'on réalisait des choses, on augmentait les salaires, on ouvrait des lycées un peu partout, on lançait des programmes de centres universitaires régionaux, qui sont autant de bonnes choses, en même temps des problèmes se sont posés au niveau scolaire et universitaire. Il n'a pas été possible de trouver des solutions à ces problèmes de façon cohérente. Et il y a eu beaucoup d'agitation sociale dans le secteur. Dans le domaine de la santé aussi, des efforts ont été faits et dans d'autres domaines aussi. J'ai été ministre de l'Artisanat, des efforts ont été faits à ce niveau également. Dans l'industrie, il y a beaucoup de problèmes qui n'ont pas, malheureusement, pu être réglés durant le mandat. Mais d'une façon générale, la période de l'alternance a été caractérisée par une ambition certaine de faire avancer des réalisations. Mais beaucoup de difficultés sont également apparues et ont empêché un certain nombre de projets de se concrétiser. C'était un peu normal aussi puisque c'est la première fois qu'il y avait une alternance dans ce pays. Nous avons vu les difficultés qu'il y a eu pratiquement pendant tout le mandat. Ça été avec les partenaires d'abord, ensuite avec ses propres partisans. Mais je pense qu'on ne s'en sortira que par le dialogue avec les grands acteurs politiques pour essayer de stabiliser la vie politique et essayer d'aller de l'avant dans une politique plus consensuelle.

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui vous a le plus déçu dans ce compagnonnage avec vos alliés ?

Landing Savané : C'est l'insuffisance de concertation et de dialogue entre ceux qui ont partagé cette expérience. C'est aussi un certain sectarisme - il faut bien le dire - dans la gestion de beaucoup de questions. Mais il faut reconnaître que là aussi, il n'y a rien de nouveau au Sénégal. Dans le compagnonnage politique, le parti majoritaire a tendance à traiter ses partenaires en parents pauvres dans le dialogue politique. Ce n'est pas positif parce que ce n'est pas un partage du pouvoir qui est demandé, mais une concertation pour prendre les meilleures décisions. Et la vérité n'a rien à voir avec la majorité. Ce sont des idées et des propositions qui peuvent aider un parti au pouvoir et, en demander aux partenaires, ne peut qu'être une bonne chose.

Wal Fadjri : Comment jugez-vous l'homme d'Etat Wade ?

Landing Savané : C'est un homme qui a beaucoup de volonté, de grandes ambitions pour le pays, mais qui a aussi des difficultés à unir de façon durable ses partenaires autour de lui à cause de cette incapacité à entretenir un dialogue durable. Il a tendance toujours à croire que le dialogue, c'est un transfert de pouvoir, ce qui n'est pas le cas.

Wal Fadjri : Etes-vous prêt à retourner dans son gouvernement ?

Landing Savané : J'avoue que ce n'est pas ma préoccupation. Honnêtement. Autant, je suis favorable à un dialogue qui puisse déboucher sur la mise en place d'un gouvernement de large rassemblement avec les principaux alliés, autant la question de mon retour au gouvernement ne se pose pas à moi de façon concrète et immédiate. Parce que, ne l'oubliez pas, je viens de passer sept ans dans un gouvernement, c'est quand même long. J'avoue que quelque part, j'ai des choses, des idées sur lesquelles je voudrais travailler. Mais encore une fois, je reste un ami du président parce qu'on a travaillé depuis 1993 ensemble. J'étais d'ailleurs un ami du président Diouf auquel je me suis opposé pendant tout le temps qu'il était là. Donc, je reste un ami du président et je reste préoccupé, comme toujours, par les intérêts du pays. Tout dialogue avec le président peut être considéré comme positif si ça peut aider à faire avancer notre pays. Maintenant, la formation d'un gouvernement, c'est une question qui dépend de lui et de son parti. Encore une fois, j'aimerais continuer à évoluer à d'autres niveaux et sous d'autres formes.

Wal Fadjri : S'il vous appelait dans son gouvernement, que répondriez-vous ?

Landing Savané : Encore une fois, ce n'est pas moi, Landing Savané, qui doit être le point focal d'un appel. L'appel devrait être fait aux partis politiques pour parler de l'avenir du Sénégal. Et s'il nous appelle pour parler de son ambition de faire l'ouverture, etc., notre parti participera aux discussions et lui donnera ses idées. Et ce sont des idées qui sont antérieures aux élections parce que si vous avez bonne mémoire, nous avons parlé, depuis plus d'un an, de l'idée d'un large rassemblement. Nous pensons sincèrement que le Sénégal en a besoin. Que Landing Savané soit dans un gouvernement ou pas, ce n'est pas le plus important. Ce qui est important, c'est les partis qui sont porteurs d'idées, qui comprennent que la situation actuelle du pays nécessite, après la compétition électorale, de se parler et de travailler ensemble.

Wal Fadjri : Vous dites que c'est le président qui a été élu et il détient une majorité à l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il a, dès lors, besoin d'un gouvernement de large rassemblement dont vous parlez pour gouverner ?

Landing Savané : C'est une bonne question. Je me rappelle que Diouf a toujours été élu, mais il a aussi toujours fait appel aux autres pour travailler avec lui. Vous vous en souvenez encore ? Il y a plusieurs formes d'élargissement de la majorité parce que c'est un facteur de stabilisation, de renforcement de la paix sociale. C'est un facteur d'enrichissement aussi de la vision de la majorité au pouvoir. Parce que gagner une élection, j'allais dire, c'est facile entre guillemets. Parce que vous avez plus de moyens que les autres, un appareil plus important, etc. Mais gouverner un pays exige des idées, des compétences que vous n'êtes pas obligé de détenir. Parler à d'autres forces politiques qui ont des idées et qui peuvent vous aider, est une bonne chose. Surtout si le pays est comme le Sénégal qui est à la croisée des chemins quelque part. Les défis sont nombreux : il y a la mondialisation, la croissance économique, le défi de l'exportation, de l'émigration, de la demande sociale...., autant de questions qui ne s'adressent pas à un parti politique. Il y a également le défi de la paix sociale qui exige une concertation plus grande.

Wal Fadjri : Vous avez parlé de Diouf, mais ce dernier n'avait recours à l'opposition que lorsqu'il y avait crise. Qu'est-ce qui expliquerait que Wade sente le besoin de faire appel à l'opposition alors qu'il n'y a pas de crise ?

Landing Savané : Mais il l'a déjà fait avant les élections, je vous le rappelle ! Je ne sais pas si vous suivez les discours du président Wade. Avant même les élections, il a fait appel aux autres partis pour travailler ensemble. Je ne vois pas pourquoi cet appel cesserait aujourd'hui parce qu'il a gagné les élections. Comme je vous l'ai dit, la question de l'appel n'a rien à voir avec un contexte de crise. Le Ps a utilisé ça à des périodes de crise, c'est peut être vrai, ce n'est même pas sûr que ce soit uniquement des crises qui ont amené Diouf à appeler l'opposition. Je pense que les crises étaient même les conséquences des difficultés auxquelles le pays était confronté. Et les crises permettaient au Ps de mesurer leur ampleur. Et après avoir réglé ces crises, les socialistes faisaient appel aux autres franges de la classe. Mais si on peut faire l'économie d'une crise tout en travaillant ensemble, c'est tant mieux. C'est en ce sens qu'après les élections, au vu des résultats, j'ai félicité le président Wade, j'aurais pu m'en passer. Pourtant, nous savons que dans ces élections, comme par le passé, il y a eu beaucoup de choses à redire. Mais ce n'est pas le plus important. Je l'ai dit au début de la campagne, il n'y aura qu'un élu, il n'y en aura pas deux. Chaque élection dans ce pays, surtout présidentielle, comporte sa part de contestations, mais ce n'est pas le plus important. Ce qui est important c'est que, malgré tout, les gens ont voté pour lui (Wade : Ndlr) et il a gagné à plus de 50 %, donc il faut le laisser travailler.

Wal Fadjri : Quelle lecture faites-vous de ce scrutin ?

Landing Savané : Dans le scrutin, il y a beaucoup de choses à dire et à redire selon les sensibilités. Encore une fois, je vous ai dit que ce n'est pas le plus important. Mais c'était une élection où le rôle de l'argent a été plus important qu'il ne l'était par le passé. Il a toujours existé dans le pays mais, cette fois-ci, les principaux candidats qui avaient de l'argent, l'ont distribué d'une façon que je n'ai jamais vue par le passé.

Wal Fadjri : L'élection de Wade dès le premier tour vous a-t-elle surpris ?

Landing Savané : Pas vraiment ! Parce que je savais que le président allait se battre. Je connais Wade, c'est un battant, il était décidé à gagner ces élections. Et j'ai dit à des amis qui disaient avant les élections qu'il y aurait nécessairement un deuxième tour que je n'en étais pas sûr, que le président pouvait aussi passer dès le premier tour. Donc, je n'ai pas été surpris. Il faut toutefois reconnaître qu'il a fallu pousser très fort pour obtenir ces résultats. On sait que le fait que l'élection soit organisée pour la première fois avec le fichier actuel a été un avantage pour le parti au pouvoir qui était le seul à connaître réellement la configuration du fichier et ses caractéristiques et qui a utilisé ça pour gagner. On ne peut même pas parler de fraudes dans ce cas, mais j'appelle ça l'avantage comparatif de celui qui organise par rapport aux autres. Bref, beaucoup de circonstances ont permis au Pds d'organiser sa victoire et de l'acquérir de haute lutte. Les partis qui ont perdu, savent qu'il y a eu des possibilités que le Pds a eues et qu'ils n'ont pas eues. Mais, comme ils disent, personne ne peut apporter les preuves de fraude ou de ceci ou de cela. Il faut donc calmer le jeu, retourner au travail et mieux s'organiser pour les prochaines élections parce que maintenant tout le monde connaît un peu mieux le système. C'est cela les conclusions que je tire de cette affaire. Il va falloir, à mon avis, réviser le Code électoral, l'améliorer en tenant compte des réalités que nous avons vécues récemment. Il va falloir apporter d'autres amendements au système électoral pour le rendre plus équitable et ce sera l'objet d'un dialogue, peut-être pas à court terme puisque les législatives sont pour très bientôt et les partis intéressés doivent les préparer.

Wal Fadjri : Votre score vous a-t-il déçu ?

Landing Savané : Il a déçu évidemment nos camarades et c'est normal. Mais, en le regardant, on comprend ce qui s'est passé. En dehors des trois principaux partis qui avaient des moyens financiers, à savoir le Pds, le Ps et le Rewmi, les autres partis qui ont eu moins de moyens ont vu leurs scores s'en ressentir. Leurs scores se sont effondrés d'une façon générale. Nous avons perdu beaucoup de voix en Casamance et à Dakar du fait que nous avons partagé des voix avec d'autres partis qui sont apparus. J'étais jusqu'ici le seul candidat casamançais et je profitais largement du vote de cette région naturelle qui s'identifie comme toutes les régions à son candidat. Cette fois-ci, il y avait trois candidats originaires de la Casamance. Par conséquent, il est évident que si vous regardez les résultats, vous verrez la conséquence pratique de cette situation. C'est un aspect, pas seulement en Casamance mais aussi à Dakar et ailleurs où il y a beaucoup de Casamançais. Il y a eu aussi le fait que ce fut une campagne où nous n'avons pas eu beaucoup de moyens pour transporter à leur lieu de vote des milliers d'électeurs qui souhaitaient voter pour nous. Ça aussi c'est une question qui se pose au plan démocratique. Il fallait peut-être envisager un système permettant aux gens de voter là où ils résident ou alors que l'Etat se fasse le devoir de transporter tout le monde, pour que le système soit vraiment démocratique et ne dépende pas de la richesse des différents candidats. Ce sont des choses qui nous ont handicapés. Au-delà de ça, certains, surtout au niveau des intellectuels, n'ont pas voté pour nous parce que nous étions dans le gouvernement. D'autres ont estimé que, pendant que nous étions dans le gouvernement, ils n'ont pas vu à leur niveau des bénéfices de l'alternance : leur parti était au pouvoir mais ils ne recevaient pas de financement ni d'appui, d'où leur déception. Beaucoup de Sénégalais qui nous soutenaient, n'ont pas voté pour nous parce qu'ils estimaient que, malgré tout, Wade étant candidat, il nous fallait attendre l'échéance suivante pour l'être à notre tour. Mais nous avons estimé que ce n'était pas la bonne attitude car il fallait, au contraire, être là pour réaffirmer notre ambition présidentielle et laisser à l'avenir le temps de reconfigurer la scène politique sénégalaise.

Wal Fadjri : Vous aviez promis de ne pas utiliser les moyens de l'Etat pour votre campagne. Pourtant, on vous a vus avec beaucoup de véhicules 4x4. D'où vous viennent-ils ?

Landing Savané : J'ai loué des voitures parce que je ne pouvais pas utiliser les moyens de l'Etat. Cela m'a naturellement coûté un peu d'argent, mais moins cher naturellement que de les acheter.

Wal Fadjri : Est-ce à dire qu'au Sénégal l'élection se joue maintenant sur la base de moyens ?

Landing Savané : Ce n'est pas maintenant. Traditionnellement, les moyens ont toujours joué un rôle important, il ne faut pas quand même le cacher. Mais cette fois-ci plus que par le passé, les moyens ont été au-dessus de tout ce qu'on pouvait imaginer. Les principaux partis se sont battus à coups de millions distribués çà et là pour sécuriser les électeurs et pouvoir gagner.

Wal Fadjri : Etes-vous, dans ce cas, favorable à un système de plafonnement des dépenses politiques ?

Landing Savané : Dans le principe, l'idée est intéressante. Mais, dans la pratique, je suis un peu sceptique. Est-ce réalisable dans un pays comme le nôtre ? Dans les pays occidentaux où cela se pratique, il y a un système de contrôle beaucoup plus précis qui permet, lorsqu'il y a des fraudes dans un parti en matière de dépenses, de l'épingler. Au Sénégal, il faut que nous soyons réalistes. Ce n'est pas la peine de s'engager dans des impasses. Il faut réfléchir sur cette question, voir les moyens de moraliser. Mais ne pas, non plus, prendre une direction qui ne peut pas prospérer.

Wal Fadjri : En 1988, vous avez été candidat avec un score dérisoire. En 1993, votre score a évolué. En 2000, vous avez soutenu Abdoulaye Wade. En 2007, on connaît le résultat que vous avez obtenu. La parenthèse de 2000 ne vous a-t-elle pas porté préjudice ?

Landing Savané : Si ! Elle m'a porté préjudice au plan personnel. Mais, cela a été bon pour le pays. Ce pays devait avancer ; l'alternance devait gagner ; la paix sociale était à ce prix. Je peux dire, aujourd'hui, que l'idée de soutenir Me Wade à la présidentielle, c'est une idée qui est venue de moi. Dès le lendemain des législatives (1998, Ndlr), en examinant les statistiques électorales, j'ai compris qu'il était possible que Wade gagne en 2000. En mettant en avant l'intérêt du pays, nous avons entrepris la démarche, dans sa direction d'abord, dans celle des autres ensuite, pour réaliser l'alternance. Nous ne regrettons rien de ce que nous avons fait en 2000. Au contraire ! Nous estimons que nous avons fait ce que nous avions à faire. Nous estimons que de 2000 à 2007, le régime de l'alternance a fait des réalisations que le Parti socialiste n'aurait pas pu faire. La personne n'est rien par rapport au pays. Au cours de la campagne, j'ai bien dit qu'il n'y aura qu'un élu. L'essentiel, c'est d'élire quelqu'un qui travaille pour le pays. Si quelqu'un d'autre que moi est élu et qu'il travaille pour le pays, où est le problème ? Je continue dans cette logique. Je suis d'abord un patriote, quelqu'un qui tient à ce que son pays avance, à ce que les avancées démocratiques se consolident, à ce que les acquis sociaux et économiques se développent. Il y a eu quinze candidats à l'élection présidentielle. Tous ne seront pas élus. Il y en a un qui sera président de la République. Parmi les quatorze restants, peut-être qu'il y en aura un autre qui sera président à la prochaine présidentielle. Peut-être même que c'est quelqu'un d'autre qui viendra remporter l'élection. Le jeu démocratique exige que chacun affirme son ambition et se batte pour cela. Cela est important pour que le pays aille de l'avant, pour que cette vitalité démocratique se confirme et se développe. Maintenant, il faut relativiser les choses. C'est le Sénégal qu'il faut mettre en avant.

Wal Fadjri : En 1993, Jeune Afrique disait de vous que vous êtes ‘le candidat de l'avenir’, partant de la courbe croissante de vos scores. Ne pensez-vous pas avoir déçu ?

Landing Savané : J'ai déçu et j'ai été moi-même déçu. Mais est-ce la fin du monde ? Si vous regardez les scores du Pds, à un moment, ils ont chuté, à d'autres ils ont remonté. Cela n'a pas empêché Me Wade de gagner. Comme on dit dans ce pays, Nit ak yeenem, Yalla ak dogalam (l'homme propose, Dieu dispose, Ndlr). Si le destin de Landing Savané, comme il le souhaite, c'est d'être président de la République, il le sera un jour. Mais, chacun des candidats le souhaite. Moi, je relativise les choses. C'est pourquoi je ne suis pas traumatisé par des situations. Au contraire, vous avez vu qu'au lendemain des élections, j'avais le moral et je suis reparti comme si de rien n'était. Parce qu'il faut avoir son ambition, mais savoir relativiser les choses. On peut perdre une bataille. Mais est-ce que la guerre est perdue ? Loin s'en faut ! La guerre continue. Le président Wade est toujours là. Qui sera le quatrième président du Sénégal ? Dieu seul le sait. Mais, aucun parmi ceux qui se sont présentés n'est, pour l'instant, exclu.

Wal Fadjri : Justement, le président de la République a défini le profil de son successeur. Qu'en pensez-vous ?

Landing Savané : Ce sont les Sénégalais qui vont décider de la succession du président de la République. Le président Wade a son opinion. Il en a le droit et le devoir. Mais, ce sont les Sénégalais qui décident.

Wal Fadjri : Vous qui avez été son intime dans un passé très récent, avez-vous senti en lui cette ambition de se faire succéder par son fils (Karim Wade) ?

Landing Savané : Je ne l'ai entendu nulle part. Ce que j'ai entendu dire, c'est que son fils n'est pas dans la course.

Wal Fadjri : Que pensez-vous de Karim Wade ?

Landing Savané : Rien du tout ! Parce que c'est une hypothèse que je n'ai jamais envisagée.

Wal Fadjri : A un moment donné, le président Wade avait dit qu'il balisait pour vous -vous et Iba Der, entre autres- le chemin de la présidence...

Landing Savané : Je ne suis pas intervenu sur cette question. Encore une fois, Me Wade est le président de la République. Il peut avoir des préférences. Il a, nécessairement, des préférences. Il ne m'a fait aucune confidence sur ses préférences. Je souhaite que ce soit un homme de paix et de dialogue. Mais, je n'en sais pas plus.

Wal Fadjri : Comment entrevoyez-vous cette succession ?

Landing Savané : L'essentiel, c'est que la succession se fasse de façon démocratique. A la fin du mandat de Wade dans 5 ans, il faudra nécessairement aller aux élections. En ce moment, si son fils ou moi-même ou quelqu'un d'autre est candidat à la succession, il faut aller à l'élection. C'est le peuple souverain qui va décider de qui va lui succéder. Personnellement, je n'ai rien contre qui que ce soit. Pourvu, simplement, que les choses se passent démocratiquement. Si les Sénégalais sont pour que tel ou tel soit candidat, où est le problème ? On passe au vote. On verra ce que celui qui sera choisi va faire.

Wal Fadjri : Vous n'êtes plus aux affaires. Avec le recul, quel regard portez-vous sur cette affaire Idrissa Seck et, notamment, sur le fameux protocole de Rebeuss ?

Landing Savané : Je n'ai jamais voulu piper un mot sur le dossier Idrissa Seck. C'est l'affaire la plus obscure que je connaisse. Je suis un homme qui n'aime pas parler de choses que je ne connais pas.

Wal Fadjri : Mais, on a souvenance de quelques piques que vous avez échangées avec Idrissa Seck au moment où il était en prison...

Landing Savané : Pas beaucoup ! J'ai dit seulement qu'il fallait faire la lumière sur l'affaire des chantiers de Thiès. Il (Idrissa Seck) avait mal pris cela à l'époque. Il avait réagi. Depuis lors, il a compris qu'il valait mieux éviter de polémiquer avec quelqu'un qui demande que la lumière soit faite sur un dossier. Je n'en veux pas, spécialement, à tel ou tel. Mais, je ne connais rien sur le fond de ce dossier.

Wal Fadjri : Pendant que vous étiez dans le gouvernement, n'avez-vous pas exigé des éléments de clarification pour être au même niveau d'information que vos partenaires ?

Landing Savané : Jamais ! Parce que ce n'était pas, à proprement parler, un dossier gouvernemental. Il y avait les chantiers de Thiès. Sur ce dossier, on nous a donné ce que l'on nous nous a donné à l'époque. Il y a eu beaucoup de présentations sur le dossier. Sur les fonds politiques, ce n'est pas un dossier du gouvernement. C'est un dossier du président de la République. Donc, je ne vais pas exiger de lui des informations qui ont un caractère confidentiel.

Wal Fadjri : Pourquoi avez-vous accepté de continuer à siéger dans un gouvernement où il y a des choses obscures ?

Landing Savané : Il n'ya pas que celles-là. Il y a plein de choses obscures dans le gouvernement. Cela est valable pour tous les gouvernements. La question des fonds politiques n'a jamais été claire depuis la nuit des temps. Depuis l'indépendance, ce sont des fonds qui ont été gérés de façon discriminatoire par le président de la République. Nous ne savons pas, réellement, ce qui s'est passé. C'est dernièrement que l'on a connu l'ampleur du phénomène. C'était trop tard. De sorte que cette question allait apparaître comme quelque chose d'artificiel.

Wal Fadjri : Vous dites agir au nom des populations. N'avez-vous pas failli à votre devoir de clarification vis-à-vis de ces dernières ?

Landing Savané : Nous ne pouvons éclairer qu'avec nos torches. Or, sur ce dossier, ma torche ne fonctionne pas. Si j'avais des éléments, j'aurais pu les donner. Mais, je n'ai pas d'élément. Je ne peux pas les arracher à ceux qui les détiennent.

Wal Fadjri : C'est en conseil des ministres que le président de la République a annoncé son intention de poursuivre son ancien Premier ministre sur la base du dossier des chantiers de Thiès. Pourquoi vous le l'y avez pas interpellé ?

Landing Savané : Sur les chantiers de Thiès, il y a eu beaucoup d'informations qui ont été données. Il y a l'Inspection générale d'Etat qui a fait ses enquêtes et sorti un dossier. Si vous avez bonne mémoire, vous vous rappelez que nous avons été associés à une réunion où des informations ont été données. Donc, les questions posées ont trouvé les réponses possibles autour de ce dossier. La question des fonds politiques n'a été posée que tout dernièrement quand l'ancien Premier ministre a déclaré, lui-même, que, en réalité, les fonds politiques étaient au cœur du problème. C'est en ce moment que cette question s'est posée. On était, pratiquement, dans les élections.

Wal Fadjri : Pendant la campagne, vous avez dit qu'il est possible d'être avec des voleurs sans, soi-même, être un voleur. Pouvez-vous préciser votre pensée ?

Landing Savané : Comme toujours, les journalistes préfèrent donner la partie scandaleuse d'une déclaration. J'ai parlé des fonds politiques et de tous les problèmes qu'il y a eus autour de l'argent. La personne me disait : ‘oui, mais, comme vous étiez là, est-ce que cela ne vous met pas en cause ?’. J'ai dit : ‘Non. on peut être parmi des voleurs sans être un voleur’. Parce qu'il y a eu des cas de détournement. Mais, je lui ai précisé que cela voulait dire que, dans le gouvernement, il n'y avait que des voleurs. J'ai dit qu'il y a des cas de détournement qui ont été signalés et font l'objet d'instruction. Je lui ai précisé que, dans le gouvernement, il y a des gens qui, à ma connaissance, sont des gens honnêtes avec qui j'ai travaillés et que je respecte beaucoup. C'était une image pour lui montrer que ce n'est pas parce que l'on a signalé deux ou trois cas de personnes qui ont détourné de l'argent que tous ceux qui sont là sont des détourneurs. C'est tout ce que j'ai voulu dire. Il (le journaliste) l'a présenté d'une façon qui pouvait faire penser que j'avais une appréciation péjorative sur l'ensemble des personnes qui siègent dans le gouvernement. Ce qui n'était pas le cas. Si c'était le cas, j'aurais posé le problème.

Wal Fadjri : Quelle lecture faites-vous des scandales sous l'alternance ?

Landing Savané : Cela nous a gênés. Honnêtement ! Je pense que, quelque part, c'est un domaine dans lequel il y a eu un échec de l'alternance : la gestion des hommes et des fonds. Est-ce que, malgré cela, on peut dire qu'il y a eu plus de scandales sous l'alternance qu'avant l'alternance ? C'est une question que l'on peut poser. Parce que l'alternance se passe dans une période beaucoup plus démocratique que celle antérieure. Donc, quand quelque chose se passe, on le dit, on en parle et on en discute ouvertement. Avant, ce sont des choses dont on ne parlait pas. Donc, l'histoire de ces 40 années d'indépendance reste encore à écrire. Le président lui-même a évoqué des problèmes qui se sont passés sous le gouvernement de Diouf. Moi, je ne connaissais pas grand'chose de ces problèmes. Nous savons, quand-même, que ces problèmes ont existé. Certaines personnes interpellées ont reconnu que ces problèmes existaient même si elles ont essayé de démontrer le contexte dans lequel il se sont posés. Tout cela pour dire que l'un des plus grands problèmes de ce pays, c'est celui de la gestion des deniers publics qui, depuis l'indépendance, ont, d'une manière ou d'une autre, été détournés par des responsables sans que l'on ne puisse faire tout ce qu'il fallait.

Wal Fadjri : Avez-vous un reproche particulier à faire au président de la République par rapport à ces scandales ?

Landing Savané : Naturellement, il a sa part de responsabilité. En tant que chef d'Etat, on est responsable de tout ce qui se passe dans l'Etat. C'est une responsabilité morale. Je ne peux pas, cependant, dire, de façon précise sa part réelle de responsabilité.

Wal Fadjri : Il est, quand-même, un des protagonistes...

Landing Savané : La responsabilité, ce n'est pas être protagoniste. On peut être protagoniste et avoir une part mineure de responsabilité. Je ne veux pas me prononcer par rapport à des questions sur lesquelles je n'ai pas d'éléments. Aucun des protagonistes ne nous a, jusqu'ici, dit comment cela s'est réellement passé. Donc, dire que le président de la République a une part de responsabilité, on a l'obligation de le reconnaître. Maintenant, quelle est cette responsabilité ? Je ne le sais pas.

Wal Fadjri : C'est lui qui commandite des rapports, qui blanchit...

Landing Savané : (Il coupe) C'est pour cela que c'est flou. C'est pour cela que je ne peux pas me prononcer. Je ne pourrai me prononcer que lorsque j'aurai des informations indépendantes. Il faut une source indépendante pour avoir une opinion objective. Ce n'est pas le cas. Pour cette affaire, il n'y a que les protagonistes qui donnent leurs versions. Si on est un scientifique, on ne peut pas se prononcer sur cette base-là.

Wal Fadjri : Quand le président de la République dit : à tel moment j'ai demandé à la justice de suspendre l'instruction de tels dossier, maintenant je demande qu'on les reprenne, etc, est-ce que cela ne vous gêne pas ?

Landing Savané : Bien sûr que cela nous gêne. Mais, nous savons bien que, au Sénégal, cela s'est passé toujours comme cela. Je me souviens que quand nous étions en prison, en 1994, cela s'est passé ainsi.

Wal Fadjri : N'est-ce pas facile, de votre part, de toujours recourir au passé pour justifier des attitudes présentes ? Surtout que l'alternance avait été réalisée pour corriger le passé.

Landing Savané : Cela montre que l'alternance n'a pas pu corriger. Dans la manière de gouverner, nous n'avons pas pu corriger tout ce qu'il fallait corriger. Les moyens qui était utilisés avant l'alternance ont continué d'être utilisés. C'est le système juridique sénégalais qui est ainsi conçu. Le pouvoir exécutif peut la mettre en branle ou l'arrêter selon son propre calendrier. Cela peut ne pas correspondre aux intérêts d'une bonne admnistration de la justice.

Wal Fadjri : Le fait de ne l'avoir pas dénoncé à temps ne vous a-t-il pas valu des points à l'élection ?

Landing Savané : Les Sénégalais sont ce qu'ils sont. Vous le constatez comme moi. Les points qui font gagner les élections, ce n'est pas à ce niveau que cela se passe. Je n'en dirai pas davantage. Suivez mon regard ! Vous verrez que ce qui donne des voix, c'est une bourse bien garnie plutôt qu'autre chose.

Wal Fadjri : On a remarqué que depuis la création de votre parti, ce sont les mêmes qui dirigent. Songez-vous à un renouvellement des dirigeants ?

Landing Savané : J'espère que les hommes vont se renouveler. Ce n'est pas à moi de le faire. Cette tâche revient au parti. Il y a beaucoup de jeunes qui sont dans la direction du parti. Mais, c'est vrai que dans les partis comme les nôtres, il y a une génération qui est la garante morale du parti. C'est le cas de Mamadou Diop Decroix, Bassirou Sarr pour ne citer que quelques noms. Il y a d'autres qui sont venus s'ajouter à eux. Cela va continuer (...) C'est biologique. Il y a un moment où il faut, nécessairement, un renouvellement de génération à la tête du parti.

Wal Fadjri : Vous voyez-vous dans un rôle autre que celui que vous jouez actuellement ?

Landing Savané : Bien sûr ! Je n'ai pas l'intention de passer ma vie à jouer le rôle que je joue actuellement. Dans quelques années, j'espère pouvoir être plus un conseiller que quelqu'un qui joue un rôle actif à la tête du parti.

Wal Fadjri : Tous les partis de gauche sont, maintenant, dans l'opposition. L'idée de créer un pôle de Gauche vous effleure-t-elle l'esprit ?

Landing Savané : Vous savez : on a eu tellement d'occasions de le faire. Cela n'a jamais été le cas. Il faut analyser les raisons avant de répondre à cette question. C'est un peu difficile. Mais, comme toujours, on ne renonce jamais à un idéal. Cependant, il ne faut pas rêver.

Wal Fadjri : Comptez-vous y œuvrer ?

Landing Savané : Moi, j'ai toujours œuvré à ce que la Gauche se retrouve. Mais, j'ai toujours été déçu dans cette démarche-là. Au delà de la Gauche, il faut que les Sénégalais se retrouvent, que les partis se retrouvent. Parce que, ce que je constate, c'est que le Pds n'est devenu libéral que forcé. En face de lui, il y avait le Ps. Parvenus au pouvoir, les socialistes sont devenus des libéraux. Si un jour les socialistes reprennent le pouvoir, les libéraux redeviendront des socialistes. Ce que je veux dire c'est que, finalement, ces idéologies proclamées sont artificielles. Les Sénégalais ne croient pas aux idéologies. Ils croient au pouvoir. Y compris les cadres politiques. Il y en a qui estiment qu'il faut aller du côté du pouvoir. Il n'y a qu'une minorité -et les résultats des élections le démontrent- qui croient aux idéologies. Comme il s'agit de servir ce pays, il faut analyser cela. Comme on est des hommes de Gauche et, en même temps, des hommes de science. Il faut analyser ces phénomènes-là, voir leurs implications et essayer de trouver une démarche politique qui n'oblige pas les gens à aller d'un parti à l'autre. Peut-être qu'en discutant avec tous les partis et en prenant les meilleurs au niveau de ces partis, on peut arriver à faire bouger le pays sans alimenter ce nomadisme politique qui perturbe beaucoup de choses.

Wal Fadjri : Vous n'êtes plus ministre d'Etat. Vous n'êtes plus, non plus, allié au pouvoir. Que compte faire Landing Savané de ce temps libre ?

Landing Savané : Prendre son temps. Regarder le chemin. Préparer les prochaines élections. J'ai plus de temps libre et cela fait plaisir. Un temps libre, on en a besoin quand on dirige un parti politique dans une période aussi délicate.

Wal Fadjri : Sur le plan professionnel ?

Landing Savané : J'ai ma spécialité. J'ai été consultant pendant des années. Je peux retourner à mes consultations. Mais, je n'ai pas encore décidé. Pour être honnête avec vous, je n'ai pas besoin de travailler pour vivre. Parce que j'ai des ressources qui me permettent de vivre sans cela. Ma priorité, aujourd'hui, c'est ma réflexion politique. Je travaille sur des ouvrages, sur ma vision politique. De temps en temps, mon épouse et moi, on fait des consultations pour des structures internationales. Cette possibilité est toujours là. Mais, la priorité, c'est le pays.

Wal Fadjri : Le dossier des Ics, n'est-ce pas votre échec ? Parce que c'est quand-même un ministre Aj qui gèrait l'industrie.

Landing Savané : La gestion financière ne revient pas au ministère. Une société sous tutelle n'est pas une société que l'on dirige. C'est une société qui a son directeur général, son conseil d'administration. Le ministre n'intervient que sur la politique générale du gouvernement. Les gens ont voulu en faire mon échec personnel alors que le directeur général a été choisi par le président de la République. Aucun membre de mon parti n'a joué de rôle dirigeant aux Ics. Maintenant, c'est vrai que nous avons fait des propositions qui n'ont pas eu l'agrément du président de la République sur certains points. Mais, nous avons géré ces différences d'appréciations pour faire en sorte que les difficultés de la société soient redressées peu à peu. Au moment où nous en sortions, gouvernement a signé avec les Indiens. Ce qui ouvre la porte à une solution. J'espère que le gouvernement va continuer dans cette direction. C'est un fleuron de notre industrie qui doit continuer à être parmi les entreprises les plus en vue de notre pays.

Wal Fadjri : Vous avez quitté le gouvernement mais vos Pca et directeurs généraux restent. N'est-ce pas incohérent ?

Landing Savané : And-Jëf est coupable de beaucoup d'incohérences. La première c'est d'être resté au gouvernement alors que j'étais candidat. La deuxième, c'est de laisser des responsables de notre parti dans des positions alors que nous partons. Nous n'avons pas peur des incohérences. Pourvu qu'elles nous paraissent aller dans le sens de l'intérêt du pays (...) Je rappelle que nous n'avons pas de conflit majeur avec le Pds. De 1993 à 2007, nous avons travaillé avec le Pds. Aujourd'hui, nous avons une ambition que nous avons tenu à assumer mais nous ne sommes pas à couteaux tirés avec le Pds. Cela n'a jamais été le cas. Nous avons eu des divergences sur certains points à différents moments. Mais, quand même ! Dans tout compagonnage, tout le monde sait qu'il y a des divergences à différents moments. Même dans les partis, il y a des divergences qui s'expriment parfois plus gravement même que les divergences entre partis. Donc, nous n'allons pas vous donner l'image d'un parti qui est, farouchement, opposé au Pds. Ce qui n'est pas le cas. Nous avons discuté avec eux jusqu'à la fin du mandat présidentiel. Après ce mandat, nous sommes encore dans des dispositions de dialoguer avec eux. Parce que l'intérêt du pays le demande.

Wal Fadjri : Est-ce une invite pour que l'on maintienne vos Dg et vos Pca ?

Landing Savané : Ce n'est pas une invite. C'est une invitation à faire la différence entre les postes à caractère politique (ministères) et les postes techniques (directions de sociétés nationales). N'importe quel responsable politique peut diriger n'importe quel ministère. Mais, n'importe qui ne peut pas être directeur général. Cela requiert une compétence technique. Nous avons voulu faire la différence entre les deux et nous l'avons faite.

Wal Fadjri : Dans quelle perspective vous situez vous : dans l'opposition ou dans la mouvance présidentielle ?

Landing Savané : Pour l'instant, nous ne sommes pas dans une logique d'opposition. Je l'ai dit, récemment, dans une émission. Nous ne sommes pas dans l'opposition. Ce n'est pas parce qu'on a quitté le gouvernement dans lequel on a été sur la base de notre décision de participer à la présidentielle - ce n'est pas le Pds qui nous a poussés à le faire- que nous sommes dans l'opposition. La logique n'est pas mathématique. Il y a trois possibilités dans toute chose : être avec, être contre ou être neutre. Pour être contre un gouvernement, il faut avoir des raisons autres que d'avoir quitté le gouvernement. Quelles sont les forces qui sont dans l'opposition. Certaines sont des forces auxquelles nous nous sommes opposés pendant longtemps. Si nous allons là-bas, ce sera une autre incohérence. Donc, les incohérences sont nombreuses ; les possibilités d'incohérences sont, également, nombreuses. Il faut choisir l'incohérence qui est cohérente avec notre démarche.



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