A vos cartes, citoyens !

Demain, dimanche 25 février, le Sénégal qui vote se rend aux urnes. Un rituel républicain pour se choisir, par la voie du suffrage universel, un président de la République, clef de voûte de nos institutions. Par cinq fois, depuis l’instauration du multipartisme, ce rendez-vous entre des hommes et leur peuple a été respecté.

Plus souvent dans une ambiance chahutée par la crainte d’un scrutin opaque, d’un détournement de la volonté exprimée par une partie de l’électorat. Puis vinrent 2000 et l’alternance au terme d’une consultation transparente, sans contentieux post-électoral. Et, comme de coutume dans les démocraties dites consolidées, Abdou Diouf, le vaincu, beau joueur, reconnaît sa défaite dès le lendemain, félicite Me Abdoulaye Wade, son vainqueur. Vingt ans de magistère à la tête de l’Etat pour l’un, vingt-six ans d’opposition entrecoupées de participation à des gouvernements de majorité présidentielle élargie pour l’autre. L’élégance du geste, la fierté ressentie par tout un peuple, les transports de joie des partisans du leader de l’opposition, la dignité des perdants subliment, à la face du monde, l’image d’un peuple debout. Moment intense dans l’histoire de la nation. Il est possible et impérieux de revivre des lendemains de consultations populaires aussi apaisées, à condition de le vouloir et de poser les actes qui en organisent la faisabilité.

Le choix est clair. Il est entre un Sénégal ancré dans la démocratie et un Sénégal installé dans la chienlit. L’option démocratique interdit, dans une consultation d’anticiper sur les résultats. Or, sur ce chapitre, l’obsession d’une victoire au premier tour, forte dans le camp présidentiel, peut conduire à tout entreprendre pour qu’il en soit ainsi. Le scrutin de demain n’est pas un référendum, un mode de consultation pouvant déboucher sur un plébiscite. S’inscrire dans cette démarche revient à faire dans un Bonapartisme de mauvais aloi. Cependant, le président Abdoulaye Wade, chef d’un camp, pour importante que soit sa participation dans la mise en place des conditions d’un scrutin serein, honnête, n’est pas le seul à devoir jouer sa partition. Tous les autres postulants à la magistrature suprême, par respect pour le peuple souverain doivent aussi s’investir dans le déroulement d’un vote paisible, régulier et se convaincre d’une chose : le Sénégal est plus important que la somme de leurs ego. On n’est plus en démocratie si, du fait de surenchères, des coups portés par des nervis et des milices, le citoyen est habité par la peur de s’acquitter d’un devoir civique de très grande importance. Les évènements de ces derniers jours ont montré, à suffisance, que si rien n’est fait pour assurer la sécurité des votants, la porte sera ouverte à tous les terrorismes. La psychose d’une forte abstention plane. Or, tout doit être entrepris pour permettre au citoyen de participer à la désignation d’un primus inter pares. Le Sénégal ne sacre pas un roi mais confie la gestion de ses affaires à un homme jugé apte à transcender les particularismes, les exclusions et à lui servir d’arbitre et de recours. Le perdre de vue, c’est refuser la normalité républicaine. Il appartient au président sortant, tout candidat qu’il est, et à son gouvernement, de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l’ordre dans les centres et bureaux de vote. Toutefois, cette surveillance ne saurait être la porte ouverte à l’interdiction de tout contrôle par les mandataires des candidats. La rigueur dans le maintien de l’ordre n’exclut pas la vigilance.

Il revient à la justice de jouer son rôle comme l’y invite la balance qui la symbolise. Candidats indépendants ou présentés par des partis et coalitions politiques de la majorité comme de l’opposition, doivent observer et faire respecter scrupuleusement les règles édictées par le Code électoral.

Le peuple gagne à montrer au monde qui nous regarde sa maturité, dans la paix et l’exigence de ses convictions, car seul doit lui importer le Parti du Sénégal éternel. Alors, à vos cartes citoyens !