Accusé par M. Macky Sall de pousser les pétroliers à faire monter les enchères, Me Madické Niang nie et présente sa démission

Il s’en est fallu de peu pour que Me Madické Niang, le ministre de l’Energie et des Mines, quitte le gouvernement. Au cours d’une séance d’explication orageuse qui a eu pour cadre la présidence de la République, il aurait en effet, excédé, présenté sa démission au président de la République qui l’a refusée. Les faits se sont déroulés juste avant le départ de ce dernier pour la Suisse où il séjourne depuis bientôt trois semaines pour des vacances.

SOURCE / Le Témoin. À l’origine de l’histoire que nous allons conter, une brouille entre le Premier ministre, M. Macky Sall, et son ministre de l’Energie et des Mines, Me Madické Niang. Objet de la brouille : les relations plus que heurtées que le Gouvernement entretient avec les pétroliers. Lesquels ont entrepris d’étrangler l’Etat coupable à leurs yeux de leur ôter le pain de la bouche en leur enlevant notamment le juteux contrat de l’approvisionnement de la Senelec (Société nationale d’Electricité) en hydrocarbures. Un marché qui se chiffre à 100 milliards de francs cfa environ par année. Depuis le mois d’avril dernier, lorsque la société Total avait décidé de fermer le robinet pour obliger le gouvernement à lui payer des arriérés se chiffrant à 35 milliards de nos francs, le pays est tout le temps au bord de la panne sèche. Les approvisionnements se font au coup par coup et au compte-gouttes, les « majors » pétrolières renâclant à fournir du combustible à la Sar qui leur doit des sommes astronomiques. À chaque fois que le gouvernement croit avoir trouvé une solution, les « majors », Shell et Total notamment, font monter les enchères. Et plus le gouvernement tente de les contourner, plus les pétroliers lui compliquent la tâche. Le fait que la Senelec ait obtenu une licence d’importateur lui permettant d’acheter directement son carburant sur le marché international, notamment auprès de la société marocaine Samir, a été considéré par eux comme un casus belli. Et comme dans des sables mouvants, plus le Gouvernement multiplie les efforts pour se sortir de cette mauvaise passe, plus il s’enfonce.

C’est dans ces conditions que le Premier ministre serait allé trouver le président de la République pour lui dire que le ministre de l’Energie et des Mines serait derrière les pétroliers qu’il pousserait à faire monter les enchères et à se radicaliser pour pouvoir mieux partager avec eux ensuite les bénéfices qu’ils engrangeraient de leur bras de fer avec l’Etat. Ces révélations auraient naturellement mis le président de la République dans une colère noire. Il a convoqué le Premier ministre et le ministre de l’Energie et des Mines, Me Madické Niang, pour une séance d’explications. Il a d’abord demandé au Premier ministre de répéter ce qu’il lui avait dit à propos de son ministre en charge de l’Energie. Naturellement, ce dernier a nié les accusations portées contre lui et plaidé avec éloquence - ce qui ne saurait surprendre de la part d’un ténor du barreau - sa propre cause. Macky a persisté dans ses accusations et le ton serait monté de part et d’autre.

C’est dans ce contexte que Me Madické Niang, s’adressant au chef de l’Etat, lui aurait dit ceci : « puisque je gêne autant, je préfère rendre ma démission et retourner à mon cabinet d’avocat ». Refus du président de la République qui a tenu à rappeler à l’intéressé leur long compagnonnage ainsi que les services précieux, y compris financiers, qu’il a eu à lui rendre du temps où il était dans l’Opposition. Des services dont le moindre n’est pas, bien entendu, de l’avoir tiré du pétrin de l’affaire Me Babacar Sèye où l’avocat Madické Niang a non seulement su plaider le droit pour tirer son client d’affaire, mais aussi « gérer » les assassins du défunt vice-président du Conseil constitutionnel. Des assassins qu’il continue de tenir jusqu’à présent. Dernier exemple en date, lorsque notre confrère Abdou Latif Coulibaly a écrit son dernier brûlot consacré à cette affaire, un livre basé pour l’essentiel sur les révélations de Pape Ibrahima Diakhaté, un des assassins condamnés par la justice puis graciés par le président de la République, c’est Me Madické Niang qui l’a amené à se rétracter sur les ondes des radios de la place. Après quoi, l’avocat a pris sa plume pour rédiger un bouquin destiné à donner la « bonne version », c’est-à-dire celle innocentant le Président, naturellement. De plus, très influent en milieu mouride et très bien introduit à Touba, il fait partie de ceux qui gèrent les relations du chef de l’Etat avec la capitale du mouridisme. Richissime, il est un des bailleurs du parti présidentiel même s’il n’en est pas un militant très actif. Bref, Me Madické Niang pèse d’un poids très lourd et rend trop de services pour que le président puisse se payer le luxe de se séparer d’un tel collaborateur. Ce sont sans doute toutes ces raisons qui ont fait qu’à l’issue de la séance d’explications, le Président aurait blanchi Me Niang des accusations portées contre lui par le Premier ministre et lui a en même temps renouvelé sa confiance. Inutile de dire que depuis cette affaire, le ministre de l’Energie et des Mines a rejoint le camp des ministres... qui combattent ouvertement le Premier ministre !

Mamadou Oumar Ndiaye - Le Temoin